Eglises d'Asie

Hong-Kong : pas d’essoufflement malgré le retrait du projet de loi sur l’extradition

Publié le 06/09/2019




Malgré l’annonce, le 4 septembre par Carrie Lam, cheffe de l’exécutif hongkongais, du retrait du projet de loi sur l’extradition, pour les principales figures du mouvement pro démocratie, c’est « trop peu, trop tard ». Selon Jackie Hung, membre de la Commission Justice et paix du diocèse de Hong-Kong, les jeunes n’ont plus confiance envers le gouvernement actuel après trois mois de contestation. Les militants rappellent que quatre de leurs cinq demandes faites à Carrie Lam n’ont toujours pas été acceptées, dont une enquête indépendante sur les violences policières et la mise en œuvre du suffrage universel.

Pour les militants pro démocratie et pour de nombreux catholiques hongkongais, la décision de retirer le projet de loi sur l’extradition, annoncée le 4 septembre par la cheffe de l’exécutif, Carrie Lam, est « insuffisante et trop tardive ». Le projet de loi, introduit en avril, aurait permis l’extradition d’accusés sur le territoire chinois. Il a été suspendu en juin, sans être retiré définitivement pour autant. Pour Jackie Hung, de la Commission Justice et Paix du diocèse de Hong-Kong, le retrait du projet de loi survient trop tard et semble insignifiant. « Il n’y a aucune garantie, plus de confiance en ce gouvernement. Les jeunes générations ont perdu toute confiance envers le gouvernement et l’avenir de Hong-Kong », affirme-t-elle. Outre le retrait du projet de loi, les manifestants ont fait quatre autres demandes qui n’ont pas été acceptées : lancer une enquête indépendante sur l’usage de la force par la police, amnistier les manifestants arrêtés, cesser de considérer les manifestations comme des émeutes, et mettre en œuvre le suffrage universel. « Ce n’est pas acceptable. Une enquête indépendante qui ne dépende pas de la juridiction du gouvernement est nécessaire. Nous continuerons de nous battre pour le suffrage universel, par des moyens pacifiques et rationnels. »

« Le mouvement va continuer »

Edwin Chow, président de la Fédération des étudiants catholiques de Hong-Kong, estime que Carrie Lam a décidé de retirer le projet de loi soudainement afin de tenter de calmer la situation avant la fête nationale chinoise, le 1er octobre. « Le gouvernement s’est trompé en pensant qu’après la rentrée universitaire, les étudiants seraient moins actifs », assure-t-il. Edwin Chow explique qu’il accepte le retrait du projet de loi, mais pour lui, ce n’est pas une victoire pour les manifestants. « Nous avons fait cinq demandes, et non une seule. Je pense que le mouvement va continuer. » Edwin doute que l’IPCC (Independent police complaints council), un organe qui examine les plaintes contre la police hongkongaise, puisse contribuer à résoudre le conflit ; il continue d’appeler à lancer une enquête indépendante afin d’examiner les accusations de violences policières. « Selon l’IPCC actuel, il est très difficile de contrôler la police, sans compter que des membres du comité sont pour le gouvernement. » De son côté, l’organisation Hong Kong Watch a accueilli le retrait du projet de loi, tout en trouvant que c’est « trop peu, trop tard ».

« Les violences policières et les arrestations arbitraires de manifestants pacifiques ont atteint un niveau choquant et inquiétant, suscitant les inquiétudes de ceux qui, de plus en plus nombreux, craignent que Hong-Kong ne devienne un État policier », dénonce Hong Kong Watch. « À tel point que certaines critiques du gouvernement hongkongais affirment qu’une loi sur l’extradition n’est plus nécessaire puisque la police s’occupe elle-même de la campagne de répression du Parti communiste chinois. » L’organisation appelle le gouvernement à annoncer au plus vite une enquête complète, immédiate et indépendante sur les violences policières. Elle appelle également la libération immédiate des manifestants pacifiques ainsi que des réformes démocratiques, y compris la mise en œuvre du suffrage universel pour l’élection des membres du Conseil législatif de Hong-Kong et du chef de l’exécutif. Benedict Rogers, président et cofondateur de Hong Kong Watch, a appelé la communauté internationale à agir en faveur de la résolution de la crise. « Le courage et la détermination incroyables dont font preuve les Hongkongais en défendant leurs droits et leur liberté sont évidents aux yeux du monde entier, et nous inspirent tous », a-t-il ajouté. « Hong-Kong est désormais sur un nouveau front entre liberté et dictature, et les Hongkongais se tournent vers la communauté internationale afin de faire pression sur le gouvernement de la République populaire de Chine, pour demander à Pékin de respecter l’autonomie de Hong-Kong. Nous demandons également aux autorités hongkongaises de répondre aux demandes de la population de façon constructive. C’est la seule façon dont nous pourrons guérir et avancer. »

« Pour l’autonomie et la démocratie »

Le 4 septembre, Carrie Lam a adressé un message télévisé afin d’annoncer de nouvelles mesures dans une tentative de calmer la situation. Elle a affirmé que les manifestations avaient « choqué et attristé le peuple hongkongais », et que les violences « poussaient Hong-Kong vers une situation très dangereuse ». « Quelle que soit la colère de la population envers le gouvernement ou la société, la violence n’est pas une solution », a-t-elle poursuivi. « Actuellement, la question la plus urgente est de mettre fin aux violences et de maintenir l’État de droit. » Pour le jeune militant Joshua Wong, figure du mouvement pro démocratie, la décision du gouvernement arrive « trop tard ». De son côté, le militant Nathan Law a affirmé que leur campagne se poursuivrait. « Le mouvement a évolué pour devenir un mouvement pour l’autonomie et la démocratie, et contre le pouvoir excessif de la police. » Amnesty International a déclaré que même si le retrait du texte est bienvenu, une enquête indépendante est nécessaire afin d’examiner « un usage de la force inutile et excessif par la police ». Après avoir été rétrocédé à la Chine en 1997, après plus de 150 ans aux mains des Britanniques, Hong-Kong est resté semi-autonome selon le principe dit « un État, deux systèmes ».

(Avec Ucanews, Hong-Kong)

Crédit : Studio Incendo (CC BY 2.0)