Eglises d'Asie

Environnement : la Caritas de Khulna face à la crise de l’eau

Publié le 10/04/2019




Une grande partie du territoire du Bangladesh étant inondable et à seulement quelques mètres au-dessus du niveau de la mer, les régions côtières du delta du Bengale, l’un des plus grands du monde, sont particulièrement exposées aux catastrophes comme les cyclones, les tsunamis et les inondations. Les communautés locales vivant dans le sud du pays subissent également la pénurie d’eau potable, liée à la forte salinité des nappes phréatiques et des fleuves de la région. À Khulna, la Caritas locale fait face à la situation en creusant des bassins et des réservoirs, afin de collecter et filtrer l’eau de pluie. Avec l’aide de plusieurs ONG, le Bangladesh a également lancé un programme d’adaptation aux changements climatiques dans le delta.

Komola Mondol, une villageoise de la côte sud du Bangladesh, fait partie des nombreux habitants des régions côtières qui souffrent du manque d’eau potable. Née dans le district de Satkhira, cette femme hindoue de 46 ans vit aujourd’hui dans le district de Khulna avec son mari, son fils et ses deux filles. Les deux districts se trouvent à l’embouchure de plusieurs fleuves, qui traversent la mangrove luxuriante des Sundarbans et qui se déversent dans le golfe du Bengale. Toute sa vie, Komola Mondol a vu les gens souffrir de la pénurie d’eau potable, liée en grande partie à l’eau de mer qui se mélange à l’eau des fleuves. « Chez mes parents, on avait l’habitude de creuser des trous dans le sable du fleuve pour trouver de l’eau potable. Parfois, il fallait marcher plusieurs kilomètres pour aller puiser l’eau d’une mare. Ici, nous allons chercher de l’eau trois fois par jour auprès d’une église baptiste, à deux kilomètres d’ici, qui est équipée d’un système de filtration de l’eau », raconte-t-elle. Ils doivent parfois faire la queue pendant plusieurs heures. « Nous avons tous les deux des emplois journaliers, et nous perdons beaucoup de temps en allant chercher de l’eau. C’est fatigant, mais nous n’avons pas d’autre solution », explique-t-elle.

En février, la Caritas de Khulna a creusé un grand bassin dans le village de Komola, pour remédier à la pénurie, mais il n’est pas encore en service. « Nous attendons la saison des pluies pour qu’il se remplisse et que nous puissions l’utiliser pour soulager nos peines », espère-t-elle. Modhu Biswas, un baptiste trentenaire de Shomorio Christian Para, un village voisin dans le district de Khulna, rencontre les mêmes problèmes. « Durant des années, les trente familles de mon village ont dû marcher cinq kilomètres par jour pour aller chercher de l’eau potable. Et les gens étaient réticents à l’idée partager leur eau avec nous. Nous nous sentions humiliés à chaque fois qu’il fallait aller chercher de l’eau », explique Modhu Biswas. Mais il y a trois mois, la Caritas de Khulna a pu transformer un étang en réservoir, grâce à des dons de la Caritas allemande. Le réservoir procure de l’eau à près de cinq cents personnes vivant à proximité.

Changements climatiques et crise de l’eau

Trouver une source d’eau potable est un problème quotidien pour tous les habitants de la côte. Dans d’autres régions du pays, les eaux souterraines des puits forés par le gouvernement ou par d’autres organisations sont les sources d’eau potables les plus courantes. La forte salinité des eaux souterraines et des fleuves des régions côtières les rendent imbuvables. C’est pourquoi des bassins et des réservoirs ont été construits, afin de collecter et filtrer l’eau de pluie pour l’usage quotidien des habitants. Ce n’est pas un système idéal, mais les habitants s’efforcent de survivre de cette façon. La pénurie d’eau est particulièrement problématique durant l’hiver et l’été, quand les pluies s’arrêtent et que la plupart des sources en surface s’assèchent. Selon Tanvir Ahmed Chowdhury, professeur assistant du département sols, eau et environnement de l’université de Dacca, la salinité de l’eau est une des conséquences des changements climatiques. « Nos recherches et nos observations montrent que dans les régions côtières, le niveau de salinité augmente, non seulement en surface mais aussi dans les nappes phréatiques. L’une des raisons vient des inondations qui couvrent plus de surface durant les grandes marées », explique-t-il. « Dans les régions côtières, les changements climatiques se produisent lentement mais sûrement. Au début, il n’y avait pas grand-chose que nous puissions faire, mais le gouvernement a planifié un programme de réduction des risques et d’adaptation aux changements climatiques dans le delta. »

Sumon Malakar, un responsable de la Caritas de Khulna, explique que les saisons sèches sont particulièrement rudes pour les communautés locales. « Parfois, les gens boivent l’eau non filtrée des étangs et attrapent des maladies, parfois mortelles », ajoute-t-il. De son côté, le gouvernement bangladais assure que des efforts sont entrepris pour réduire la souffrance de la population locale. « Près de 70 % de la population puise l’eau potable dont elle a besoin dans les bassins et les réservoirs, c’est pourquoi notre priorité est de creuser des réservoirs afin de collecter l’eau de pluie. Nous collaborons également avec plusieurs ONG dans ce but », confie Mustafizur Rahman, un ingénieur du département de la santé publique du district de Satkhira.

L’action de Caritas face aux changements climatiques

Jibon D. Das, directeur régional de la Caritas de Khulna, explique que son agence a lancé plusieurs programmes afin d’aider les gens à s’adapter aux conséquences des changements climatiques, dont la crise de l’eau. « Nous avons actuellement 18 programmes en opération, liés directement ou indirectement à l’adaptation aux changements climatiques. Nous avons creusé d’innombrables bassins et des milliers de réservoirs dans les villages, non seulement pour l’eau potable mais aussi pour l’irrigation. Au moins 200 000 personnes en bénéficient », assure Jibon Das. Caritas fournit également des systèmes de filtration de l’eau et des comprimés de purification de l’eau. « La région côtière est notre priorité, donc nous sommes toujours à la recherche de moyens de réduire les souffrances de la population locale. » La plus grande partie du territoire du Bangladesh est à moins de douze mètres au-dessus du niveau de la mer, sur les terres inondables d’un des plus grands deltas du monde. Le pays et ses 160 millions d’habitants sont donc particulièrement exposés aux catastrophes naturelles comme les cyclones, les tsunamis et les inondations. Plusieurs études citent régulièrement le Bangladesh parmi les pays les plus vulnérables aux changements climatiques. Les climatologues prédisent que d’ici 2050, le pays pourrait perdre jusqu’à 20 % de son territoire à cause de la montée des mers, due au réchauffement climatique et à la fonte des glaces. Un phénomène qui risque d’entraîner plus de 20 millions de réfugiés.

(Avec Ucanews, Dacca)


CRÉDITS

Caritas Khulna