Eglises d'Asie

Cardinal Stephen Chow : « La plus grande difficulté de l’Église à Hong-Kong, c’est de créer l’unité »

Publié le 16/09/2023




[Interview exclusive] Mgr Stephen Chow, évêque de Hong-Kong depuis 2021, a été nommé le 9 juillet parmi les 21 nouveaux cardinaux qui seront créés lors du consistoire du 30 septembre au Vatican. Âgé de 64 ans et ancien supérieur de la province jésuite chinoise, il est issu d’une famille catholique hongkongaise. Selon le nouveau cardinal, une des difficultés de l’Église locale est de créer des liens entre les différentes parties prenantes. Dans une société profondément blessée et divisée, il souhaite que Hong-Kong soit une « Église pont ».

Une calligraphie symbolisant la synodalité offerte par le diocèse de Pékin à celui de Hong-Kong.

Le 9 juillet dernier, Mgr Stephen Chow Sau-yan a été nommé parmi les 21 nouveaux cardinaux qui seront créés lors du prochain consistoire du 30 septembre au Vatican. Le cardinal Chow a été nommé évêque du diocèse de Hong-Kong le 17 mai 2021, alors que le siège épiscopal de Hong-Kong était vacant depuis près de deux ans à la suite du décès de Mgr Michael Yeung le 3 janvier 2019 (qui n’a dirigé le diocèse que durant 17 mois).

Le cardinal Chow, âgé de 64 ans, était auparavant supérieur de la province chinoise de la compagnie de Jésus (de 2018 à 2021). Issu d’une famille catholique hongkongaise, il a rejoint les jésuites en 1984. Il a été à la tête de deux collèges jésuites à Hong-Kong après 2007. Il a également été professeur adjoint honoraire de l’Université de Hong-Kong (2008-2015).

Le territoire de Hong-Kong compte environ 530 000 catholiques sur 7,5 millions d’habitants. La circonscription ecclésiastique, fondée en 1841 comme préfecture apostolique puis érigée en diocèse en 1946, comprend une cinquantaine de paroisses et de nombreuses institutions caritatives. Depuis 1988, tous les évêques de Hong-Kong (excepté Mgr Yeung) ont été nommés cardinaux. Lors de l’annonce de la nomination de Mgr Chow comme cardinal, les catholiques hongkongais y ont vu un signe de plus de la préoccupation et de l’intérêt du pape François envers l’Église à Hong-Kong et en Chine.

Comment avez-vous réagi à l’annonce de votre nomination ?

J’ai été informé par un ami basé à Rome de la nouvelle le 9 juillet dernier, après l’annonce qui a été faite par le pape François. Je n’y croyais pas sur le moment, et j’ai d’abord cru qu’il y avait eu une erreur. En même temps, je considère cette nomination comme une nouvelle mission qui m’est confiée par le pape, même si je continue bien sûr avec ma mission actuelle comme évêque de Hong-Kong.

Récemment, vous avez déclaré que le diocèse de Hong-Kong a pour vocation d’être une « Église pont » entre l’Église universelle, le Saint-Siège et l’Église chinoise, et entre le gouvernement chinois et l’Église hongkongaise. Pensez-vous que cette nomination y contribuera ?

Ce rôle de passerelle doit être une contribution significative à l’Église dans son ensemble. Je pense que la nomination comme cardinal renforcera le rôle de l’Église catholique à Hong-Kong comme « Église pont » afin de soutenir les échanges et les interactions entre l’Église chinoise continentale et l’Église universelle. Mais nous devons nous rappeler que le fait de former un pont n’est pas quelque chose de romantique. Pour atteindre l’autre côté, certains pourraient choisir d’emprunter le pont ou bien de le renverser.

Beaucoup de laïcs et responsables catholiques à Hong-Kong semblent réticents à l’idée d’être mentionnés dans des médias à l’étranger, à cause de la nouvelle loi sur la sécurité nationale entrée en vigueur en 2020. Les missionnaires étrangers sont également inquiets…

Comme la loi sur la sécurité nationale est relativement nouvelle, nous avons besoin d’en savoir plus et de mieux comprendre son véritable sens et ses implications. Je crois que nous essayons toujours d’y voir plus clair. Dans tous les cas, l’Église doit engager et maintenir le dialogue avec les différentes parties. De son côté, le gouvernement de Hong-Kong nous a assuré que la liberté religieuse est garantie par la Loi fondamentale (ndr : qui sert de mini-Constitution à la région administrative spéciale de Hong-Kong), tant que la religion n’est pas utilisée comme une plateforme pour des activités politiques.

Du 17 au 21 avril, vous vous êtes rendu dans l’archidiocèse de Pékin à l’invitation de son archevêque, Mgr Joseph Li Shan. Quels sont les principaux fruits de cette visite ?

