Eglises d'Asie

Éducation : les minorités ethniques bangladaises luttent pour la sauvegarde des langues indigènes

Publié le 26/02/2021




Le 21 février, le Bangladesh célébrait la Journée internationale de la langue maternelle, proclamée en 1999 par l’Unesco. Ce jour-là rappelle aussi le mouvement du 21 février 1952, quand la police a tiré sur des étudiants manifestant pour leurs droits linguistiques. En 1948, le gouvernement du Pakistan avait fait de la langue ourdou la seule langue nationale, provoquant de vives protestations. Sur 40 langues indigènes, outre l’ourdou, on compte 39 langues parlées par de petits groupes ethniques, soit environ 3 millions de personnes sur 160 millions d’habitants. Au moins 14 de ces langues sont en voie de disparition.

Près de 14 langues ethniques bangladaises risquent de disparaître sans un véritable soutien du gouvernement.

Certaines langues indigènes bangladaises sont menacées de disparition, à moins d’initiatives qui permettraient de les préserver. Les responsables des communautés catholiques et indigènes ont appelé les autorités bangladaises à protéger les langues locales, face aux risques d’extinction en raison d’un manque de soutien du gouvernement et d’un manque d’efforts communautaires. L’appel a été partagé par de nombreux Bangladais de toutes origines ethniques et religieuses, à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle, proclamée par l’Unesco et marquée le 21 février. Cette journée a été proclamée par l’ONU afin de commémorer le Mouvement pour la langue bengali de 1952, quand la police et l’armée de l’État pakistanais – qui occupait alors le Bangladesh – ont tiré sur des étudiants et militants manifestant pour leurs droits linguistiques. En 1948, en effet, le gouvernement du Pakistan avait fait de la langue ourdou la seule langue nationale, provoquant de vives protestations. Aujourd’hui, la Journée internationale de la langue maternelle permet de promouvoir la diversité linguistique et culturelle et le multilinguisme. Le Mouvement pour la langue du 21 février 1952 a poussé le régime à introduire le bengali comme langue nationale aux côtés de l’ourdou, dans la Constitution de 1956. Il a également suscité un mouvement indépendantiste qui a conduit à l’indépendance du pays en 1971. Depuis, le 21 février est célébré dans le pays comme la Journée des martyrs de la langue. L’Unesco a proclamé le 21 février comme Journée internationale de la langue maternelle en 1999.

Un manque d’enseignants issus des minorités

Ce 21 février, la Première ministre Sheikh Hasina, qui a participé à une cérémonie inaugurant un programme de quatre jours à l’Institut international de la langue maternelle de Dacca, a déclaré que son gouvernement s’efforçait de préserver et protéger les langues indigènes. « Tous les ans, quand nous distribuons des manuels scolaires gratuits, nous imprimons des livres traduits en langues ethniques, et nous les donnons gratuitement pour que leurs enfants puissent apprendre et parler dans leur propre langue. Nous avons aussi fondé cet institut afin de protéger les droits linguistiques et pour appeler au respect et à la protection des langues en voie de disparition à travers le monde », a confié Sheikh Hasina. Le bengali, la langue nationale, est parlé par 99 % des Bangladais, majoritairement musulmans, sur une population de plus de 160 millions d’habitants. On compte environ 45 groupes ethniques, soit environ 3 millions de personnes aux diverses cultures et langues indigènes. Sanjeeb Drong, un catholique de l’ethnie Garo et secrétaire du Forum bangladais pour les peuples indigènes, note que même si le gouvernement a effectivement imprimé des manuels scolaires en cinq langues indigènes pour les élèves d’écoles primaires, cette politique n’a pas produit les effets escomptés.

« Le gouvernement a publié les manuels, mais il n’y a pas eu de recrutements d’enseignants ni de programmes pédagogiques particuliers. Cela ne suffit pas d’imprimer les livres, il faut aussi faire en sorte que les langues soient enseignées correctement », ajoute Sanjeeb. Il cite également une étude menée par l’Institut international de la langue maternelle de Dacca, qui montre qu’au moins 40 langues ont été identifiées comme les langues maternelles de divers groupes ethniques. Sur ces 40 langues, à part l’ourdou, les 39 autres appartiennent à des petits groupes indigènes. Au moins 14 d’entre elles sont en danger. « La protection de la langue est essentielle pour la survie d’une nation. Le gouvernement bangladais a au moins commencé ce travail, mais ces quatre dernières années, les livres ont été imprimés mais ils n’ont pas été enseignés », affirme Sanjeeb Drong. Depuis cinq ans, le gouvernement bangladais publie des manuels pour les niveaux primaires en langues Chakma, Marma, Tripura, Garo et Sadri. La loi de 2010 de l’éducation nationale bangladaise stipule que le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour que les enfants puissent apprendre dans leur langue maternelle.

Soutien de Caritas et de l’éducation catholique bangladaise

L’Église catholique a été parmi les premiers à défendre et préserver les langues et les cultures des minorités, souligne Jyoti F. Gomes, secrétaire de l’éducation catholique bangladaise (Bangladesh Catholic Education Board). Avec le soutien de Caritas, depuis quinze ans, l’Église locale publie des manuels en diverses langues locales et les enseigne dans les écoles bangladaises. « Les écoles catholiques recrutent des enseignants issus des communautés indigènes pour qu’ils puissent enseigner les langues locales correctement aux élèves. C’est ainsi que nous formons les enfants des communautés ethniques », explique Jyoti Gomes. Sans le soutien du gouvernement, il ne sera pas possible de préserver les langues indigènes, ajoute-t-il cependant. « Même si des livres ont été imprimés depuis cinq ans, il n’y a pas eu de véritable programme pédagogique permettant de les enseigner, par manque d’enseignants et de formation. » Zinnat Imtiaz Ali, linguiste reconnu au Bangladesh et directeur général de l’Institut international de la langue maternelle de Dacca, explique que des chercheurs vont être recrutés à partir de l’an prochain afin de préserver les langues en voie de disparition. « Avec le gouvernement, nous sommes sincères dans notre volonté de préserver ces langues. Mais parmi les peuples qui les parlent, il devient parfois difficile de progresser en raison d’un manque de personnes éduquées parmi ces communautés, qui puissent enseigner ces langues. Toutefois, nous continuons dans cette voie », assure-t-il.

(Avec Ucanews, Dacca)


CRÉDITS

Ucanews