Eglises d'Asie

Diocèse de Rajshahi : le clergé bangladais et l’héritage des missionnaires

Publié le 20/11/2021




Dans le diocèse de Rajshahi, dans le nord du Bangladesh, le père Paulus Murmu, missionnaire Oblat, de la paroisse de Gopalpur dans le district de Natore, explique qu’avec le temps, les vocations locales ont remplacé les missionnaires étrangers. Le prêtre bangladais, de l’ethnie Mahali, témoigne des changements qui ont affecté les missions de la région, évangélisée il y a plus d’un siècle. Aujourd’hui, le pays compte 0,4 % de chrétiens sur 160 millions d’habitants, et près de 90 % des paroisses sont occupées par des prêtres locaux.

Le père Paulus Murmu, missionnaire Oblat, membre du groupe ethnique Mahali, devant la paroisse catholique de Gopalpur, dans le district de Natore.

À cinq ans, le père Paulus Murmu n’aurait pas imaginé autre chose pour son avenir que de travailler dans la vannerie comme ses parents. Mais aujourd’hui, à l’âge de 51 ans, ce Bangladais de l’ethnie Mahali est devenu missionnaire au sein de la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée. Il y a deux mois, il a été nommé vicaire dans une nouvelle paroisse, à Gopalpur dans le district de Natore (dans le nord du Bangladesh). Le curé de la paroisse est un autre Oblat, le père Subash Anthony Costa, âgé de 64 ans et de l’ethnie majoritaire bengalie. Les missionnaires occidentaux ont évangélisé la région il y a plus d’un siècle. Le diocèse de Rajshahi, créé il y a trois décennies, est aujourd’hui géré presque entièrement par des prêtres locaux.

Le père Murmu témoigne des changements qui ont affecté les missions catholiques au Bengale – où les vocations locales ont remplacé les missionnaires étrangers. Depuis son ordination en 2008, le prêtre a travaillé presque exclusivement dans des paroisses missionnaires. Il explique qu’il a appris dès le plus jeune âge à vivre simplement, au sein d’une famille aux revenus modestes. « Nous devions aller loin pour chercher de l’eau pour boire, nous laver et pour les autres usages quotidiens. Et il fallait s’assurer que l’eau était potable », se souvient le prêtre. Ses parents, qui travaillaient dans la vannerie, fabriquaient des objets du quotidien en bambou, qu’ils vendaient dans les marchés locaux.

Leurs revenus étaient faibles et ils n’ont pas toujours eu suffisamment à manger pour leurs quatre enfants. « La vie des missionnaires étrangers nous pousse à faire avec le manque d’eau potable, d’hygiène ou de routes praticables », souligne le père Murmu. « Souvent, il faut toute une journée pour rejoindre certaines stations missionnaires, à pied ou en bateau. Mais nous avons les témoignages de ces personnes qui ont connu tout cela avant nous. » Le prêtre ajoute qu’il se concentre avant tout sur la pastorale des jeunes et les visites auprès des paroissiens répartis sur cinq villages, dont quatre sont situés à au moins 30 minutes à moto.

Des fidèles majoritairement indigènes à Rajshahi

Comme la communauté Mahali du père Murmu, les catholiques du diocèse de Rajshahi sont majoritairement indigènes et font partie des groupes ethniques Santal, Oraon et Paharia. Avant de rejoindre sa paroisse actuelle, le père Murmu a travaillé dans la région de Barind (Rajshahi), dans le Nord, dans les plantations de thé de la région de Sylhet (dans le Nord-Est) et dans la région montagneuse de Chittagong, dans le sud-est du Bangladesh. La paroisse où il se trouve aujourd’hui dispose de routes goudronnées et de l’eau courante. Presque 1 500 fidèles de la région, majoritairement indigènes, ont formé cette paroisse il y a seulement 13 ans.

