Eglises d'Asie – Thaïlande
Économie : les conséquences de la pandémie continuent d’affecter les plus démunis en Thaïlande
Publié le 19/12/2020
Bien que Siriwan Wongprasong, une Thaïlandaise cinquantenaire, n’ait jamais eu la vie facile, elle assure que ces derniers mois ont été particulièrement éprouvants. Siriwan se confie sur son quotidien dans un bidonville de Bangkok. D’une voix douce et réservée, elle explique que son mari est malade, et qu’elle seule ramène de l’argent en reprisant des vieux vêtements avec sa machine à coudre, qu’elle installe tous les jours sur le trottoir à côté d’un hôtel cinq étoiles. À cette époque, l’an dernier, elle gagnait entre 500 et 600 bahts par jour (14 – 16 €) ; aujourd’hui, elle ne gagne qu’une fraction de cette somme. « Parfois, je n’ai même pas envie d’aller travailler, mais je dois essayer de ramener un peu d’argent », déplore-t-elle. « Sinon, je ne sais pas ce qui va nous arriver. » Siriwan n’a que peu de clients ces temps-ci, alors que beaucoup de personnes ne vont plus la voir par souci d’économie. De même, à cause des frontières thaïlandaises qui sont toujours en grande partie fermées aux touristes étrangers, il n’y a pas de touristes susceptibles d’avoir besoin de ses services pour repriser un pantalon ou des vêtements de voyage. La couturière montre son estomac en confiant qu’elle a faim. « Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir tenir comme cela. Je ne sais vraiment pas. »
La pandémie a eu de lourdes conséquences sur l’économie thaïlandaise, et plusieurs millions de Thaïlandais comme Siriwan en ont particulièrement souffert. Alors qu’ils parvenaient autrefois à gagner un salaire décent, ils ont plus de mal à joindre les deux bouts. Sans aides sociales de la part du gouvernement, beaucoup de personnes, non seulement parmi les plus pauvres mais aussi parmi les classes moyennes, sont de plus en plus endettées. Selon une nouvelle enquête effectuée par YouGov, un institut de recherche basé à Londres, 8 Thaïlandais sur 10 sont endettés actuellement, et les plus bas salaires ont été fortement touchés par la crise. Plus de 40 % des quelque 2 000 répondants à l’enquête confient avoir emprunté de l’argent cette année afin de pouvoir s’en sortir financièrement. Beaucoup d’entre eux ont eu recours à des agents peu scrupuleux qui n’hésitent pas à imposer des taux d’intérêt jusqu’à 50 %, ce qui entraîne de longues périodes d’endettement pour leurs clients. Cette situation risque d’endetter plusieurs millions de Thaïlandais, et d’aggraver la pauvreté dans le pays durant les prochains mois. « Les personnes aux plus bas salaires, qui n’ont pas d’économies et qui sont déjà endettées, sont les plus vulnérables », signale Nonarit Bisonyabut, un expert de l’institut TDRI (Thai Development Research Institute), un think tank local.
L’un des pays aux plus fortes inégalités
Malgré de telles perspectives, le gouvernement n’a pas fait beaucoup pour alléger les craintes financières des plus vulnérables, à part quelques aides versées récemment. « Les gens pauvres comme nous doivent se débrouiller », confie un vendeur de rue, qui distribue de l’eau de coco glacée dans le centre de Bangkok. « Les autorités ne s’intéressent pas à nous. Nous ne sommes pas importants pour eux. » Avant même la pandémie, de plus en plus de Thaïlandais à bas salaires basculaient dans la pauvreté, dans un des pays comptant le plus d’inégalités au monde. Selon le dernier Global Wealth Report publié par le Crédit Suisse, en Thaïlande, sur 70 millions d’habitants, les 1 % les plus riches (soit un demi-million de personnes) contrôlent les deux tiers des richesses du pays. « La Thaïlande est parvenue à réduire la pauvreté au cours des trois dernières décennies, de 65 % en 1988 à moins de 10 % en 2018. Toutefois, la croissance des revenus et de la consommation stagne depuis plusieurs années », souligne la Banque Mondiale. « Ceci entraîne une nouvelle hausse de la pauvreté dans le pays. Entre 2015 et 2018, le taux de pauvreté en Thaïlande a augmenté de 7,2 à 9,8 %, et le nombre total de personnes vivant dans la pauvreté est passé de 4,85 millions à plus de 6,7 millions. » Les chiffres cités par la Banque Mondiale se référaient à la situation du pays avant la pandémie, et le taux de pauvreté a continué d’augmenter depuis, signalent les experts. Des signes de misère deviennent courants autour de Bangkok et des villes principales du pays, avec de nombreuses personnes dormant dans la rue. Beaucoup d’autres ont un toit mais déplorent l’absence de revenus réguliers et de nouvelles difficultés financières.
(Avec Ucanews, Bangkok)
CRÉDITS
Ucanews