Eglises d'Asie

Dacca : la Cour suprême s’attaque aux discriminations contre les femmes bangladaises

Publié le 12/03/2022




Le père Albert Thomas Rozario, membre de la Commission Justice et Paix de la Conférence épiscopale bangladaise, a salué une décision de la Cour suprême du Bangladesh, annoncée le 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes. La Haute Cour s’est attaquée aux discriminations contre les femmes bangladaises en termes d’accès à l’emploi, d’héritage et de statut social. « L’Église s’efforce d’y travailler pour améliorer la situation », a réagi le prêtre.

Des ouvrières portent des paniers chargés de charbon en périphérie de Dacca, la capitale bangladaise.

Le père Albert Thomas Rozario, membre de la Commission Justice et Paix de la Conférence épiscopale bangladaise, a salué une décision de la Cour suprême contre les discriminations contre les femmes dans le pays, quelle que soit leur religion, dans un pays majoritairement musulman.

Le 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, Mohammad Rais Uddin, magistrat de la Cour suprême, a voté un suo motu concernant les discriminations contre les femmes bangladaises, en termes d’accès à l’emploi, d’héritage et de statut social. Un « suo motu », en droit, désigne une action d’un juge prise sans requête ou demande préalable.

La Cour bangladaise a demandé au gouvernement d’expliquer, d’ici quatre semaines, pourquoi les inégalités entre les fils et les filles, les hommes et les femmes, en termes de statut social, d’accès à l’emploi et d’héritage, quelle que soit la religion, ne sont pas déclarées comme illégales. Le mars, selon le Daily Star, les ministères de la Justice, des Affaires de femmes et des enfants et des Affaires religieuses ont été rappelés à l’ordre par cette déclaration de la Cour suprême.

« Je pense que l’émancipation et l’égalité des droits de femmes au Bangladesh ne sont possibles que si les croyants de toutes les religions soutiennent l’égalité des droits et la dignité des femmes selon leurs positions respectives », estime le père Albert Thomas Rozario. « En l’occurrence, je pense que cette décision de la Haute Cour est révolutionnaire. »

Le prêtre souligne que l’Église catholique locale offre l’égalité des droits aux hommes et aux femmes, y compris concernant leurs droits d’héritage. Toutefois, il reconnaît que les femmes bangladaises souffrent toujours de discriminations sociales, notamment concernant les processus de décision. « L’Église s’efforce d’y travailler pour améliorer la situation », assure-t-il.

Forte opposition des extrémistes musulmans et hindous

Au Bangladesh, les musulmans, les hindous, les bouddhistes et les chrétiens ont des lois distinctes concernant leurs affaires personnelles comme les questions de mariage, de famille et d’héritage – une situation qui remonte à l’ère coloniale britannique. Selon la loi personnelle musulmane, les femmes héritent de la moitié d’une propriété dans une famille ; pour les hindous, elles n’y ont pas droit ; en l’absence de loi personnelle chez les bouddhistes, ceux-ci dépendent des lois familiales hindoues. La loi sur les successions des chrétiens stipule que les femmes ont droit à une part d’héritage égale à celle de leur mari et de leurs parents.

Le gouvernement bangladais a formulé une nouvelle Politique nationale de développement pour les femmes en 2010 afin de mettre fin à toutes les formes de discriminations, toutefois, cette politique a été suspendue en raison d’une forte opposition et de manifestations de rues organisées par les extrémistes islamistes. Par ailleurs, durant des années, des ONG et militants ont appelé à mettre fin aux discriminations contre les femmes hindoues en termes d’héritage, en votant des amendements des lois familiales hindoues. Mais cela aussi a rencontré une forte opposition des organisations radicales hindoues.

« Ce genre de pensées discriminatoires est courant dans le pays »

Pratima Rani, une étudiante de 23 ans de l’université de Dacca, estime qu’avec les lois familiales actuelles de la communauté hindoue bangladaise, la dignité des femmes hindoues n’est pas respectée. « Je soutiens pleinement la décision de la Haute Cour, et je ne veux pas que ce soit juste sur le papier mais il faut que ce soit appliqué. Nous voulons sortir de notre société patriarcale et vivre dans la dignité », souligne-t-elle.

De son côté, Rita Roselin Costa, responsable du Bureau des femmes de la Conférence épiscopale bangladaise, évoque différentes formes de discriminations contre les femmes dans le pays. « Qu’une fille ait l’âge de se marier ou non, sa famille peut penser qu’elle doit se marier le plus tôt possible et avoir un bon mari, en craignant ce qui peut se passer une fois son éducation terminée. Ce genre de pensées discriminatoires est courant dans le pays », explique-t-elle, en ajoutant que même si dans la loi chrétienne, les filles ont droit à une part égale de leur héritage, les femmes chrétiennes ne le savent pas parce qu’il y a eu peu de publicité sur cette législation.

« Dès le plus jeune âge, elles apprennent de la société que si elles héritent de leurs parents, leurs relations avec leurs frères seront rompues. Donc même si beaucoup de filles sont dans le besoin, elles peuvent renoncer à leurs droits juste pour protéger leurs relations familiales », confie Rita Costa. Anisul Huq, ministre de la Justice, estime de son côté que le problème des discriminations basées sur le genre ne peut être résolu uniquement par la loi. « Le gouvernement de la Première ministre Sheikh Hasina essaie de supprimer ces discriminations », a-t-il déclaré en intervenant lors d’un événement organisé par la Commission nationale sur les droits de l’homme, le 8 mars à Dacca.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Stephan Uttom / Ucanews