Eglises d'Asie – Birmanie
Diocèse de Banmaw : les catholiques Kachin face aux combats internes et à la crise sanitaire
Publié le 03/12/2021
Le père Paul Lahpai Awng Dang, 46 ans, du diocèse de Banmaw dans l’État Kachin, dans le nord de la Birmanie (près de la frontière avec la province chinoise du Yunnan), s’inquiète actuellement des conséquences indirectes des conflits armés entre les militaires et les rebelles Kachin armés sur le territoire de sa paroisse.
« Nous nous consacrons particulièrement à la formation à la foi et au soutien à l’éducation », explique le père Awng Dang, curé de la paroisse de Pangkak, qui compte près de 3 000 catholiques (587 foyers), majoritairement de l’ethnie Kachin. Le diocèse de Banmaw est situé à environ 800 km de Rangoun, sur les rives du fleuve Irrawaddy – une région montagneuse et luxuriante, connue notamment comme site exceptionnel pour l’exploitation du teck ; ainsi que pour ses maisons en bois et comme destination touristique.
Depuis des années, la région est affectée par les combats de l’armée contre les groupes rebelles, qui seraient soutenus par la Chine dans leur lutte armée pour l’indépendance du Kachin. En juin 2011, des violences ont éclaté entre l’Armée pour l’indépendance Kachin (KIA) et les militaires, forçant plusieurs dizaines de milliers de personnes à se réfugier dans des camps de fortune pour les personnes déplacées internes (IDP). Les combats se sont intensifiés depuis le coup d’État militaire du 1er février, qui a chassé du pouvoir le gouvernement civil élu de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD).
La mission affectée par la crise sanitaire
Une priorité pastorale majeure de la paroisse de Pangkak est d’offrir un soutien humanitaire à plusieurs milliers d’habitants déplacés et réfugiés dans sept camps IDP de la région, en collaboration avec la Caritas locale (Karuna). La paroisse gère également un internat pour les collégiens et les lycéens, explique le père Dang, qui est au service de la paroisse depuis trois ans. Le prêtre s’efforce d’équilibrer les choses et de maintenir des relations fonctionnelles entre trois principaux groupes : la KIA, le gouvernement birman et les autorités chinoises (de la province voisine du Yunnan).
La crise sanitaire a apporté de nouvelles difficultés. « À cause du Covid-19, nous avons dû suspendre l’internat et la mission en Chine. Nous continuons de nous déplacer d’un lieu à l’autre malgré des restrictions strictes », confie le père Dang, dont la paroisse et le diocèse portent l’héritage des missionnaires occidentaux, en particulier ceux de la Société missionnaire de Saint-Colomban, qui a évangélisé la région et posé les fondations de l’Église locale. Le père Dang a lui-même été baptisé par un missionnaire colomban, dans une communauté majoritairement baptiste. « La Bible m’a incité à choisir la vie sacerdotale », confie le prêtre.
L’héritage des missionnaires au Kachin
Près du village de Pangkat, à environ 8 km de la frontière avec la Chine, se trouve le lieu de naissance de Mgr Raymond Sumlut Gam, le premier évêque du diocèse de Banmaw. Mgr Gam, fils de fermiers, a été encouragé à devenir prêtre par un missionnaire colomban irlandais, le père James Fitzpatrick, qui a incité le futur évêque à entrer au séminaire de Rangoun. Il est devenu évêque en 2006.
L’archevêque défunt de Mandalay, Mgr Paul Zinghtung Grawng, a également eu le père Fitzpatrick comme enseignant. Le missionnaire irlandais est arrivé dans la région en 1946 à l’âge de 33 ans. Il faisait partie d’un groupe de 12 missionnaires envoyés en Birmanie. À Bhamo (l’ancien nom de Banmaw), le père Fitzpatrick a servi sans relâche une communauté de près de 1 000 catholiques. Atteint de tuberculose et souffrant d’hypertension, il est décédé le 22 mai 1963.
Mgr Gam explique que les missionnaires colombans ont mis l’accent sur l’évangélisation du peuple Kachin et sur la formation chrétienne. Il estime qu’ils ont en quelque sorte arrosé les graines de la foi plantées au Kachin par les missionnaires MEP au XIXe siècle. Les premières traces de catholicismes dans la région remontent à 1856, avec la visite de Mgr Paul Bigandet, MEP, notamment à Myitkyina, capitale de l’État Kachin. En 1873, trois prêtres MEP sont également arrivés pour mener des activités missionnaires.
116 000 catholiques sur 1,7 million d’habitants
Des conditions extrêmes ont rendu la mission particulièrement difficile. En trois décennies, jusqu’en 1901, un total de 14 prêtres sont soit décédés, soit rentrés dans leur pays à cause du paludisme. L’arrivée des missionnaires colombans irlandais en 1936 a donné un nouvel élan à la mission, qui s’est peu à peu développée dans tout l’État Kachin. Dans les années 1950, la Birmanie était particulièrement considérée pour sa richesse, avec des exportations du riz, de jade, d’or, de caoutchouc et de bois de teck.
Grâce au soutien à l’éducation dans les écoles missionnaires chrétiennes, la qualité de l’éducation y était également devenue reconnue dans toute l’Asie du Sud-Est. Malheureusement, la situation s’est effondrée avec l’arrivée au pouvoir des militaires en 1962. À partir de 1965, le général Ne Win a nationalisé les écoles et les hôpitaux, et en 1966, il a ordonné l’expulsion de tous les missionnaires arrivés après 1948.
Malgré tout, les catholiques de la région se souviennent de l’héritage des missionnaires. Nhkum Tang, un catholique Kachin d’un village reculé de la région, évoque notamment les efforts des prêtres colombans pour soutenir l’éducation dans les communautés locales. Lui-même a étudié dans une école fondée par eux, et il a étudié dans une université de Mandalay, la deuxième plus grande ville du pays. « Sans leur aide et leur soutien financier, cela aurait été difficile, pour nous, de rejoindre une université et d’obtenir un diplôme. »
Depuis la création du diocèse de Banmaw, séparé de celui de Myitkyina, l’Église locale a « produit » trois évêques Kachin, près de 80 prêtres et plusieurs centaines de religieuses et catéchistes, pour environ 116 000 catholiques (sur une population majoritairement chrétienne d’1,7 million d’habitants).
(Avec Ucanews)
CRÉDITS
Ucanews