Eglises d'Asie – Chine
Dans les villes chinoises, les migrants internes ont formé un groupe « oublié » malgré l’essor économique
Publié le 21/07/2023
Après avoir vécu l’urbanisation et la réforme économique, la première génération des travailleurs migrants chinois venus des régions rurales fait face au problème de la retraite, alors que beaucoup d’entre eux touchent des faibles pensions insuffisantes pour leur survie.
Selon une étude menée par Qiu Fengxian, professeur associé à l’université normale d’Anhui, près de 60 % de migrants internes continuent de travailler après l’âge légal de départ à la retraite, jusqu’à ce qu’ils soient trop âgés. Le rapport a été censuré sur les réseaux sociaux chinois. Des questionnaires ont été distribués auprès de près de 2 500 personnes, et plus de 200 entretiens ont été organisés.
Il semble que beaucoup d’entre eux ont été abandonnés, considérés comme trop vieux pour travailler en ville après une carrière de plus de trente ans. En moyenne, ils touchent une pension de seulement 100 à 200 yuans (entre 12 et 25 euros) par mois. Le rapport montre également que plus de la moitié des migrants internes chinois ont moins de 50 000 yuans (6 230 euros) sur leur compte en banque, après avoir travaillé en ville pendant plus de quinze ans et 15,2 % d’entre eux n’ont aucune économie.
Ils dépensent en général leurs revenus en envoyant de l’argent chez eux pour l’éducation de leurs enfants, mais moins de 20 % de la génération suivante est parvenue à grimper l’échelle sociale. Par comparaison, la majorité des enfants des migrants internes quittent l’école de manière précoce et moins de 20 % vont jusqu’à l’université. Seuls 5,1 % d’entre eux travaillent dans la fonction publique, considérée comme un secteur stable et prestigieux en Chine.
La Chine compte aujourd’hui 295 millions de migrants internes
Après la révolution culturelle, les habitants vivant dans les régions rurales ont été autorisés à chercher du travail dans les villes. La première génération de travailleurs migrants, née avant les années 1970, a commencé à arriver dans les métropoles et les grands centres urbains à partir du milieu des années 1980. Selon les dernières statistiques officielles, la Chine compte 295 millions de migrants internes, dont près de 86 millions qui appartiennent à la première génération et qui sont aujourd’hui proches voire au-delà de l’âge de la retraite.
Dans son rapport, le professeur Qiu Fengxian conclut que la première génération de migrants internes chinois présente une « fragilité sociale ». Une majorité d’entre eux ont eu des emplois difficiles et risqués pour des faibles salaires : 40 % étaient dans le bâtiment, 18,9 % dans l’industrie ; d’autres travaillaient dans la restauration, ou comme éboueurs ou agents de sécurité. Les problèmes de santé et les accidents de travail deviennent courants avec l’approche de la vieillesse, mais à cause de la crainte du chômage et les coûts élevés des services médicaux, la plupart évitent de se rendre à l’hôpital.
La pandémie et l’économie stagnante contribuent à l’augmentation du chômage
Ainsi, malgré plusieurs décennies d’essor économique, les travailleurs migrants ont formé un groupe oublié, en partie parce qu’ils ne bénéficient pas des mêmes droits que les autres résidents des centres urbains à cause du système « Hukou » (un système d’enregistrement et de contrôle de la population instauré à l’époque maoïste, qui limite les déplacements des habitants). Les migrants internes ont pourtant largement contribué à l’urbanisation de la Chine.
Bien que beaucoup continuent à travailler aujourd’hui, les emplois disponibles se raréfient, alors que les restaurants les hôtels préfèrent par exemple embaucher des employés plus jeunes. Les autorités de beaucoup de villes ont ainsi interdit l’embauche des hommes de plus de 60 ans et des femmes de plus de 50 ans sur les chantiers, pour des raisons de sécurité. Le rapport indique que certains ont acheté de fausses cartes d’identité présentant une date de naissance rajeunie, ce qui les expose à des peines de prison.
Enfin, il y a eu les conséquences de la pandémie de Covid-19 et d’une économie stagnante depuis quelques années, qui ont contribué à une augmentation du taux de chômage. Le ralentissement de l’urbanisation a également entraîné une baisse du nombre d’emplois disponibles.
(Avec Asianews)