Eglises d'Asie

Des étudiants chrétiens enrôlés de force s’échappent de l’armée Wa

Publié le 07/12/2018




Une vingtaine d’étudiants chrétiens, enrôlés de force par l’UWSA depuis septembre, ont pu s’échapper et rejoindre l’église baptiste de Kengtung. Originaires de la région Wa auto-administrée, dans l’État Shan dans l’est du pays, ils ont subi une nouvelle vague de répression visant la minorité chrétienne. L’Armée unifiée de l’État Wa est la plus grande armée ethnique du pays avec 30 000 membres. Elle est aussi considérée comme le plus grand groupe de trafic de drogue en Asie du Sud-Est. Le gouvernement birman, qui n’a aucun contrôle sur la région Wa, n’est pas intervenu depuis le début de la crise.

Timothée, ancien étudiant d’une école biblique de l’État Shan, dans l’est du pays, a été arrêté en septembre avec une vingtaine d’autres étudiants avant d’être recruté de force par l’Armée unifiée de l’État Wa (UWSA). Quand les étudiants ont été arrêtés, ils s’attendaient à n’être détenus que pour quelques jours. Pourtant, ils ont été envoyés dans un camp afin d’y apprendre à manier des armes à feu et d’y subir un entraînement militaire intensif. On leur imposait ainsi des courses forcées trois fois par jour. « Même s’il pleuvait fort, ils nous frappaient si on s’arrêtait », explique Timothée. « Même quand on se sentait mal, il fallait regarder les autres s’entraîner. On nous imposait même des travaux forcés le dimanche, comme aller ramasser du bois. » Après avoir suivi ce régime tout en étant mal nourris pendant plus de soixante jours, lui et trois de ses camarades ont décidé de s’enfuir, de crainte de devoir rester dans l’armée plusieurs années. « Nous étions terrifiés à l’idée d’être arrêtés par les chefs de l’armée Wa », raconte-t-il. Ils ont pu emporter de la nourriture pour trois jours, mais ils ne savaient pas comment rejoindre un endroit sûr. Ils ont finalement pu trouver de l’aide auprès des villageois, et fin novembre, ils ont enfin pu rejoindre l’église baptiste Lahu de Kengtung, dans l’est de l’État Shan où ils ont été logés. « Nous sommes en sécurité ici, nous pouvons nous reposer en toute tranquillité », affirme-t-il.

Moïse, un autre étudiant, s’est également échappé de l’armée Wa en octobre avec quatre autres recrues, afin de rejoindre Kengtung. « Nous avons pu parler ensemble discrètement d’un plan de fuite », raconte l’étudiant de 18 ans. « Nous avons marché trois jours à travers la jungle en ne mangeant que des fruits. Nous étions très faibles, mais nous avons pu recevoir des soins à notre arrivée à Kengtung. » L’église baptiste a fourni de la nourriture, des médicaments et un abri aux 21 étudiants qui se sont échappés de l’armée Wa, dont les premiers sont arrivés dès le 17 octobre. L’un d’entre eux, qui souffre de la tuberculose, a été admis à l’hôpital durant quelques jours. Certains souffrent de malnutrition, tandis que d’autres ont besoin de soutien psychologique. Shadrach, un chrétien baptiste qui s’occupe des étudiants, confie que des bienfaiteurs privés et plusieurs églises baptistes ont apporté leur soutien. « Nous prévoyons de les envoyer dans une école biblique d’une autre région, puisqu’ils ne peuvent plus retourner dans les collines Wa », explique-t-il. Shadrach ajoute que les étudiants se préoccupent de la sécurité de leurs parents, qui sont restés dans la région Wa.

Le gouvernement birman reste silencieux

Près de vingt étudiantes se trouvent toujours dans les quartiers de l’UWSA, qui est soutenue par la Chine voisine. Les épreuves subies par les étudiants ont commencé mi-septembre, quand l’armée Wa les a recrutés de force afin d’atteindre la minorité chrétienne. Ils ont été arrêtés à Mong Pawk, où l’UWSA a détruit trois églises et en a fait fermer 52 autres, et où 92 pasteurs baptistes ont été détenus. L’école biblique de la région a également été fermée. La Chine est suspectée d’être derrière ces opérations en ayant poussé l’armée Wa à conduire cette campagne de répression. Par ailleurs, l’UWSA a décrété que toutes les églises construites après 1992 avaient été construites illégalement et qu’elles seraient détruites. Seules les églises construites entre 1989 et 1992 ont été jugées légales. L’armée Wa a également interdit la construction de nouvelles églises, et exige des prêtres locaux et non étrangers. Elle a aussi banni l’éducation religieuse des écoles de la région Wa, et les fonctionnaires de l’UWSA ont été interdits de rejoindre une organisation religieuse.

Les dirigeants de l’armée Wa ont également affirmé qu’ils comptaient punir toute autorité locale suspectée de soutenir les activités missionnaires. De nombreuses minorités ethniques vivent dans la région Wa, dont les communautés Wa, Kachin, Ta’ang, Lahu, Lisu, Kokang et Shan. Près de 30 % des 450 000 habitants de la région sont chrétiens. L’armée Wa est la plus grande armée ethnique du pays avec 30 000 membres. Elle est également connue comme l’un des plus grands groupes de trafiquants de drogue en Asie du Sud-Est. Le gouvernement birman, qui n’a aucun contrôle sur la région Wa auto-administrée, est resté silencieux depuis le début de la crise en septembre.

(Avec Ucanews, Mandalay)

Crédit : Marmakong (CC BY-SA 4.0)