Eglises d'Asie

Covid-19 : les ouvriers du textile sri-lankais dénoncent des violations des droits du travail

Publié le 29/10/2020




Ces derniers jours, le Centre sri-lankais de prévention contre le Covid-19 a annoncé un couvre-feu dans le district de Gampaha, qui couvre la zone de Katunayake où travaillent de nombreux ouvriers du textile. Malgré la fermeture des transports publics et l’interruption de la production dans plusieurs usines, la plupart restent ouvertes, dans des conditions parfois difficiles. Depuis mars, le salaire minimum n’a été que d’environ 14 500 roupies (66,80 €), sans rémunération des heures supplémentaires. Les responsables syndicaux dénoncent aussi des suppressions d’emploi et des mises en quarantaine dans des conditions inhumaines.

Nuwangi Wickramasuriya, ouvrière d’une usine de confection de Katunayake, affirme que plusieurs centaines d’ouvriers du secteur du textile sri-lankais ont été infectés par le coronavirus. Elle explique que même si la production a été interrompue dans plusieurs usines de Katunayake, et malgré la fermeture des transports publics, la plupart des usines du secteur sont encore ouvertes. Elle ajoute que cette situation entraîne de nombreux problèmes pour les travailleurs du textile. « Nous devons tous travailler malgré le couvre-feu », précise Nuwangi, âgée de 33 ans, qui vit avec six autres ouvrières du textile à Amandoluwa (Katunayake). Le Centre national d’opération et de prévention contre le Covid-19 a annoncé un couvre-feu local pour le district de Gampaha, qui couvre la zone de Katunayake. « Nous travaillons pour un maigre salaire, et nous nous en contentons parce que nous n’avons rien d’autre. Certains jours, nous sommes forcés de travailler malgré la maladie. Même les avantages accordés aux malades ont été retirés », affirme-t-elle. « Il y a six colocataires qui vivent avec moi dans une petite pièce. Il n’y a qu’une seule salle de bains pour nous toutes. » Selon les syndicats du textile sri-lankais, près de 80 000 ouvriers du secteur ont déjà perdu leur travail à cause de la crise sanitaire. Selon le gouvernement, la seconde vague du coronavirus s’est propagée dans le pays après l’infection d’un ouvrier de l’usine de confection Brandix.

Un salaire minimum de 14 500 roupies

Le textile est la deuxième source de devises étrangères dans le pays et rapporte près de 5 milliards de dollars US de revenus annuels. Les travailleurs du secteur font face à des conditions de travail difficiles, et les ouvrières des régions rurales font régulièrement face à des situations de travail forcé et au harcèlement sexuel. Avec la pandémie, depuis mars, le salaire minimum a été d’environ 14 500 roupies (66,80 €), et les heures supplémentaires n’ont pas été rémunérées. Les responsables syndicaux du secteur expliquent que presque dix usines de la zone de Katunayake ont fermé. Ils affirment par ailleurs que la pandémie a été utilisée par certains employeurs pour supprimer des emplois. Selon certains activistes des droits de l’homme dans le pays, des ouvriers du textile ont été mis en quarantaine de force dans des conditions inhumaines. Chamila Thushari, coordinatrice locale d’une ONG de Katunayake, explique que 45 ouvriers, dont 25 femmes (et dont une femme enceinte) et 2 enfants ont été emmenés dans la zone de Katunayake le 11 octobre, afin d’être placés par l’armée dans un centre de quarantaine. « Ils n’ont eu que quelques secondes pour prendre leurs affaires et monter dans le bus. Ils n’ont même pas eu le temps de faire leurs bagages », explique Chamila. Au 26 octobre, le nombre d’infections au coronavirus enregistré dans le pays a atteint 7 872 – depuis le début de la crise sanitaire. Chamila Thushari explique que la pandémie n’a pas seulement apporté un problème de santé publique, mais aussi des violations des droits fondamentaux des ouvriers.

« Avec la pandémie, nous avons observé des déclarations haineuses et abusives fondées sur le genre et la profession. C’est particulièrement vrai dans les médias et les réseaux sociaux », dénonce Chamila. « L’Organisation internationale du travail recommande aux employeurs de prendre leurs responsabilités en protégeant les ouvriers et en assurant que ces derniers prennent toutes les mesures nécessaires pour empêcher la propagation du virus », souligne-t-elle. Elle dénonce notamment les conditions dans lesquelles les ouvriers qui ont effectué un test PCR sont placés et transportés vers les centres de quarantaine. « L’utilisation de la crise sanitaire afin de supprimer des emplois et de réduire les salaires représente une violation des droits fondamentaux des travailleurs », ajoute-t-elle. La congrégation des Sœurs de la Charité, qui accompagne les ouvrières du textile, remarque que ces dernières travaillent dur, qu’elles ne sont pas des mendiantes, et qu’elles n’ont rien fait d’illégal. Sœur Noel Christine Fernando souligne qu’elles sont marginalisées, sans aucune reconnaissance sociale, et que beaucoup d’entre elles en sont affectées et déprimées. « Ces femmes ont été embarquées de nuit, et les militaires ne leur ont pas expliqué pourquoi ni où elles étaient emmenées », regrette sœur Fernando, qui a fondé un centre appelé Shramaabimani Kendraya (Dignité du travail). La religieuse rend régulièrement visite aux ouvriers pour écouter leurs problèmes.

(Avec Ucanews, Colombo)

Crédit : Garments Without Guilt / CC BY-SA 2.0