Eglises d'Asie – Cambodge
Frère Tung, un père pour les enfants abandonnés de l’orphelinat de Kandal
Publié le 27/08/2019
Quelques dizaines d’enfants se sont rassemblés joyeusement pour saluer l’arrivée du frère Joseph Nguyen Thanh Tung, à son arrivée à l’orphelinat en 2013, dans le sud-est du Cambodge. « C’est notre papa. Nous l’aimons parce qu’il nous élève bien », explique Joseph Say Ha, 10 ans, le premier à avoir été pris en charge par le frère vietnamien, de la société missionnaire de la Mère du Rédempteur. Il y a dix ans, la grand-mère de Joseph Say Ha l’a confié au frère Tung alors qu’il n’avait que 25 jours. Sa mère l’avait abandonné et son père était mort du sida. Le religieux l’a alors pris en charge, alors que le nouveau-né souffrait d’ulcères cutanés qui ont dû être soignés à l’hôpital. Tout ceci est survenu peu après l’arrivée du frère Tung, vietnamien, dans le pays. Joseph est aujourd’hui en primaire et parle à la fois cambodgien et vietnamien. Il fait partie des 24 orphelins – des nourrissons aux jeunes adultes – de l’orphelinat du Mekong Orphan Center, situé dans le district de Leuk Dek dans la province de Kandal. Les orphelins sont originaires de familles cambodgiennes et vietnamiennes. Frère Tung explique que certains d’entre eux souffrent de handicaps physiques. Chacun des enfants du centre a été baptisé et a reçu des certificats de naissances, qui permettent l’entrée dans les écoles publiques. « Je les aime comme s’ils étaient mes propres enfants et je les traite avec charité et bienveillance ; eux-mêmes m’appellent ‘Ba’ [papa] », confie le religieux. « Nous vivons ensemble dans une parfaite harmonie et nous prenons soin des uns des autres comme notre propre famille », ajoute-t-il, soulignant qu’il n’y a aucune discrimination raciale à l’orphelinat.
Un modèle de coexistence
Frère Tung confie que le centre cherche à développer un modèle de coexistence entre Cambodgiens et vietnamiens dans un pays où les relations mutuelles interethniques restent tendues. Le religieux explique que le centre est situé dans une région où la population est majoritairement cambodgienne, et qu’il est soutenu par les habitants avec qui frère Tung maintient de bonnes relations. Les communautés d’origine vietnamienne n’ont pas la nationalité cambodgienne. Leurs membres sont considérés comme des migrants illégaux et sans papiers, bien qu’ils vivent dans le pays souvent depuis plusieurs générations. Ils doivent également faire face à de nombreuses barrières pour pouvoir accéder à l’éducation, aux services médicaux, à l’emploi et à la propriété. Ainsi, ils doivent louer des terres aux Cambodgiens pour pouvoir construire leurs maisons, et leurs enfants ne sont souvent pas admis dans les écoles publiques faute de certificats de naissance. L’ethnie vietnamienne forme la plus grande minorité au Cambodge, avec près de 180 000 personnes, selon les chiffres du gouvernement. Le dernier enfant à avoir rejoint le centre est un nouveau-né de deux mois, qui a été amené par un membre du gouvernement récemment. La mère de l’enfant, une Cambodgienne âgée de 18 ans, a été abandonnée par son compagnon et n’avait pas les moyens de s’en occuper.
Il y a également le cas de Vincent Nguyen Van Nho, qui a été amené en 2009 avec son petit frère et sa petite sœur. Leur père s’était noyé dans un lac, et leur mère est morte de la tuberculose. Vincent Nho, aujourd’hui âgé de 21 ans, a quitté l’orphelinat en 2014, mais il est revenu le mois dernier après une mauvaise expérience. Il a été arrêté alors qu’il pêchait dans une zone interdite à la pêche du lac de Tonle Sap, avec d’autres pêcheurs. Certains de ses collègues ont été abattus par la police et lui-même a été détenu et battu. « J’ai la chance d’en être sorti vivant, grâce à Dieu », raconte-t-il. « Maintenant, j’essaie de commencer une nouvelle vie ici, parce que je n’ai nulle part ailleurs où aller et que personne ne me traite aussi bien que les gens d’ici. Je veux me former à d’autres compétences. Je suis reconnaissant envers Ba [frère Tung]. » Frère Tung, qui est également curé d’une paroisse de près de trois cents catholiques vietnamiens, explique qu’il essaie de s’occuper des enfants jusqu’à l’âge adulte, et de les aider à trouver un emploi et se marier. « J’espère que les enfants que j’ai à charge pourront s’intégrer dans la société et qu’ils parviendront à vivre en harmonie avec les autres. »
(Avec Ucanews, Phnom Penh)
CRÉDITS
Ucanews