Eglises d'Asie

Deux leaders Khmers Rouge condamnés pour génocide

Publié le 17/11/2018




Deux anciens leaders du régime Khmer Rouge ont été condamnés pour génocide par le tribunal international. Le verdict a été annoncé le 16 novembre par le juge Nil Nonn, contre Nuon Chea, connu comme le « Frère numéro 2 » et idéologue du régime, et Khieu Samphan, ancien chef de l’État du Kampuchéa démocratique et considéré comme le « visage » du régime.

Le 16 novembre, un procès soutenu par les Nations unies a condamné à perpétuité deux leaders survivants de l’ancien régime Khmer Rouge de Pol Pot pour génocide, devant une tribune remplie de musulmans de l’ethnie Cham, de Vietnamiens et de membres du clergé bouddhiste. L’ancien chef d’État du Kampuchéa démocratique, Khieu Samphan, est resté assis, immobile, lors de la lecture du verdict par le juge Nil Nonn, tandis que Nuon Chea, connu comme le « Frère numéro 2 » du régime, assistait au procès depuis sa cellule de détention. Les deux hommes avaient déjà été condamnés en 2014 pour crimes contre l’humanité. Le juge Nil Nonn a déclaré que les Khmers Rouges avaient institué une politique visant à établir une société athée et homogène en supprimant toutes les différences ethniques, nationales, religieuses, raciales, de classe et culturelles. Le juge a soutenu que Nuon Chea, l’idéologue du régime, « a eu une contribution significative à la commission des crimes » au sein du régime où « il détenait le pouvoir de décision ultime » avec Pol Pot. De son côté, Khieu Samphan était considéré comme le « visage » du mouvement.

Le juge Nil Nonn a déclaré que « les Chams n’étaient pas visés individuellement mais en tant que membre de leur communauté ». « Les ordres de cibler les Chams venaient d’en haut. » Le procès pour génocide, connu comme le « Dossier 002/02 », portait sur la mort d’au moins 100 000 musulmans cham et de 20 000 Vietnamiens. Nuon Chea a été jugé coupable de génocide contre les Vietnamiens et les Champs, mais le tribunal n’a pas trouvé de preuve soutenant l’accusation de génocide contre les Chams concernant Khieu Samphan, qui a été jugé coupable de génocide contre les Vietnamiens. Ils ont également reconnu coupables de crimes contre l’humanité et de graves violations de la Convention de Genève, dont les accusations de mariage forcé, viol et déportations forcées.

Le juge Nil Nonn a déclaré que la condamnation comprenait les accusations de meurtre, d’extermination, d’esclavagisme, de persécution politique et religieuse, de torture, d’acte inhumains et de disparitions forcées, des faits qui se sont déroulés sur des sites d’exécution installés à travers le pays. « Il y a eu une attaque généralisée et systématique contre la population cambodgienne, qui a pris de nombreuses formes », a-t-il ajouté. « Cette attaque a ciblé des millions de civils dans le pays et a entraîné la fuite d’un grand nombre de réfugiés vers les pays voisins. » Plus de 180 témoins se sont présentés au tribunal. Des dizaines de milliers de documents ont été soumis au procès, couvrant les crimes commis par le régime entre 1975 et 1979, période au cours de laquelle près de deux millions de personnes ont trouvé la mort. Le tribunal a ainsi entendu comment les musulmans cham étaient forcés de manger du porc. Leur langue traditionnelle était interdite. Les corans ont été confisqués et brûlés par l’unité Khmer Rouge connue comme la « milice à grande épée ».

Première reconnaissance du génocide par le tribunal international

Le juge Nil Nonn a poursuivi en rappelant que les femmes Cham et Khmer étaient souvent déshabillés et violées avant d’être tuées. Au site d’exécution de Wat Au Trakuon, où plus de 20 000 personnes ont été tuées, les officiers organisaient des compétitions pour voir combien de prisonniers pouvaient être tués en une heure. Le bouddhisme était interdit, les symboles bouddhistes ont été détruits et les pagodes abandonnées, tandis que les moines étaient défroqués de force. Le juge a soutenu que les Vietnamiens et les anciens membres du gouvernement étaient souvent considérés comme des espions. « Les travailleurs étaient tenus en esclavage et soumis au travail forcé. On leur disait que ceux qui désobéissaient seraient tués. » Le tribunal a également déclaré que des groupes ont été tués au Camp S-21 de torture et d’extermination à Phno Penh, sous les instructions de Nuon Chea. Le juge Nil Nonn a déclaré que les prisonniers étaient menottés, qu’on leur bandait les yeux et qu’on les enchaînait, avant de les battre, de leur faire subir des décharges électriques et de les étouffer avec des sacs. Certains prisonniers sont morts après avoir été vidés de leur sang, destiné à des transfusions pour des soldats Khmers Rouge blessés.

Kaing Guek Eav, plus connu sous le nom de « Douch », commandait le centre S-21. Il a été condamné pour crimes contre l’humanité et pour de graves violations de la Convention de Genève en 2010. Sous son contrôle et selon les ordres de Nuon Chea, plus de 20 000 personnes y ont été torturées avant d’aller mourir dans les champs de la mort (Choeung Ek) où les prisonniers creusaient leur propre tombe et où ils étaient exécutés. Au moins 200 camps similaires ont été créés à travers le pays. Les accusations de génocide étaient vivement demandées par les procureurs, dans l’espoir de rendre une certaine justice aux victimes. L’ancien ministre des affaires étrangères Ieng Sary et sa femme Ieng Thirith, ancienne ministre des affaires sociales, ont également été condamnés pour génocide, mais ils sont morts avant la fin du procès. D’autres dossiers sont en attente contre plusieurs anciens membres du régime.

(Avec Ucanews, Phnom Penh)

Crédit : Extraordinary Chambers in the Courts of Cambodia (CC BY-SA 2.0)