Eglises d'Asie – Sri Lanka
Cardinal Malcolm Ranjith : « La nation doit être confiée à un nouveau gouvernement qui aime vraiment ce pays »
Publié le 09/03/2024
Le 4 février lors d’une célébration à l’occasion du 76e Jour de l’indépendance, dans l’église de Tous-les-Saints en périphérie de Colombo, la capitale, le cardinal Malcom Ranjith a pris la parole en s’interrogeant sur le sens qu’il y a à célébrer la liberté, 76 ans après la déclaration de l’indépendance du pays, alors même que la nation est en pleine crise économique et politique. « Nous demandons aux dirigeants, la liberté que vous célébrez, à qui appartient-elle ? Est-ce la liberté des dirigeants ? La liberté du peuple ? » a-t-il demandé.
Le Sri Lanka a marqué l’indépendance du pays face aux Britanniques au début du mois dernier, en accueillant le Premier ministre thaïlandais Srettha Thavisin comme invité d’honneur. « N’est-ce pas tourner le peuple en dérision que de célébrer l’indépendance du pays en faisant défiler les militaires et la police, en organisant des parades aériennes et en invitant des dignitaires et ambassadeurs, alors que le peuple a faim ? » a ajouté le cardinal Ranjith, archevêque de Colombo.
Le Sri Lanka s’est déclaré en situation de faillite en avril 2022, après avoir accumulé 83 milliards de dollars US de dettes. La crise économique a déclenché une crise politique qui a conduit à la démission de Gotabaya Rajapakse comme président. L’administration actuelle du président Ranil Wickremesinghe sert de gouvernement provisoire et des élections présidentielles sont prévues entre septembre et octobre 2024 pour la nation sri-lankaise, qui compte près de 23 millions d’habitants.
La fête de l’indépendance dénoncée comme extravagante en pleine crise
Afin d’aider le pays à résister malgré ses difficultés économiques, le gouvernement par intérim a obtenu du FMI (Fonds monétaire international) un prêt de sauvetage sur quatre ans. Le gouvernement a également lancé diverses tentatives afin d’augmenter ses recettes, notamment en rehaussant les factures d’électricité et en imposant de lourdes taxes aux professionnels, dans le cadre des conditions fixées par le FMI. Par ailleurs, le gouvernement Wickremesinghe a repoussé les élections locales à plusieurs reprises, en affirmant que le Trésor public national n’avait pas les 10 milliards de roupies sri-lankaises (30 millions de dollars US) nécessaires pour organiser les élections des conseils municipaux, départementaux et régionaux.
« Ce que nous devons faire, c’est travailler pour libérer ce pays de cette classe dirigeante oppressive. Je crois sincèrement que la nation doit être confiée à un nouveau gouvernement qui aime vraiment ce pays », a déclaré le cardinal Ranjith. Les célébrations médiatisées et fastueuses du Jour de l’indépendance, en pleine misère économique, ont été peu appréciés par les ONG et autres groupes de la société civile. Harsha de Silva, membre du parlement sri-lankais et économiste, a ainsi rejeté l’idée d’un « étalage politique extravagant alors que 7 millions d’habitants ont du mal à se procurer trois repas par jour ». « Les estomacs des gens ne peuvent être rassasiés par de telles fêtes ostentatoires. Nous ne devrions pas dépenser de l’argent durement gagné au nom d’une fausse image de la nation », a-t-il souligné.
« Les gens qui célèbrent l’indépendance ne sont pas libres », a également déclaré Neil Ferdinand, de l’ONG People’s Council, le 4 février à Negombo, au nord de Colombo, lors d’une manifestation. Lors d’un mouvement social organisé par des étudiants de l’Université de Jaffna, dans le nord du pays, la police a aussi utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau afin de disperser la foule, alors que les manifestants dénonçaient la fête du Jour de l’indépendance comme un « jour sombre ».
(Avec Ucanews)