La plupart sont des fermiers et des ouvriers à la journée. Le père Murmu, le plus jeune de sa fratrie, a voulu devenir prêtre grâce au témoignage d’un missionnaire italien. Le père Emillio Spinelli (PIME), qui était curé de sa paroisse, a notamment soutenu les étudiants indigènes défavorisés, pour les aider à obtenir une éducation gratuite et des logements dans des écoles et des foyers catholiques. Les parents du père Murmu ne pouvaient pas payer son éducation ; ils l’ont donc autorisé à se rendre dans un de ces foyers. Une expérience qui a renforcé sa vocation religieuse.

« J’aimais lire et j’observais toutes les activités missionnaires des prêtres. Leurs visites aux familles, leur vie simple et leur comportement chaleureux m’ont tellement attiré que j’ai voulu devenir prêtre à mon tour. » Pourtant, le père Spinelli l’a poussé à poursuivre ses études et à devenir enseignant pour soutenir sa famille et sa communauté. Il a donc suivi ces conseils et il a travaillé dans une école locale après ses études. En 1995, le père Murmu a finalement suivi un programme vocationnel dans la capitale bangladaise, Dacca, avant de rejoindre les Oblats deux ans plus tard. Le père Murmu explique que c’est notamment la vie du fondateur de sa congrégation, saint Eugène de Mazenod, qui l’a incité à rejoindre les missionnaires.

Le père Murmu lors d’un chemin de croix, en 2014 à Chittagong.

« Je trouve la joie auprès des pauvres »

« Il y avait beaucoup de récits sur lui dans un hebdomadaire catholique local. De plus, l’invitation à rejoindre les Oblats était poignante – si vous répondez à cette invitation, vous n’aurez plus aucune possession personnelle mais votre vie sera remplie de la joie de Jésus. C’est ce qui m’a attiré. » Ensuite, durant neuf ans, il a étudié au grand séminaire de Dacca avant de devenir le cinquième prêtre originaire de la communauté Mahali. Selon l’organisation Joshua Project, le Bangladesh compte environ 32 000 personnes Mahali, dont une très grande majorité sont catholiques.

Le père Murmu explique que la situation socio-économique de son groupe ethnique d’origine est particulièrement précaire. « Quand j’étais enfant, les Mahalis étaient pauvres, mais ils avaient des terres et divers revenus liés aux ventes des produits de vannerie. Aujourd’hui, beaucoup ont abandonné leurs métiers traditionnels et travaillent dans les champs. Mais leur foi est forte. Ils vont à la messe et ils participent activement aux activités paroissiales. » Le père Murmu se dit heureux de servir les communautés indigènes, en particulier celles qui sont aussi pauvres que sa propre famille. « Je suis heureux d’avoir choisi cette vie et je trouve la joie auprès des pauvres. »

Environ 0,4 % de catholiques

Les Oblats font partie des vingt ordres religieux les plus actifs au Bangladesh. Leur mission a commencé dans le pays en 1973 avec des prêtres venus du Sri-Lanka. Depuis, 28 Bangladais ont été ordonnés prêtres au sein de la congrégation, dont quatre qui sont partis comme missionnaires à l’étranger. Mgr Bejoy N. D’Cruze, archevêque de Dacca, en est lui-même issu. Aujourd’hui, dans ce pays majoritairement musulman, les catholiques forment toujours une petite minorité malgré l’engagement de nombreux missionnaires depuis cinq siècles. Les chrétiens représentent environ 0,4 % de la population, sur 160 millions d’habitants.

On compte huit diocèses bangladais pour environ 400 000 catholiques, dont la moitié sont indigènes. Selon l’Église locale, le nombre de vocations a tendance à croître au sein des communautés indigènes, contrairement aux communautés bengalies. Aujourd’hui, le nombre de missionnaires étrangers a baissé, et les prêtres et religieux bangladais s’occupent de la plupart des paroisses du pays. Au Bangladesh, sur 120 paroisses catholiques, 90 % sont occupées par des prêtres autochtones. Le premier prêtre bengali, le père Dominic D’Rozario, a été ordonné en 1928.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Stephan Uttom / Ucanews