Eglises d'Asie

Des prêtres et religieuses aux côtés des manifestants face à la gestion de la crise par Colombo

Publié le 05/04/2022




Ce samedi 2 avril, malgré un couvre-feu décrété jusqu’au 4 avril par le gouvernement contre l’organisation de manifestations massives dans tout le pays, de nombreux Sri-Lankais sont descendus dans la rue pour protester contre la gestion de la crise économique actuelle par les dirigeants. Des prêtres et religieuses se sont également joints aux manifestants, notamment à Negombo. « Les gens font la queue et peinent à acheter des biens et services essentiels. L’Église est avec ceux qui souffrent », a déclaré le cardinal Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo.

Le 2 avril, des prêtres, des religieuses et des laïcs participent à une manifestation à Negombo.

Des prêtres catholiques et des religieuses ont participé aux manifestations massives organisées contre la gestion de la crise économique par le gouvernement sri-lankais, qui a tenté de faire taire l’opposition. Sœur Rasika Pieris, des Sœurs de la Sainte-Famille, estime que les religieuses ne pouvaient pas rester dans leurs couvents sans rien faire alors que le peuple sri-lankais souffre de la situation à travers tout le pays. « Les gens font la queue du matin au soir pour acheter ce dont ils ont besoin, et l’avenir est très incertain pour eux », expliquait sœur Pieris le 2 avril durant une manifestation à Negombo.

Plusieurs milliers d’habitants de la ville ont soutenu la manifestation, avec des participants criant des slogans accusant les dirigeants d’avoir affamé le pays, d’avoir pris des commissions durant la guerre civile, d’avoir divisé les gens selon leur origine ethnique et religieuse et d’avoir pillé la banque centrale. « Nos dirigeants ne doivent plus tromper le peuple ; il y a de nombreux exemples de gouvernements à travers le monde qui ont été chassés du pouvoir par le peuple. Nous voulons aussi demander aux membres du gouvernement de céder leur place si les Sri-Lankais ne peuvent être sauvés de ces catastrophes », a-t-elle ajouté.

« Le gouvernement a le devoir de protéger le peuple face à ces crises »

La religieuse souligne qu’il y a des files d’attente partout pour de la nourriture, des médicaments, du gaz domestique et du carburant. De son côté, le père Sherard Jayawardana rappelle que le gouvernement a le devoir de protéger les gens face à toutes ces crises. « Ils nous ont trompés, ils sont arrivés au pouvoir en créant des conflits entre les religions et entre les peuples », déplore le prêtre en évoquant la guerre civile sri-lankaise et les attaques contre les minorités religieuses.

Malgré un couvre-feu qui a été déclaré ce samedi soir jusqu’à lundi matin, de nombreux habitants sont descendus dans la rue pour participer aux manifestations. Plusieurs centaines de Sri-Lankais de la diaspora ont également organisé des manifestations aux États-Unis, en France, en Finlande, au Canada, en Nouvelle Zélande, en Allemagne, en Italie et à Hong-Kong, en demandant au gouvernement de démissionner après son échec à résoudre de multiples crises.

Le 3 avril, le gouvernement a bloqué l’accès aux réseaux sociaux dont Youtube, Whatsapp, Messenger, Facebook, Viper et Twitter durant presque quinze heures. L’Union européenne a fait part de sa préoccupation face à l’état d’urgence décrété par le président Gotabaya Rajapaksa. Le gouvernement a annoncé que l’état d’urgence et le couvre-feu ont été imposés dans le seul but de maintenir la paix et l’ordre. Mais plusieurs ONG et partis d’opposition ont dénoncé ces mesures et le déploiement de forces de sécurité pour tenter d’empêcher les gens de manifester. De son côté, la Commission des droits de l’homme du Sri Lanka a contesté la déclaration d’un état d’urgence national en réponse aux manifestations contre l’échec du gouvernement.

Appel du cardinal Ranjith

Le cardinal Malcom Ranjith, archevêque de Colombo, a également appelé à un changement de système politique. « Les gens font la queue et peinent à acheter des biens et services essentiels. L’Église est avec ceux qui souffrent », a-t-il déclaré le 2 avril. « Les proches des dirigeants qui ont des postes élevés dans des institutions d’État doivent être destitués immédiatement et ces institutions doivent être réformées avec l’avis d’experts », a-t-il ajouté.

Le 4 avril, le président Rajapaksa a proposé de partager le pouvoir avec l’opposition alors que les manifestations continuaient de se renforcer à travers le pays en demandant sa démission. Son appel aux parlementaires a été lancé alors que des forces de l’ordre lourdement armées cherchaient encore à réprimer des manifestations lancées contre les pénuries, considérées comme les pires qu’a connues le pays depuis l’indépendance de l’île en 1948. « Le président invite tous les partis politiques au Parlement à accepter des postes au sein des cabinets du gouvernement afin de trouver des solutions à la crise nationale », a déclaré le bureau présidentiel dans un communiqué, en soulignant que des solutions à la crise doivent être trouvées « dans le cadre d’un réseau démocratique ».

L’invitation du président a été lancée alors que 26 ministres – tous les membres du gouvernement sauf Gotabaya Rajapaksa et son frère aîné, le Premier ministre Mahinda Rajapaksa – ont présenté des lettres de démission ce dimanche. Le gouverneur de la banque centrale du pays, Ajith Cabraal, a également rejoint la longue liste de démissions ce lundi. Par ailleurs, les échanges ont été interrompus à la Bourse du Sri Lanka après un plongeon de plus de 5 %, le 4 avril quelques secondes après l’ouverture de la Bourse de Colombo. Le gouvernement a annoncé son intention de demander un sauvetage financier de la part du FMI, même si les négociations n’ont pas encore débuté. De nombreux économistes affirment que la crise sri-lankaise a été aggravée par la mauvaise gestion du gouvernement, après des années d’emprunts accumulés et de réductions d’impôts inadaptées.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Ucanews