Eglises d'Asie

Désœuvrés depuis l’arrivée de l’épidémie, des millions de Thaïlandais démunis face à la crise

Publié le 24/03/2020




Le 18 mars, le gouvernement thaïlandais a ordonné la fermeture des bars, cinéma et autres lieux de loisirs de la capitale pour au moins deux semaines. Quatre jours plus tard, les autorités ont annoncé la fermeture des centres commerciaux, restaurants, cafés et marchés de nuit de Bangkok jusqu’au 12 avril. Ainsi, depuis quelques jours, plusieurs millions de Thaïlandais, notamment dans le secteur du tourisme, se retrouvent désœuvrés et sans revenus ni protection sociale.

Un chauffeur de tuk-tuk de Bangkok devant un site touristique, désœuvré depuis l’arrivée de l’épidémie dans la capitale.

Même si Lawai Pornawalai n’a pas attrapé le Covid-19, elle est durement touchée par les conséquences de la pandémie. « Je ne peux pas travailler, et je me demande comme je vais pouvoir soutenir ma famille », se désole-t-elle. « Je ne sais pas ce qui va se passer si je ne peux pas reprendre le travail rapidement. » Lawai travaille dans un salon de massage thaïlandais traditionnel, dans le centre de Bangkok, qui accueille des touristes étrangers. Ces derniers jours, elle a dû cesser de travailler pour une durée indéterminée. Le 18 mars, tous les commerces non essentiels, bars, cinéma et autres lieux de loisirs ont été fermés sur ordre du gouvernement dans tout le pays, pour une durée d’au moins deux semaines. Quatre jours plus tard, tous les centres commerciaux, restaurants, cafés et marchés de nuit de Bangkok ont également été fermés jusqu’au 12 avril. La population locale a dû rester confinée à domicile. Les nouvelles mesures ont bloqué soudainement la capitale et sa vie nocturne habituellement agitée. Cette situation prive des millions de Thaïlandais comme Lawai de leur unique source de revenus. Ce sont avant tout les plus bas salaires et les travailleurs à la journée qui n’ont que peu ou pas d’économies qui risquent d’être les plus affectés.

Plusieurs millions de Thaïlandais travaillent dans le secteur informel de l’économie, sans aucune sécurité sociale ni protection, et peu d’entre eux peuvent se permettre de rester longtemps sans travailler. « Si je ne travaille pas, je ne suis pas payée », ajoute Lawai. Cette mère de deux enfants, la trentaine, gagne près de 20 000 bahts (568 euros) par mois, en comptant les pourboires. « Je n’ai pas fait beaucoup d’études, et je n’ai pas beaucoup d’autres options », poursuit-elle. Lawai envoie une grande partie de ses revenus à ses parents âgés, qui s’occupent de ses deux enfants dans son village natal, dans le nord-est du pays, où la population locale vit surtout de l’agriculture, dont la riziculture. L’argent qu’elle envoie couvre les frais médicaux de son père malade et les frais de scolarité de ses enfants. Mais ce mois-ci, elle ne pourra rien leur envoyer. « Mes parents sont âgés et ils ne peuvent plus travailler à la ferme », explique-t-elle. « Ils ont besoin de l’argent que je leur envoie. »

Consignes non respectées

Beaucoup d’autres Thaïlandais comme Lawai sont confrontés à la même situation, et hésitent à rester à Bangkok ou rentrer dans leur région natale pour un temps. Le gouvernement thaïlandais a demandé aux travailleurs de Bangkok de ne pas quitter la capitale pour éviter de répandre l’épidémie. En seulement quelques jours, le nombre de cas d’infection dans le pays a presque quadruplé pour atteindre 720 cas enregistrés, et la population craint que la situation ne devienne rapidement hors de contrôle. Pourtant, beaucoup d’habitants désœuvrés ont ignoré les consignes et se sont précipités dans les gares routières dans l’espérance de trouver un transport pour rentrer dans leur région d’origine. « Vivre à Bangkok sans argent, ce n’est pas facile », souligne une collègue de Lawai, la cinquantaine. « Je voudrais rentrer dans mon village tant qu’il n’y a plus de travail. Au moins, je pourrais passer du temps avec ma famille. » Même avant les mesures de quarantaine, beaucoup de commerces, bars et restaurants de Bangkok ont commencés à souffrir de la situation. Ainsi, dès le mois de décembre, au début de l’épidémie dans la province de Hubei, en Chine, beaucoup de touristes chinois ont annulé leurs vacances en Thaïlande.

Une grande partie de l’activité économique informelle thaïlandaise dépend du tourisme, qui était estimé l’an dernier à 60 milliards de dollars pour près de 39 millions de visiteurs. Sans touristes, plusieurs millions de Thaïlandais risquent de perdre leur travail. « Je n’ai eu aucun passager ces deux derniers jours », confie un chauffeur de tuk-tuk, garé devant un temple bouddhiste populaire situé près du Grand Palais de Bangkok. « Il y a très peu de touristes ces jours-ci. » Outre le secteur du tourisme, d’autres activités subissent la crise de plein fouet. Somporn Khantong fait partie des milliers de chauffeurs de mototaxis qui transportent les usagers quotidiennement à travers les rues de la capitale. Lui aussi vient d’une famille de fermiers du nord-est du pays. En général, ses journées sont surchargées, mais depuis quelques jours, il passe l’essentiel de son temps sur une chaise pliable devant son stand, alors que la plupart des habitants sont désœuvrés ou restent travailler depuis chez eux. Pourtant, il se veut confiant face à l’avenir. « Nous avons déjà traversé des périodes difficiles. La grande inondation a été très dure pour nous, mais nous nous en sommes sortis », explique-t-il, en évoquant le déluge qui a inondé une grande partie de la capitale durant plusieurs semaines en 2011. « Cela ne durera pas éternellement. »

(Avec Ucanews, Bangkok)


CRÉDITS

Ucanews