Eglises d'Asie

En présence des reliques des époux Martin, les catholiques cambodgiens appelés à privilégier la famille

Publié le 18/09/2019




Les reliques des saints Louis et Zélie Martin, en visite au Cambodge depuis le 26 août, ont quitté Phnom Penh le 16 septembre après avoir passé près de trois semaines dans le pays. Dimanche 15 septembre, une dernière messe, présidée par Mgr Olivier Schmitthaeusler, vicaire apostolique de Phnom Penh, a été célébrée dans la capitale cambodgienne en présence des reliques. Au cours du voyage, de nombreuses messes, processions, enseignements, spectacles et veillées ont été organisés dans à Phnom Penh, Battambang et Kompong-Cham. Mgr Olivier confie avoir voulu montrer, avec les époux Martin, un autre modèle de parentalité, « un exemple de sainteté dans le couple et dans la famille ».

Ce sont les valeurs « d’amour, de fidélité et d’accueil de la vie » qui ont été mises en avant par Mgr Olivier Schmitthaeusler, vicaire apostolique de Phnom Penh, dans son homélie, lors de la dernière messe en présence des reliques des saints Louis et Zélie Martin, parents de Sainte Thérèse de Lisieux, ce dimanche 15 septembre. La petite église de l’Enfant Jésus, dans le quartier semi-urbain de Sangkat Boeng Tumpun à Phnom Penh, était pleine à craquer pour l’occasion, à la veille du retour des époux Martin vers la France. Ces derniers ont vu du pays : en près de trois semaines, les reliques ont été transportées dans de nombreuses paroisses dans le vicariat apostolique de Phnom Penh et dans les provinces de Battambang (à la frontière thaïlandaise) et de Kompong-Cham (dans le centre du pays), points névralgiques de la petite mais fervente communauté catholique du pays, qui compte près de 20 000 âmes. Dimanche 15 septembre, l’assemblée était composée du public régulier de la paroisse : des familles et des jeunes couples, pour la plupart originaires de foyers pauvres de province, qui grâce à une aide financière de la communauté, ont pu faire des études et occupent désormais des emplois qualifiés dans la capitale cambodgienne : médecins, comptables, infirmières, professeurs… « Une paroisse d’intellectuels », sourit fièrement Mgr Olivier.

« Au cours de mes études, je me suis demandé pourquoi les missionnaires faisaient ce qu’ils faisaient, sans contrepartie apparente », se souvient le Dr Sakda, originaire d’une famille modeste de la province méridionale de Takeo et père de trois enfants. « Cela m’a poussé à m’intéresser à l’Évangile et j’ai eu envie de me convertir. » Diplômé de médecine générale, il travaille aujourd’hui dans l’une des rares cliniques du pays qui propose des soins palliatifs. « Le traitement de la douleur n’est pas considéré comme une priorité dans notre pays », déplore-t-il. Une autre jeune fille est étudiante en sociologie. Étudiante le jour, elle travaille en soirée au foyer catholique situé à quelques pas de là, qui accueille des étudiants venus de provinces éloignées, choisis selon leurs performances académiques et leur comportement. Certains sont venus avec leurs guitares, et la joyeuse bande reste pour partager un repas après la messe. « Pour nous qui sommes si loin de nos familles, l’Église nous offre une famille de substitution. On peut parler de tout, comme des frères et sœurs de sang », raconte Sreynang Nuang. Une dizaine de paroissiens africains, en provenance du Mozambique et d’Ouganda sont également présents.

 

« Montrer un exemple de sainteté dans le couple »

Après avoir déjà fait venir les reliques de sainte Thérèse de Lisieux en 2013, il s’agissait cette fois, dans le cadre d’un cycle thématique sur la famille, de « montrer un exemple de sainteté dans le couple, dans la famille », insiste Mgr Olivier. Élever ses enfants dans l’amour : le message a d’autant plus de résonance que la famille cambodgienne est en plein bouleversement et a besoin de se réinventer. « L’une des premières choses que Pol Pot et les Khmers Rouges ont faites lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir », explique Mgr Olivier, « c’est de détruire les cellules familiales, avec des opérations de dispersion massives, en envoyant les gens travailler dans des camps à l’autre bout du pays, et en organisant des mariages forcés ». La société cambodgienne se remet à peine de l’épreuve Khmers Rouges, dont les séquelles sont encore visibles partout, et notamment à travers un trou béant dans la pyramide des âges. À cause de la pauvreté, nombreuses sont les familles éclatées, dont les parents sont contraints de confier leurs enfants aux anciens restés à la campagne. « Dans les familles pauvres, il est courant de ne voir les parents qu’une ou deux fois par an », souligne Mgr Olivier. Il s’agissait donc, en évoquant le souvenir des époux Martin, de proposer un autre modèle de parentalité. « Un modèle différent de celui qui est véhiculé par la publicité », précise-t-il. « Face au modèle des familles vivant dans un ‘condo’ [ndlr : un petit appartement dans les grandes tours modernes du centre-ville] avec un seul enfant, que l’on traite comme un petit roi – une vie un peu étriquée, en somme –, nous voulions proposer le modèle d’une famille ouverte sur le monde et sur les autres. »

« Cela me donne de l’espoir »

Selon les biographes des époux Martin, une fois par semaine, ils ouvraient leur maison aux pauvres, échangeaient avec eux et leur offraient le couvert, en présence de leurs filles. Commerçants aisés – Louis était un horloger réputé, et Zélie une dentellière talentueuse –, ils faisaient d’importantes donations aux missions étrangères et espéraient que l’un de leurs deux fils devienne missionnaire, mais les deux décédèrent en bas âge. Leurs cinq filles, une fois atteint l’âge adulte, entrèrent dans les ordres et la petite Thérèse est devenue patronne des missions sans jamais avoir quitté le Carmel de Lisieux, – mis à part son voyage à Rome avant de devenir religieuse. Le 15 septembre, la messe comprenait également une cérémonie de bénédiction des couples, qui ont renouvelé collectivement leurs vœux de mariage. À genoux l’un en face de l’autre, les mains jointes, une douzaine de couples de tous les âges ont répété, les yeux dans les yeux, les paroles du prêtre, en présence de leurs enfants. Un moment émouvant, dans un pays où les démonstrations physiques d’affection sont encore très rares. « Cela me donne de l’espoir, dit en rougissant l’une des épouses venues toucher les reliques à la fin de la cérémonie. Je me dis que même dans notre société, la fidélité est peut-être possible, après tout. »

L’Église au Cambodge se relève à peine de l’épreuve des Khmers Rouges, durant laquelle « nous avons quasiment disparu » explique Mgr Olivier. Il porte autour du cou une croix héritée de Mgr Joseph Chmar Salas, son prédécesseur et premier évêque cambodgien, mort d’épuisement dans un camp de travail en 1977. Depuis plus de deux décennies, Mgr Olivier Schmitthaeusler a lancé une opération de renaissance de l’Église catholique au Cambodge à travers deux mots-clés : évangélisation et développement. Il est donc à la tête d’un réseau d’écoles, de centres pour enfants handicapés et d’un lieu d’enseignement des arts traditionnels khmers. Une performance colorée de petites danseuses de Khon, une discipline qui mêle musique, danse et narration épique, est venue illuminer la fin de la messe.

(EDA / Carol Isoux)


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Carol Isoux