Eglises d'Asie

Des catéchistes catholiques birmans participent aux aides humanitaires entre la Thaïlande et la Birmanie

Publié le 27/10/2022




Des volontaires du diocèse birman de Hpa-an et du diocèse thaïlandais de Chiang Mai participent à des opérations humanitaires le long du fleuve Salouen, en transportant de la nourriture et des médicaments, entre autres, vers des familles déplacées et réfugiées dans la jungle birmane, près de la frontière thaïlandaise. Plus d’1,3 million de personnes sont toujours déplacées à travers le pays, dont plus d’1 million depuis 2021 selon un rapport publié le 1er octobre par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU.

Plus de 14 millions de Birmans, soit près d’un quart du pays, ont besoin d’aide humanitaire.

Pah Kler, un catéchiste catholique birman, monte sur un bateau chargé de sacs de riz, puis disparaît derrière une courbe du fleuve Salouen afin d’aller distribuer des aides précieuses à des familles cachées dans la jungle birmane. Pah Kler coordonne les aides transfrontalières destinées à 43 groupes de personnes déplacées par les violences brutales qui ont suivi le coup d’État militaire de 2021 en Birmanie.

« Les gens ont commencé à se montrer près de mon village au début de l’année, et de nouvelles familles continuent d’arriver. Ils ne peuvent pas rentrer dans leurs villages parce qu’ils ont peur des bombardements de l’armée », explique-t-il, interrogé par Catholic News Service. « Ils ne vont pas bien. Quand ils sont partis en hâte, ils n’ont rien pu emporter. Ils cherchent des racines comestibles dans la jungle, qu’ils font bouillir. Ils ont reçu des aides d’autres villageois, mais on arrive à une époque de l’année entre deux récoltes, et il n’y a plus de surplus de nourriture. Quand nous leur donnons ce riz, ils le font bouillir avec des légumes et des pousses de bambou qu’ils ramassent dans la forêt. Cela les aidera à survivre pour un temps. »

Plus d’1,3 million de personnes sont toujours déplacées à travers le pays, dont plus d’1 million depuis février 2021 selon un rapport publié le 1er octobre par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU. Plus de 14 millions de personnes, soit près d’un quart de la population birmane, ont également besoin d’assistance humanitaire selon le Programme alimentaire mondial. Pourtant, l’armée continue de limiter ou bloquer les aides qui leur sont destinées, et obtenir de la nourriture et autres produits de base devient difficile.

« J’essaie de faire le lien entre les Églises des deux côtés de la frontière »

Pah Kler travaille étroitement avec des responsables du diocèse de Chiang Mai en Thaïlande. Avec l’aide de la congrégation de Maryknoll (une société missionnaire américaine), les responsables diocésains achètent de la nourriture, des médicaments ainsi que divers matériaux destinés à des abris temporaires, avant de les transporter vers un point du fleuve Salouen qui forme la frontière avec la Birmanie. Là, Pah Kler et les autres volontaires du diocèse birman de Hpa-an transportent les matériaux sur le fleuve, vers un site où ils peuvent débarquer les aides. Le riz est ensuite transporté à pied par les volontaires, qui empruntent des sentiers forestiers qui évitent les routes où se trouvent les checkpoints de l’armée. Il faut parfois jusqu’à deux jours et demi de trajet avec ces détours.

Durant un de ces voyages, récemment, les volontaires ont ainsi transporté près d’un mois d’approvisionnement en riz pour 429 familles réfugiées. Bien que la nourriture, le riz en particulier, reste la priorité, ils apportent aussi des médicaments – Pah Kler explique que le paludisme, la diarrhée et la malnutrition sont courants parmi les déplacés internes. Il ajoute que sa foi le pousse à poursuivre ce travail volontaire. « Je fais cela parce que j’ai vu les souffrances des gens. En tant que catéchiste, quand je vois des gens qui ont faim et qui sont malades, mon rôle est d’appliquer concrètement les enseignements de l’Église. Et je connais les habitants du côté thaïlandais de la frontière, donc j’essaie de faire le lien entre les Églises des deux côtés », ajoute-t-il.

Une initiative à la fois efficace et discrète

Le père John Barth, un missionnaire de Maryknoll qui participe aux opérations, se dit impressionné par ces Birmans qui vont transporter des aides dans la jungle vers leurs voisins en détresse. « Ils prennent de grands risques en faisant cela. Si nous fournissons la nourriture, ils la transporteront là où elle doit aller. J’ai grandi en entendant les histoires des saints, et ces gens me font penser à eux, pour moi ce sont des héros. » Le père Barth ajoute que l’Église a une position unique pour aider les déplacer, dans un contexte politique où les autres organisations humanitaires ne sont pas bienvenues.

« Les Thaïs sont en général très hospitaliers, mais l’armée thaïlandaise marche sur des œufs. Ils sont d’un côté poussés par les Américains et les autres pays à faire pression sur la Birmanie ; pourtant, la Thaïlande ne veut pas contrarier la Birmanie voisine, donc les Thaïlandais évitent de permettre des opérations humanitaires trop visibles », explique le prêtre, qui ajoute que puisque les opérations diocésaines reposent sur des membres du clergé et des laïcs qui sont déjà sur le terrain, l’initiative est à la foi efficace et discrète.

Pourtant, les volontaires font part de leur frustration devant l’insuffisance des aides, leurs opérations étant limitées à des communautés qu’ils peuvent atteindre à pied depuis la frontière. « Les gens ont faim. L’année dernière, avec tant de gens en fuite, les fermiers n’ont pas pu planter. Et les agences de l’ONU et les ONG ne sont pas autorisées à les aider », confie un volontaire catholique impliqué dans les opérations côté birman, qui souhaite rester anonyme.

« Le simple fait de les aider est illégal »

Il a lui-même quitté son village cette année après la mort de plusieurs de ses collègues, mais une partie de sa famille est toujours là-bas. Il ajoute que le gouvernement militaire birman a rendu illégal la distribution de nourriture aux populations dans le besoin. « Le simple fait de les aider est contre la loi. Même si vous leur apportez seulement un sac de riz et des médicaments, ils peuvent vous arrêter et faire ce qu’ils veulent de vous. Et l’armée thaïlandaise est proche de l’armée birmane. S’ils m’arrêtent en Thaïlande et qu’ils me renvoient en Birmanie, je suis mort. »

Il précise que dans certaines zones frontalières, ils ont pu passer des checkpoints de l’armée parce que des soldats birmans ont fait semblant de ne rien voir. Dans d’autre cas, les soldats, qui ont eux-mêmes peu de moyens, peuvent être persuadés avec de la nourriture. Mais une telle collaboration reste inhabituelle et peut tourner à la catastrophe très rapidement, sans avertissement.

Malgré les risques, le volontaire continue. « Il y a aussi beaucoup de gens que nous ne pouvons pas atteindre à pied, mais ils me contactent. Ils sont proches de la famine », déplore-t-il. « Le Programme alimentaire mondial a tellement de règles sur qui ils peuvent aider ou non, et ils peuvent seulement aller là où l’armée birmane le leur permet. Mais beaucoup de personnes déplacées sont cachées et quand l’armée les trouve, elles sont forcées de rentrer dans leurs villages. » Il ajoute que la Birmanie ne veut pas que le monde voie en eux des personnes déplacées et des réfugiés. « Pour eux, ceux qui s’opposent au régime sont des terroristes, pas des réfugiés. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Evangelos Petratos EU / ECHO (CC BY-NC-ND 2.0)