Eglises d'Asie – Birmanie
État Shan : une religieuse birmane auprès des anciens drogués
Publié le 10/05/2019
Chaque mois, sœur Theresa Kham va à la rencontre de villageois catholiques qui sont sortis de la dépendance à la drogue, dans l’État Shan dans le nord de la Birmanie. La religieuse fait partie de la congrégation des Sœurs du Bon Pasteur et vit au village de Yangon Ywar, près de Tachileik, où quatre religieuses dirigent un centre résidentiel, fondé en 2017 pour accueillir les femmes victimes de la traite des personnes ou de violences physiques. Elles y reçoivent des cours et une formation professionnelle. Parmi elles, treize catholiques, âgées de 34 à 60 ans, sont d’anciennes droguées. Chaque mois, sœur Theresa Kham les rencontre pour prier avec elles, entendre leurs témoignages et méditer sur la Parole de Dieu. « Je leur apporte un soutien moral et spirituel pour qu’elles puissent grandir avec Jésus », explique la religieuse. Les anciennes droguées sont également nourries et soignées au centre. La plupart d’entre elles ont consommé de l’héroïne et ont rejoint le centre après une rechute. Elles s’efforcent de sortir de la dépendance, même si certaines ont fait quelques récidives.
En décembre 2018, sœur Theresa les a emmenées dans un couvent pour Noël. Son programme est ouvert à toutes les personnes, jeunes ou âgées, qui sortent de la toxicomanie. La plupart des jeunes ont consommé du « ya ba », une drogue de synthèse surnommée la « drogue qui rend fou ». « La plupart des jeunes du centre ont consommé des comprimés de ya ba, qui sont peu chers et faciles à se procurer », confie sœur Theresa. Quelques jeunes lui ont déjà demandé de les aider à sortir de la dépendance, et elle les a envoyés dans un centre baptiste de désintoxication. Les principaux groupes ethniques de la région, le long de la frontière avec la Thaïlande, sont les Akhas, les Lahus, les Shans et les Bamars. Ils sont principalement bouddhistes, baptistes ou catholiques. Les Akhas vivent surtout de l’agriculture traditionnelle sur brûlis.
L’État Shan au cœur des trafics
Louisa, une catholique akha, ancienne droguée de 63 ans, explique que durant la rencontre mensuelle avec sœur Theresa, elles peuvent partager leurs expériences et apprendre à se connaître davantage. Louisa ajoute que les habitants de la région consomment souvent de l’opium pour lutter contre la maladie. « Depuis que je suis sortie de mon addiction à l’opium en 2003, je n’en ai plus jamais consommé », ajoute-t-elle. Joseph, 34 ans, vient de rejoindre le programme après avoir été libéré de son addiction il y a tout juste deux mois. Il avait commencé à consommer du « ya ba » pour s’amuser, mais il est devenu dépendant. « J’ai décidé de rejoindre le programme après être sorti de la drogue, afin d’apprendre à vivre sans la drogue, tout en prenant des forces par la lecture de la Bible », explique-t-il. Ce père de cinq enfants, un catholique de l’ethnie Akha, est déterminé à tenir bon et à travailler pour faire vivre sa famille. « Je ressens parfois le manque, et c’est difficile à supporter », explique-t-il.
L’opium est valorisé dans la culture locale. On en consomme dans les mariages ou en guise d’antidouleur. La culture de l’opium est toujours répandue dans le pays, qui reste le plus grand producteur de drogues au monde après l’Afghanistan. Dans l’État Shan, la production de drogue a connu trois phases principales, selon un rapport de l’ONG International Crisis Group publié en janvier : l’opium et l’héroïne entre les années 1950 et 1990, suivis par la production de « ya ba » (méthamphétamine) et de « crystal meth » au début des années 2010. Le rapport de l’ICG explique que l’État Shan est depuis longtemps au cœur des conflits et du trafic de stupéfiants. La disponibilité des infrastructures dans la région, la proximité des fournisseurs de précurseurs de drogues en Chine, et la protection des milices pro gouvernement ou des rebelles ont également fait de l’État Shan l’une des sources les plus importantes au monde de « crystal méthamphétamine ».
La congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur a été fondée en France en 1835 par sainte Marie-Euphrasie Pelletier. L’ordre est arrivé en Birmanie en 1866, et compte aujourd’hui 51 religieuses dans cinq diocèses du pays. La congrégation dirige également plusieurs centres d’accueil de jour pour les enfants séropositifs ou pour les enfants dont les parents sont drogués ou atteints du virus de Sida. Elles accueillent également les enfants des rues. Leur mission en Birmanie comprend également la pastorale en milieu carcéral, l’aide sociale et la défense des droits de l’homme.
(Avec Ucanews, Tachileik)
CRÉDITS
Ucanews