Eglises d'Asie

Carême 2023 : les catholiques bangladais particulièrement affectés par la crise

Publié le 24/03/2023




Les chrétiens bangladais sont près de 600 000 sur 165 millions d’habitants. Selon l’Église locale, les deux tiers d’entre eux travaillent tous les jours de la semaine pour un salaire dérisoire. « Pour les familles pauvres, la hausse des prix est une inquiétude constante tout au long de ce Carême. Je pense qu’elles le sentiront encore plus quand elles voudront manger un peu mieux le dimanche de Pâques », explique le père Hubert Liton Gomes, secrétaire de la Commission Justice et Paix de la Conférence épiscopale bangladaise.

Des catholiques bangladais chantent des koshter gaan (lamentations) durant le Carême, au village de Chorakhola, au nord-est de Dacca.

Michael Das, un tireur de rickshaw (voiturette légère tirée ou motorisée) âgé de 41 ans, ne peut se permettre que de la nourriture végétarienne. Lui et sa famille évitent en général les poissons et les œufs, trop onéreux, ce qui ne leur laisse que peu d’aliments dont ils pourraient s’abstenir durant le Carême. En pratique, ils mangent un peu moins durant cette période et prient davantage.

Mais cette année, en raison de la crise économique, Michael n’a eu le temps de rien faire, car il a dû travailler plus longtemps chaque jour pour pouvoir nourrir sa famille. « Je le regrette vraiment, mais je ne peux pas participer aux chemins de croix le vendredi. Je dois gagner de l’argent tous les jours », confie-t-il. Durant le Carême, la famille essaie aussi d’aider d’autres gens, même si cette année, la situation est plus difficile.

« C’est une joie d’aider les autres, mais nous ne pouvons vraiment plus le faire », assure Michael, qui vit dans la ville de Khulna, au sud du pays, à environ 250 km de Dacca, la capitale. Son épouse travaille comme employée domestique tandis que son fils aîné, âgé de 18 ans, va à l’université. Leurs deux autres enfants, un garçon et une fille, sont à l’école.

Le couple gagne près de 400 takas par jour (3,43 euros), et presque tout est dépensé pour acheter du riz, des légumes et de l’huile. À cause de l’inflation, cela devient difficile de payer les frais de scolarité de leurs enfants. « Je pense que le chemin de croix, ce n’est pas que s’agenouiller et prier. J’invoque toujours le nom de Jésus quand je peine sur la route pour nourrir ma famille », explique-t-il.

L’abstinence est une routine quotidienne à cause de la crise

Les catholiques bangladais ne consomment pas de viande, de poisson ou d’œufs les vendredis et mercredis de Carême. Certains jeûnent durant 40 jours et s’efforcent de participer à des actes de charité. Puspa Biswas, âgée de 29 ans, travaille dans une usine de textile à Dacca. Elle gagne 300 takas par jour et confie que malgré cette période difficile, elle continue de donner au moins 10 takas par jour.

Son mari, qui travaille dans un restaurant pour un salaire mensuel de 8 000 takas, l’encourage également à le faire. Le couple vit dans un petit logement loué dans le quartier de Mirpur avec leur fils de 12 ans. « Avec l’argent que nous gagnons, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour ceux qui sont plus pauvres que nous, mais le peu que nous donnons me réjouit malgré tout. »

Pour la plupart des catholiques démunis du pays, l’abstinence est une routine quotidienne depuis que l’économie s’est affaiblie à cause de la pandémie. Durant le Carême, il ne leur reste qu’à prier et à espérer que les choses s’améliorent, confie Puspa Biswas. « En plus d’aller à l’église et de donner un peu d’argent, nous prions avec toute la famille tous les soirs », ajoute-t-elle.

Un taux d’inflation annuel moyen de 11,08 % en 2022

Les chrétiens bangladais, majoritairement catholiques, sont une petite minorité au Bangladesh. Ils sont près de 600 000 pour plus de 165 millions d’habitants. Près de 100 000 catholiques vivent à Dacca. Selon l’Église locale, près des deux tiers des catholiques sont pauvres et travaillent tous les jours de la semaine pour un salaire dérisoire.

« Je pense que pour les familles défavorisées, la hausse des prix est une inquiétude constante tout au long de ce Carême. Je pense que les gens le sentiront encore plus quand après avoir jeûné 40 jours, ils voudront manger un peu mieux le dimanche de Pâques. Malheureusement, ils ne pourront pas », explique le père Hubert Liton Gomes, secrétaire de la Commission Justice et Paix de la Conférence épiscopale bangladaise.

Ce prêtre de la Sainte-Croix ajoute que le manque de moyens dans les foyers pauvres affecte aussi leur pratique spirituelle durant le Carême. Certaines paroisses qui s’en sortent mieux peuvent lever des fonds pour aider les paroisses dont les fidèles sont plus pauvres. Certains paroissiens donnent aussi pour aider les autres catholiques, confie le père Gomes. « Je fais ce que je peux sans rien demander. On m’avait donné des produits comme du riz, des légumineuses et de l’huile durant le Carême précédent, mais rien cette année », explique Puspa Biswas.

Selon l’Association des consommateurs du Bangladesh (CAB), en 2022, les habitants à faible et à moyen revenu ont été les plus affectés par le taux d’inflation annuel moyen de 11,08 % enregistré à Dacca. Le président de l’organisation, Ghulam Rahman, souligne que la montée des prix est due au marché mondial, ce qui force beaucoup au Bangladesh à réduire leur consommation alimentaire. « Les prix des marchandises sont liés au marché mondial. Donc je pense que le gouvernement doit mettre en place des mesures appropriées afin d’augmenter les salaires des personnes à faible et moyen revenu, et en même temps augmenter les importations et assurer que les commerçants ne vendent pas leurs produits à des prix excessifs. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Stephan Uttom / Ucanews