Eglises d'Asie – Bangladesh
Hommage au père Eugene Homrich après soixante ans de mission auprès du peuple Garo
Publié le 28/07/2020
Le père Eugene Homrich, missionnaire américain, prêtre de la congrégation de la Sainte-Croix, a consacré près de six décennies auprès des communautés indigènes défavorisées du Bangladesh. Il est décédé le 26 juillet à l’âge de 91 ans du Covid-19, aux États-Unis dans la maison de retraite de la Sainte-Croix. Entre 1955 et 2016, le père Homrich a vécu auprès des populations indigènes de la région forestière de Madhupur Sal, dans le district de Tangail, dans le centre du Bangladesh. Né le 8 décembre 1928 à Muskegon, dans l’État du Michigan, il est entré au noviciat de la Sainte-Croix en 1946 avant d’être ordonné prêtre le 8 juin 1955. La même année, il s’est joint à un groupe de 12 missionnaires en partance pour le Pakistan Oriental (avant l’indépendance du Bangladesh), qu’ils ont rejoint par bateau et par avion. Le prêtre a d’abord appris la langue bengalie à l’université Notre-Dame de Dacca durant un an. Il a ensuite servi auprès de deux paroisses – l’église Saint-François-Xavier de Golla, à Dacca, et l’église Sainte-Elizabeth de Biroidakuni, à Mymensingh. Il s’est ensuite installé dans la région de Madhupur en 1959.
Son dévouement et son travail ont permis de transformer les vies de plusieurs milliers d’indigènes, ainsi que de nombreux musulmans et hindous. Ses services ont permis d’importantes améliorations dans les domaines de l’éducation, de la santé, du développement socio-économique, du patrimoine culturel et des droits de l’homme. Durant la guerre d’indépendance en 1971, le prêtre a accueilli plusieurs centaines de réfugiés dans son église, et secouru plusieurs centaines d’autres victimes d’atrocités commises par l’armée pakistanaise. En 2012, le père Homrich est devenu l’un des cinq prêtres catholiques à être déclarés officiellement « Amis du Bangladesh ». Dans les premières années de son travail missionnaire, en 1959, la petite église Corpus Christi de Jalchhatra comptait environ 2 500 catholiques indigènes, pour la plupart issus de l’ethnie Garo. Ses efforts d’évangélisation et de développement ont permis la création de deux nouvelles paroisses – l’église Saint-Paul de Pirgachha et l’église du Christ-Roi de Dorgachala. Aujourd’hui, les trois paroisses comptent environ 17 000 catholiques et dépendent du diocèse de Mymensingh, majoritairement indigène.
« Un grand missionnaire et un visionnaire »
Avant même que l’église de Pirgachha ne soit élevée au rang de paroisse en 1992, le père Homrich en a fait la base permanente de son travail missionnaire, jusqu’à son retour aux États-Unis en 2016, pour raisons de santé. En 2015, les trois paroisses de Madhupur ont organisé trois jours de célébrations afin de marquer le jubilé des soixante ans de vie sacerdotale du père Homrich. À l’époque, peu avant son départ pour les États-Unis, il est revenu sur son appel missionnaire auprès du peuple Garo de Madhupur. « La foi des Garos était déjà là avant même qu’ils ne deviennent chrétiens. Ils croyaient dans les dieux, et nous avons seulement baptisé leur société, leur culture. Nous n’avons pas détruit leur culture, mais nous l’avons baptisée », expliquait le père Homrich. « Ils croient en Dieu et ce sont des bons catholiques. C’est un peuple saint. » Près de 99 % des 120 000 Garos du Bangladesh sont chrétiens, dont 80 % de catholiques. Le 10 janvier 2020, le diocèse de Mymensing a ouvert un musée afin de préserver la culture et l’héritage des populations indigènes, et aussi pour rendre hommage aux contributions des missionnaires, dont le père Homrich. Le père James Cruze, de la Sainte-Croix, provincial de la congrégation au Bangladesh, décrit le père Homrich comme « un grand missionnaire et un visionnaire ». « Le père Homrich aimait sa mission au Bangladesh et le peuple Garo. Il a non seulement prêché l’Évangile, mais il a aussi multiplié les initiatives pour soutenir leur accès à l’éducation, leur développement socio-économique, la protection de leurs droits territoriaux et la préservation de leur culture. C’est pour nous un modèle et une source d’inspiration », assure le père Cruze.
Le père Homrich voulait consacrer toute sa vie à la mission au Bangladesh, et il espérait même y mourir, mais en raison de son état de santé et à la demande de sa famille, il a dû retourner aux États-Unis, explique le père James Cruze. Eugene Nokrek, président du Conseil pour le développement du peuple Joenshahi (Joenshahi Adivasi Development Council), assure que les habitants de Madhupur ne l’oublieront pas. « Il a marqué tout le monde, pas seulement les Garos mais aussi les autres groupes ethniques, ainsi que les musulmans et les hindous. Il a fondé des écoles et soutenu leur accès aux soins. Il nous a initiés aux méthodes d’agriculture modernes et il nous a appris à économiser via les coopératives. Il nous a également encouragés à rester unis contre toutes les formes d’injustice et d’oppression », confie Eugene Nokrek, un catholique Garo. « Il nous a tellement aimés qu’il est devenu l’un de nous et qu’il a pris un surnom Garo. Il nous a toujours incités à défendre nos droits », ajoute Eugene Nokrek, dont l’organisation a été créée en 1962 avec l’aide du père Homrich, afin de soutenir les droits des indigènes de la région. Sreekumar Guha Neogi, hindou et leader communautaire à Madhupur, regrette le départ du père Homrich. « C’était un ami de ma famille ; nous faisions partie des personnes qu’il a recueillies durant la guerre de libération de 1971. L’armée avait incendié notre maison, et il nous avait accueillis en nous proposant son aide pour la reconstruction. Avec mon père, nous avons souvent collaboré avec lui », explique Sreekumar Neogi. « J’ai été profondément ému en apprenant sa mort. J’ai tellement de souvenirs de lui que j’affectionne, et dont je me souviendrai toujours. »
(Avec Ucanews, Dacca)
CRÉDITS
Ucanews