Je suis reconnaissant de cette expérience. Tout le monde a agi de bonne foi. Nous avions confiance et espoir avant cette visite, tout comme ceux du diocèse de Pékin et ceux qui nous ont rencontré. Nous espérons participer à d’autres échanges et collaborations semblables à l’avenir. Je suis heureux d’avoir visité le diocèse de Pékin. Je crois qu’il faut aller de l’avant, et continuer de marcher ensemble sur ce chemin de foi et d’espérance.

Quel est votre regard sur l’accord entre le Vatican et la Chine ? Durant ces derniers mois, celui-ci a été mis à l’épreuve et critiqué…

Les relations sino-vaticanes sont un domaine diplomatique entre deux États souverains. La Chine continentale a établi une liaison avec le Vatican sur les affaires de l’État. Par conséquent, le dialogue entre les deux États est réservé aux deux gouvernements, ce qui veut dire que le diocèse de Hong-Kong n’est pas impliqué. Toutefois, on peut imaginer que le processus de dialogue peut être plus fructueux s’il est conduit de manière plus authentique.

Le cardinal Chow, Mgr Joseph Ha Chin-shing, évêque auxiliaire de Hong-Kong, et le père Peter Cho, en avril 2023 lors d’un hommage au vénérable Matteo Ricci, à Pékin.

La sinisation des religions en Chine fait de plus en plus partie de la politique chinoise ces dernières années, mais qu’est-ce que cela signifie pour l’Église catholique en Chine ?

La sinisation, pour l’Église catholique en Chine, a été un domaine d’échanges et d’apprentissage depuis deux ans. Concernant Hong-Kong, qui est bien connectée avec l’Église universelle, c’est à travers « l’inculturation » que nous pouvons comprendre et apprécier la sinisation en Chine continentale. C’est pourquoi le concept de sinisation porte davantage sur un échange d’idées sur la foi et la culture.

Des missionnaires comme Matteo Ricci (1552-1610) ont justement parlé de « l’inculturation », en vue d’adapter la façon dont les enseignements de l’Église sont présentés aux cultures non chrétiennes…

Matteo Ricci est bien connu et tenu en haute estime en Chine, aussi bien au sein même de l’Église qu’en dehors de l’Église. Il est fortement respecté par les catholiques en Chine, mais il est aussi particulièrement apprécié par les intellectuels chinois. Le fait d’être une « Église pont » a d’ailleurs été mentionné pour la première fois par le vénérable Matteo Ricci, en Chine entre les XVIe et XVIIe siècles.

Quels sont les principaux défis actuels pour l’Église à Hong-Kong ?

La plus grande difficulté de l’Église à Hong-Kong consiste à faire le lien entre les différentes parties, afin de les aider à écouter leurs congénères avec respect et empathie, dans l’espérance que cela apaisera leur malaise et que cela favorisera la collaboration. Nous devons prier et croire en la puissance de Dieu et en l’œuvre de l’Esprit Saint. Ceci peut être accompli avec la bonne volonté de la population.

Le pape François a exprimé à maintes reprises son amour pour la Chine, et il a survolé le pays à l’occasion de son voyage en Mongolie, qui est d’ailleurs frontalière de la Chine. Comment est-il perçu en Chine ?

D’après ce que j’ai pu voir et les attitudes des catholiques que j’ai rencontrés durant mon voyage dans le diocèse de Pékin en avril dernier, je pense qu’une large majorité de catholiques en Chine sont fidèles au pape François. J’espère que l’accord provisoire (ndlr : signé entre Pékin et le Saint-Siège en 2018 et renouvelé en 2022) apportera les changements désirables pour leur Église. Le gouvernement chinois a également beaucoup de respect pour le pape François. Ses membres apprécient particulièrement son ouverture d’esprit et son inclusivité.

Récemment, vous avez dit que le synode sur la synodalité invite tous les membres de l’Église à écouter le Saint-Esprit qui est « le Dieu d’unité et non pas de la division ». Comment le synode peut-il aider l’Église à Hong-Kong et en Chine à atteindre l’unité ?

L’objectif du processus synodal n’est pas d’apporter une expérience unique ou temporaire de synodalité. Il s’agit plutôt de fournir une opportunité sur le long terme aux membres de l’Églises de différents états de vie. Ceux-ci sont appelés ensemble à prier, écouter, dialoguer, discerner et donner leur avis sur les prises de décisions pastorales, afin de correspondre autant que possible à la volonté de Dieu. Ainsi, nous continuerons de remplir notre mission d’évangélisation dans le monde. Les mêmes dynamiques doivent s’appliquer à l’Église à Hong-Kong.

(Propos recueillis par Églises d’Asie)


CRÉDITS

Diocèse de Hong-Kong