Eglises d'Asie

Au Cambodge, la population carcérale a doublé en six ans selon un nouveau rapport

Publié le 17/03/2022




Un rapport publié la semaine dernière signale que le nombre de détenus a plus que doublé dans les prisons cambodgiennes depuis 2015. Selon la Commission des droits de l’homme des Nations unies, 38 977 personnes sont actuellement détenues dans les établissements pénitentiaires du pays pour seulement 8 804 places, sans compter un manque d’eau potable et d’accès à la santé. Amnesty International compare cette situation à une « bombe à retardement » en raison des risques sanitaires.

Une prison à Kampot, au sud du Cambodge. Le nombre de détenus dans les prisons du pays a plus que doublé depuis 2015.

Le nombre de détenus a plus que doublé dans les prisons cambodgiennes depuis 2015, avec 38 977 personnes actuellement emprisonnées dans des établissements prévus pour 8 804 détenus. Un nouveau rapport de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, couvrant la période du 1er juin 2020 au 31 mai 2021, déplore le manque de place, d’eau potable et d’air frais dans les prisons, qui opérerait à près de 343 % de leur capacité.

Le rapport a été achevé en septembre dernier et présenté à Genève en fin de semaine dernière, lors d’une rencontre organisée dans le cadre de la Convention contre la torture et autre peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants – un traité complétant la Convention des nations unies contre la torture de 1984.

« La situation dans les prisons est périlleuse au point que les conditions peuvent être considérées comme des traitements inhumains ou cruels, vu le niveau de souffrance psychologique et physique enduré par les détenus », commente le rapport. Ce dernier évoque notamment le manque d’espaces de couchage, la mauvaise qualité des installations sanitaires et des accès l’eau potable, ainsi que le manque d’accès à la santé et le manque d’air frais pour les prisonniers. La Commission mentionne également des décès suspects en détention, qui sont restés non signalés et qui n’ont pas fait l’objet d’enquête.

Près de 2 000 détenus de moins cette année selon le ministère de l’Intérieur

Selon un rapport de Radio Free Asia (RFA), Chin Malin, secrétaire d’État du ministère de la Justice du Cambodge, a assuré que son gouvernement avait travaillé dur pour régler ce problème, notamment en suspendant des condamnations et en libérant certaines personnes placées en détention provisoire, et en réduisant un arriéré de travail des tribunaux.

Nuth Savana, porte-parole du département général des prisons au sein du ministère de l’Intérieur, a affirmé à RFA que le surpeuplement des prisons a été réduit depuis l’an dernier. Le département a rapporté une diminution de 2 000 prisonniers cette année (contre presque 39 000 détenus derrière les barreaux en 2021). Il a assuré que son département s’attelait aussi au manque d’eau potable dans les établissements pénitentiaires, en creusant davantage de puits dans les prisons.

« Concernant les prisons qui ont ce problème, nous travaillons avec le Comité international de la Croix Rouge afin de créer des systèmes de filtration d’eau, notamment dans les provinces de Preah Vihear, Oddar Meanchey et Siem Reap », a-t-il insisté. « C’est notre priorité. » Les autorités ont ajouté avoir libéré des détenus ayant commis des infractions mineures, et accéléré la vaccination et limité les visites afin de limiter la propagation de la pandémie dans les prisons. Le Cambodge a été régulièrement accusé par les ONG d’ignorer la situation des détenus.

« Il faut régler cette crise d’encombrement des prisons en urgence »

Ny Sokha, président de l’Association cambodgienne pour les droits de l’homme et le développement, cité par RFA, estime de son côté que l’encombrement des prisons peut aussi être dû à l’augmentation des incarcérations de toxicomanes. « Si nous ne parvenons pas à régler le problème de surpeuplement des prisons, cela risque d’affecter la santé et l’état mental des détenus », ajoute Ny Sokha. « Une fois sortis de prison, ils ne seront donc pas en capacité de travailler. Ils deviennent malades et souffrent de maladies invalidantes, et ce n’est bon ni pour eux ni pour la société. »

Alors que la pandémie a éclaté il y a deux ans, Amnesty International a diffusé des images montrant « des conditions inhumaines et un surpeuplement extrême », comparé à « une bombe à retardement », notamment en raison des risques de propagation du Covid-19 dans les établissements.

« Ces conditions déplorables ignorent totalement les distanciations physiques et prouvent la négligence des autorités cambodgiennes vis-à-vis des droits fondamentaux des détenus, y compris durant une pandémie », a réagi David Griffiths, directeur du Bureau du secrétaire général de l’organisation. « Ces conditions n’ont jamais été acceptables. Aujourd’hui, elles sont complètement impensables. Les autorités doivent régler cette crise en urgence, tout en donnant à tous les détenus un accès approprié à la santé sans discrimination. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Filo (CC BY-SA 3.0)