Eglises d'Asie – Chine
Des militants hong-kongais s’efforcent de conserver des archives numériques du mouvement pro-démocratie
Publié le 02/09/2021
Des militants hong-kongais travaillent dans l’ombre, dans le but de conserver des archives numériques de leur mouvement démocratique alors que des symboles physiques de leur résistance, dont un journal d’opposition et un musée, ont été visés par les autorités. Finalement, ce sont des inspecteurs spécialisés en sécurité alimentaire qui ont permis d’attaquer un musée hong-kongais consacré aux victimes de la place Tiananmen – le seul mémorial de ce genre sur le sol chinois, dédié aux répressions de 1989. Les expositions rappelaient la décision de Pékin d’utiliser des tanks pour réprimer les manifestations pro-démocratie dans la capitale chinoise, ainsi que trois décennies de veillées annuelles en mémoire des victimes – organisées tous les ans à Hong-Kong. Mais début juin 2021, des représentants du département d’hygiène alimentaire et environnementale ont visité le musée avant de déclarer le site, qui a connu plusieurs périodes d’inactivité au fil des années, n’avait pas la licence requise.
« Nous espérons sauver l’esprit de trente années de commémorations de Tiananmen »
Alors que les veillées dédiées à Tiananmen ont déjà été interdites par les autorités hong-kongais depuis l’an dernier, cette nouvelle décision a été peu surprenante pour de nombreux habitants. Elle a poussé Chang Ping, écrivain et militant pro-démocratie, ancien leader étudiant en 1989, à consacrer une bonne partie de l’an dernier à créer une version en ligne du musée, avec un groupe de militants anonymes. « Nous espérons sauver l’esprit de ces trente années de commémorations et de veillées à Hong-Kong, qui représentent un acte de résistance unique dans notre histoire », a confié l’auteur par téléphone, depuis son domicile en Allemagne. Le musée en ligne n’est qu’un projet parmi de nombreux autres, alors qu’Internet est un espace qui permet aux militants de préserver des vestiges d’une ville remodelée de force par l’autoritarisme chinois à sa propre image, après d’importantes manifestations pro-démocratie il y a deux ans.
La Hong Kong Alliance, qui dirigeait le musée et qui organisait tous les ans les veillées dédiées à Tiananmen, savait qu’elle pourrait ne pas survivre aux événements, en particulier depuis que la Chine a imposé sa nouvelle loi sur la sécurité nationale à Hong-Kong l’an dernier, qui menace toute dissidence. Depuis, même si la plupart des responsables du groupe ont été arrêtés et que la coalition est proche de la dissolution, l’alliance a tout de même collecté 1,6 million de dollars hong-kongais (174 110 euros) afin de construire une « Arche de Noé » virtuelle pour leur mouvement. D’autres projets ont eu moins de temps pour se préparer. Chris Wong, un développeur de logiciels qui a demandé à utiliser un pseudonyme, s’est efforcé en hâte de rassembler des codeurs web afin de préserver ce qu’ils ont pu du journal pro-démocratie Apple Daily. Jimmy Lai, son propriétaire, un millionnaire catholique hong-kongais, a déjà été arrêté et menacé de poursuites dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale. Début juin, la police a utilisé cette loi afin de geler les comptes du journal et en moins d’une semaine, il a dû fermer.
« Nous devions travailler contre la montre »
« Nous devions travailler contre la montre », se souvient Wong, en évoquant l’annonce par Apple Daily de l’impression de sa dernière édition et du retrait de sa présence en ligne courant juin. Wong s’est rendu sur LIHKG – un forum en ligne semblable à Reddit, qui a permis de coordonner les manifestations pro-démocratie de 2019 – où il a trouvé des volontaires compétents afin de conserver des archives du site internet du journal. Ils sont parvenus à sauver plus deux millions de pages web, archivées sur le site collection.news, explique Chris Wong. « Étant donné nos connaissances informatiques, nous nous sentons particulièrement chargés de préserver l’histoire de Hong-Kong. Mais tout le monde peut et doit jouer un rôle en transmettant cet héritage du passé aux amis, aux nouvelles générations », souligne-t-il.
Des sauvegardes numériques similaires ont également été créées pour RTHK, la seule société d’audiovisuel public de Hong Kong. Depuis les six derniers mois, elle est devenue de plus en plus semblable aux médias officiels chinois. Des journalistes ont perdu leur travail et des programmes ont été révisés, tandis qu’une grande partie de ses contenus publiés sur les réseaux sociaux, y compris de nombreuses publications critiques sur les autorités, ont disparu. Un militant, utilisant le pseudonyme « Freeman », explique que son groupe a sauvegardé 14 térabytes de reportages vidéo publiés par RTHK et par Apple Daily, dans le but de publier ces archives en ligne. Un tel activisme numérique n’est pas sans risques. Ces dernières semaines, les médias hong-kongais pro Pékin ont dénoncé les mesures entreprises pour conserver des archives numériques du musée sur Tiananmen comme illégales dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale. De telles publications sont souvent suivies d’actions policières. Mais l’auteur Chang Ping assure que lui-même et les autres militants gardent la tête haute. « Si créer un musée est illégal, alors c’est toute l’histoire de la civilisation humaine qui est illégale. Je suis fier de faire partie de cela. »
(Avec Ucanews)
Crédit : Pasu Au Yeung / CC BY 2.0