Eglises d'Asie

Au Sri Lanka, l’Église participe au mouvement populaire de protestation

Publié le 15/04/2022




Face à la grave crise économique qui frappe de plein fouet le Sri Lanka, le mouvement de protestation de la population s’intensifie. Il dénonce une gestion désastreuse du gouvernement et réclame la démission du président, Gotabaya Rajapaksa, qui ne veut pas céder. Dans les rangs des manifestants se distinguent notamment des religieux, des représentants et membres de la petite minorité chrétienne du Sri Lanka.

Le 9 avril, des prêtres et religieuses participent à une manifestation à Negombo, appelant le président Gotabaya Rajapaksa et son gouvernement à démissionner.

Les manifestations de solidarité envers une population très affectée par la pénurie des denrées essentielles se succèdent. Munis de bannières et scandant des slogans, prêtres et religieuses ont rejoint les grandes manifestations qui se sont intensifiées ce week-end au Sri Lanka, en particulier dans la capitale, Colombo. Dans ce cadre, les prises de parole des représentants de l’Église se sont multipliées, exigeant la démission du président Gotabaya Rajapaksa. Ces positions renforcent plus encore la pression sur un gouvernement accusé d’avoir géré de manière désastreuse les finances de l’île et d’avoir précipité la crise économique qui paralyse la vie quotidienne des citoyens. « Les gens font la queue et sont dans l’incapacité d’obtenir des produits et des services essentiels », a expliqué ce mois-ci le cardinal Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo. « L’Église est aux côtés de ceux qui souffrent. »

Au sein des communautés religieuses d’une île dominée par les bouddhistes cinghalais, la prise de position politique n’est pas inhabituelle. L’Église, qui compte des fidèles à la fois au sein de la majorité cinghalaise et de la minorité tamoule, participe à l’occasion aux débats liés aux enjeux sociaux du pays. Aujourd’hui, les représentants de la Conférence épiscopale sri-lankaise, présidée par Mgr Winston Fernando, se montrent ainsi proches du sentiment exprimé par la population sri-lankaise. Il s’agit d’un profond désaccord avec le régime de la puissante et autoritaire famille Rajapaksa, incarnée par Gotabaya Rajapaksa à la présidence et son frère aîné Mahinda Rajapaksa au poste de Premier ministre.

Appel à « entendre les pleurs de la population »

Pour exprimer ce désaccord, des milliers de chrétiens des Églises catholique et anglicane ont rejoint ce week-end une manifestation particulièrement importante à Colombo. Depuis leurs paroisses et à l’initiative des prêtres, les fidèles ont convergé vers les points de rassemblement, également rejoints par la minorité musulmane. Le cardinal Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo, a lui-même dirigé l’une des processions. Le slogan « Gota, rentre chez toi ! » était inscrit sur de nombreuses pancartes des manifestants réclamant la démission du président Gotabaya Rajapaksa. « Nous demandons à chaque citoyen de ce pays de se rassembler et de changer ce système », a lancé le cardinal Malcolm Ranjith, qui en appelle à un « nouveau départ ». « Mettez ce pays entre les mains de quelqu’un qui peut le gouverner, et les gens doivent avoir le courage d’agir pour éradiquer un système corrompu », a-t-il également déclaré. Ses propos vont dans le sens de ceux proférés par les représentants de l’Église anglicane de Ceylan, qui ont demandé au gouvernement d’« entendre les pleurs de la population ».

Depuis plusieurs mois, la situation économique et financière, la plus sévère connue dans l’île depuis l’indépendance, ne cesse de se détériorer. Elle est liée à la pandémie de Covid-19 qui a fauché un tourisme vital pour le pays, et à des erreurs décisionnelles commises par le gouvernement. Aujourd’hui, le Sri Lanka manque de produits alimentaires, de carburants, de médicaments et d’électricité. Dans cette nation de 22 millions d’habitants, l’inflation est galopante, les prix explosent et les pauvres sont les plus touchés. La dette du Sri Lanka s’élève à 51 milliards de dollars et, mardi, le pays s’est déclaré en défaut de paiement et à court de devises pour importer les denrées essentielles qui manquent dans la vie quotidienne.

La crise a déclenché un mouvement de protestation qui cible le président Gotabaya Rajapaksa et son clan familial. La communauté chrétienne a toujours été très réticente face au pouvoir des deux frères Rajapaksa qui, en 2009, ont écrasé la rébellion des Tigres tamouls dans un bain de sang, alors que Mahinda Rajapaksa était le président du Sri Lanka et son cadet aux commandes de la défense. Ce dernier, Gotabaya Rajapaksa, a été élu en 2019 à la tête du Sri Lanka, quelques mois après les attentats perpétrés contre des églises et des hôtels, et attribués au groupe terroriste État islamique. Plus de 250 personnes avaient été tuées dans ces attaques coordonnées. Depuis, l’Église ne cache pas son mécontentement face à l’enquête qui n’a toujours pas fait la lumière sur les responsabilités liées à ces attentats, et déplore le manque de « réponse crédible » de la part du gouvernement. Et continue à réclamer justice, alors que ce dimanche de Pâques marquera aussi le souvenir de la tragédie au Sri Lanka.

(EDA / A. R.)


CRÉDITS

Ucanews