Eglises d'Asie – Bangladesh
Dacca : les fêtes de Noël de plus en plus acceptées et fêtées au Bangladesh
Publié le 29/12/2022
Il y a une vingtaine d’années, quand Mohibul Hasan a ouvert son magasin de vêtements dans le quartier de Mirpur, à Dacca, Noël était très peu connu au Bangladesh. Aujourd’hui, la fête est devenue l’une des meilleures saisons de l’année pour les commerçants. « Si je vends habituellement une centaine de saris par mois, durant la semaine précédant Noël je peux en vendre près de 300 », assure ce musulman, âgé de 52 ans, dans sa boutique décorée pour Noël dans la capitale bangladaise.
Le fait que les festivités de Noël soient largement acceptées dans la société montre un changement social majeur dans le pays, ce qui pourrait contribuer à construire la nation en la libérant de l’extrémisme, selon les sociologues et les responsables chrétiens. « C’est vraiment un tournant important. L’universalité de Noël se répand et c’est très positif pour nous », confie le professeur Shah Ehsan Habib, enseignant en sociologie de l’Université de Dacca.
Il ajoute que les décorations de Noël sont devenues la norme dans les hôtels, les restaurants et les centres commerciaux durant la saison, ce qui n’était pas le cas il y a une décennie. « On voit aujourd’hui toutes sortes de décorations, parce que les gens aiment Noël », explique-t-il, à cause du caractère universel et festif de la fête.
L’hôtel cinq étoiles les plus connu de Dacca, le Pan Pacific Sonargaon, célèbre déjà Noël tous les ans depuis plusieurs dizaines d’années, selon Mohammed Nefeuzzaman, directeur des relations publiques de l’établissement. « Le jour de Noël est fêté magnifiquement dans notre hôtel. Des gens de toutes les religions célèbrent l’événement ensemble », raconte-t-il, en ajoutant que l’établissement organise des programmes spéciaux pour l’occasion et que « la réaction du public est excellente ». Il ajoute que l’accueil de l’hôtel est décoré d’illuminations multicolores, complétées de vœux de Noël et d’images de pères Noël en rouge et blanc.
« Cela entraîne un véritable changement social »
« Notre programme le plus populaire est le Carnaval des Enfants, qui propose différents manèges pour les enfants le jour de Noël », ajoute-t-il. Ils organisent également des spectacles de magie et de marionnettes, ainsi que des balades à dos de poney. Des buffets variés sont disposés la veille et le jour de Noël pour en faire « une célébration universelle pour les croyants de toutes les religions ». « Les enfants comme les adultes viennent pour s’amuser. Nous attendions près de mille visiteurs cette année. Le nombre augmente d’année en année », assure-t-il.
Nirmol Rozario, président de l’Association chrétienne du Bangladesh, remarque que les décorations de Noël se sont multipliées dans les hôtels et les centres commerciaux au cours des dix dernières années. « C’est un bon message qui est envoyé à tous les croyants pour Noël. Cela aura un impact majeur pour la construction d’un pays non communautariste », estime-t-il. « Jusqu’à il y a quelques années, les gens des autres confessions ne connaissaient pas Noël. Mais ces décorations dans les hôtels et les boutiques, ainsi que les discussions sur les réseaux sociaux et les publicités, en ont fait un festival important pour tous », poursuit-il. « Cela entraîne un véritable changement social et cela aura des résultats positifs pour notre pays, pour la société et pour les chrétiens. »
« Notre boutique est très fréquentée durant les deux semaines avant Noël »
Les chrétiens bangladais, majoritairement catholiques, forment une petite minorité dans le pays avec quelque 600 000 fidèles pour plus de 165 millions d’habitants. Près de 100 000 d’entre eux vivent dans la capitale et dans les environs, couverts par l’archidiocèse de Dacca. La ville compte également une population importante de migrants internes catholiques, dont plusieurs centaines d’étudiants qui viennent étudier et travailler depuis leurs villages d’origine.
Le nombre croissant de chrétiens à Dacca, qui font leurs achats de Noël avant les fêtes, contribue à soutenir les affaires des commerçants. « Notre boutique, comme d’autres, devient très fréquentée durant les deux semaines précédant Noël. Notre patron l’a également remarqué, et il apporte de nouveaux produits en avance », confie Mollica Biswas.
Cette étudiante catholique de 23 ans, qui travaille comme vendeuse à temps partiel dans une boutique de Bashundhara City, le centre commercial le plus connu de la capitale, ajoute qu’habituellement, elle ne croise jamais ses connaissances chrétiennes dans sa boutique. « Mais tout d’un coup, durant la seconde moitié du mois de décembre, je vois plusieurs d’entre eux », confie-t-elle.
Pour les catholiques comme Sowpan Marandy, cuisinier dans un restaurant de la ville, cette saison est idéale pour acheter de nouveaux vêtements pour les membres de sa famille, avant de se rendre dans sa région natale pour Noël. Ce Bangladais d’une trentaine d’années comptait retourner dans son village du district de Dinajpur pour passer les fêtes avec sa femme, ses deux enfants et son père.
Il précise qu’il a acheté « un sari, des pantalons pour mes deux fils et une chemise pour mon père, dans une boutique au bord de la route ». « Rien pour moi, mais j’ai déjà dépensé plus que mon budget », ajoute-t-il. « Et il y a ensuite d’autres dépenses à la maison pour les fêtes. Je ne sais pas comment nous ferons », s’inquiète-t-il.
(Avec Ucanews)
CRÉDITS
Stephan Uttom / Ucanews