Eglises d'Asie

Des religieuses sri-lankaises auprès des enfants victimes de la guerre civile

Publié le 07/12/2021




Depuis 2010, les sœurs salvatoriennes sri-lankaises dirigent un Centre pour le développement infantile au village d’Ilupaikulam, près de Mannar, à plus de 265 km au nord de Colombo. Près d’une vingtaine d’enfants y sont accueillis, victimes de la guerre civile (1983-2009) et de l’exploitation sexuelle. Sœur Silvapulle, directrice du centre et psychologue, explique que tous les enfants accueillis au centre ont vécu un traumatisme. Les salvatoriennes, qui comptent 73 membres pour 15 couvents au Sri Lanka, sont principalement engagées dans des missions sociales.

Sœur Ranjana Silvapulle (à gauche), directrice du centre d’Ilupaikulam, un village près de Mannar, où sont accueillis une vingtaine d’enfants victimes de la guerre civile.

Sriya, une jeune sri-lankaise de 18 ans, du village d’Ilupaikulam, près de Mannar à plus de 265 km au nord de Colombo, fait partie d’une vingtaine d’enfants qui ont été élevés par des religieuses salvatoriennes (sœurs du Divin Sauveur) dans une région dévastée par la guerre civile (1983-2009). Douze ans après, Sriya, qui a perdu ses parents et sa sœur durant les conflits, reste marquée par le traumatisme de la guerre.

Sœur Ranjana Silvapulle, la directrice actuelle du Centre pour le développement infantile (Child Development Centre) d’Ilupaikulam, explique que la mission des religieuses a commencé quelques mois après la fin de la guerre, auprès des populations les plus affectées par les violences. « Sriya fait partie des cinq premiers enfants que nous avons accueillis », confie-t-elle. Le Centre d’Ilupaikulam, fondé par les sœurs salvatoriennes en 2010, près d’un an après la fin de la guerre civile, accueille aujourd’hui des orphelins de guerre et des victimes de l’exploitation sexuelle. La mission a été fondée par sœur Dulcie Fernando, alors provinciale de sa congrégation.

Le conflit entre les communautés tamoules et cingalaises a entraîné près de 100 000 victimes, dont une majorité de Tamouls, selon les estimations des Nations unies. Les chiffres officiels du gouvernement sri-lankais parlent, en revanche, d’un bilan d’environ 40 000 décès. Pourtant, on estime les pertes liées aux dernières violences, à l’issue de la guerre, autour de 40 000 civils.

« Il a fallu plusieurs années avant qu’elle se remette vraiment »

En octobre, l’organisation GSR (Global Sisters Report), qui fournit une information indépendante sur les religieuses catholiques à travers le monde et sur les populations en difficulté qu’elles servent, a visité le centre au village d’Ilupaikulam. Lors de leur visite, les membres de GSR ont rencontré Sriya, l’aînée des orphelins, qui leur a paru joyeuse, vêtue d’une robe blanche à franges bleue (tous les noms des enfants ont été modifiés à la demande des sœurs). « Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de notre sœur Akka, et nous avons préparé toutes ces décorations pour elle », leur a expliqué Sriya, en souhaitant un joyeux anniversaire à sœur Silvapulle, supérieure du couvent (surnommé « Akka » en tamoul, ce qui signifie « sœur aînée »).

Sœur Silvapulle se souvient d’avoir amené Sriya au couvent, alors une fillette effrayée de six ans, qui leur avait été confiée par le curé de leur paroisse. « Il a fallu plusieurs années avant qu’elle se remette vraiment », confie la religieuse. « Les sœurs et les enfants vivent ensemble comme une grande famille au centre », ajoute-t-elle, en précisant que comme au début, elles n’avaient pas de couvent à Ilupaikulam, les religieuses et les enfants dormaient dans un abri au toit de chaume, dépendant de l’église locale, alors que l’armée était toujours présente partout.

Peu à peu, le gouvernement, leur a alloué un terrain marécageux où elles ont pu accueillir et réhabiliter les orphelins de guerre. Le site se trouve à près de 65 km du sanctuaire marial national de Notre-Dame de Madhu, qui a également accueilli de nombreux réfugiés durant la guerre civile. Milroy Fernando, alors ministre sri-lankais du repeuplement, a posé la première pierre du centre le 6 août 2010, en présence de Mgr Rayappu Joseph, évêque de Mannar. À l’aide de ressources financières collectées dans plusieurs pays, les sœurs ont construit le centre pour un coût d’1,5 million de roupies sri-lankaise (soit environ 14 000 dollars US à l’époque).

« Ils ont avant tout besoin d’amour et d’attention »

Sœur Silvapulle, qui est également psychologue, explique que tous les enfants accueillis au centre ont vécu un traumatisme. « Certains ont perdu leurs parents durant la guerre, d’autres ont été abusés ou exploités sexuellement, et plusieurs d’entre eux ont été secourus et envoyés par des centres du gouvernement », confie-t-elle. Sœur Rajeswari Arokyanathan, qui travaille auprès des enfants depuis plusieurs années, ajoute que « ce dont ils ont le plus besoin, c’est d’amour et d’attention, encore davantage qu’un toit et de nourriture ».

Alors que les orphelins ont été frappés par des pertes et par le deuil, ceux qui ont été exploités sexuellement portent des blessures encore plus profondes, poursuit-elle. Sœur Arokyanathan et trois autres religieuses ont recours à différentes thérapies et divers programmes psychologiques et traumatologiques, afin d’aider les enfants à mener une vie normale. Actuellement, les sœurs accueillent les enfants envoyés par les centres gouvernementaux, et elles suivent les règles et les normes en vigueur au Sri Lanka.

Beaucoup de ces enfants ont été victimes d’abus dans des camps de réfugiés appelés « Manik farms », installés par l’armée sri-lankaise pour les réfugiés tamouls qui avaient capitulé ou qui avaient fui les régions frappées par la guerre. Ces camps étaient surpeuplés, avec cinq à dix personnes vivant dans les huttes installées par l’armée, et « où les enfants étaient souvent exploités », confie sœur Silvapulle, qui a visité plusieurs de ces camps.

Elle précise que la plupart de ces « Manik farms » ont été fermées depuis, mais que beaucoup de personnes sont toujours déplacées ou sans-abri. Les enfants secourus par les centres gouvernementaux sont ensuite envoyés auprès d’ONG impliquées dans des programmes de réhabilitation. Les sœurs salvatoriennes dirigent un autre centre similaire à Wattala, près de Colombo, qui a été construit après le passage d’un tsunami sur les côtes sri-lankaises en 2004, qui a laissé de nombreux enfants orphelins.

« L’une de nos priorités est d’accompagner les enfants en difficulté »

Les sœurs salvatoriennes, présentes dans 45 pays, compte une seule province au Sri Lanka avec 73 membres pour 15 couvents. Les sœurs sri-lankaises sont originaires des communautés cingalaises et tamoules et sont principalement engagées dans des missions sociales. À Ilupaikulam, les religieuses tiennent à célébrer les anniversaires des enfants de façon mémorable. Selon elles, c’est une façon de les aider à oublier leur passé et à aller de l’avant avec espérance. Sœur Silvapulle explique que ces célébrations servent de thérapie pour guérir les troubles de stress post-traumatique dont ils souffrent.

Les sœurs racontent qu’elles ont eu des problèmes avec Sriya, qui refusait d’aller à l’école. « Nous avons essayé de l’instruire, mais elle ne voulait ni jouer ni aller à l’école », se souvient la directrice du centre, en précisant que Sriya avait peur des gens et des bruits. « À chaque fois que je sors, j’ai l’impression d’être attaquée », a confié cette dernière aux membres de Global Sisters Report. Les sœurs précisent qu’elles l’ont envoyée suivre une formation professionnelle, où elle a commencé à aller mieux. « Je me sens en sécurité avec les sœurs, et le chant et la musique m’aident également », explique-t-elle.

Selon les règles du gouvernement sri-lankais, les enfants âgés de plus de 18 ans doivent être réintégrés dans la société avec un emploi ou en rejoignant une famille. « Nous ne savons pas où envoyer Sriya, mais nous essayons de lui trouver un travail et de la réintégrer dans la communauté », explique sœur Arokyanathan. De son côté, sœur Kurumbalapitiya, provinciale de la congrégation au Sri Lanka, ajoute que la mission des sœurs auprès des enfants est leur ministère leur plus important, et qu’elles prévoient de fonder encore d’autres projets similaires. « Les salvatoriennes sont engagées dans divers apostolats sociaux au Sri Lanka, et l’une de nos priorités est d’accompagner les enfants en difficulté. Nous n’avons pas d’écoles, mais nous nous assurons que les enfants reçoivent une éducation. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Thomas Scaria / Global Sisters Report / Ucanews