Eglises d'Asie

La hausse des prix des carburants affecte les plus démunis au Bangladesh

Publié le 26/08/2022




Ce mois-ci, en une semaine, le Bangladesh a enregistré la plus forte hausse des prix des carburants depuis son indépendance en 1971. Pour Anu Mohammad, de l’université Jahangirnagar (Dacca), les conséquences seront désastreuses sur la population. « Les prix ont augmenté depuis déjà un certain temps, et ils continueront d’augmenter », affirme-t-il. De son côté, un prêtre bangladais, secrétaire d’une commission diocésaine pour la justice et la paix, appelle à « maintenir les prix des biens essentiels sous contrôle ».

pays n’a jamais enregistré une augmentation aussi forte du prix de l’essence (52 %) en aussi peu de temps depuis l’indépendance du Bangladesh en 1971.

Les chrétiens bangladais, comme leurs concitoyens, subissent une crise financière qui affecte de plus en plus le pays d’Asie du Sud, avec notamment la montée des prix des carburants de plus de 50 % en seulement une semaine. Suman Mondal, chrétien baptiste et propriétaire d’un stand de thé à Dacca, craint de devoir rentrer dans son village natal. La forte augmentation des prix depuis début août l’a mis sous pression.

Le jeune bangladais de 38 ans peine à assumer les dépenses essentielles de sa famille dont ses parents âgés, sa femme et ses deux enfants. Il est le seul membre de sa famille à toucher un salaire, et ils vivent dans une maison louée dans le quartier de Mirpur. « Il y a beaucoup d’incertitude dans notre vie. Les prix du riz, du sucre, de l’huile de soja, du kérosène et d’autres biens essentiels ont explosé à cause de la montée des prix des carburants. Même les billets de bus ont augmenté soudainement », confie Suman Mondal.

Ses dépenses liées son petit étal de thé dépassent désormais ses revenus, ajoute-t-il désespéré. « D’un côté, les prix ont augmenté et de l’autre, il y a moins de clients. Les gens ne dépensent plus. Mon commerce continue à perte, la vie est devenue difficile. » Avant que la crise arrive, il gagnait un profit net quotidien de près de 300 takas (3,18 euros). Aujourd’hui, il passe ses journées à s’inquiéter à propos du loyer et des dépenses scolaires de son fils aîné. « La survie semble impossible. Même durant la pandémie de Covid-19, nous ne souffrions pas autant », assure-t-il.

« Les prix ont augmenté depuis déjà un certain temps, et ils continueront d’augmenter »

Beaucoup d’autres Bangladais, sur plus de 168 millions d’habitants, sont dans une situation similaire. Les chrétiens, qui forment environ 0,5 % de la population, sont d’autant plus inquiets alors que la majorité d’entre eux sont pauvres et ont déjà l’habitude de devoir se démener pour survivre. Quelques manifestations ont été rapportées dans des stations d’essence à travers le pays, afin d’appeler à contrôler les prix des carburants, ce qui n’est pas sans rappeler la crise qui a frappé le Sri Lanka.

Anik Mallick, 32 ans, qui gagnait en moyenne 18 000 takas (190,60 euros) par mois en transportant les gens à moto via la foule et les bouchons de Dacca, se retrouve démuni à cause de la montée du prix de l’essence. « La semaine dernière, je n’ai gagné que 300 takas », explique-t-il. Diplômé en économie et aîné de trois enfants, il recherche un travail décemment payé depuis longtemps. « Maintenant que l’économie s’effondre, il n’y a plus d’espoir pour cela, et je ne sais pas quoi faire. »

Le pays n’a jamais enregistré une augmentation aussi forte du prix de l’essence (52 %) en aussi peu de temps depuis l’indépendance du Bangladesh en 1971, selon les experts. Les conséquences sur le peuple seront désastreuses, insistent-ils. Anu Mohammad, ancien professeur d’économie à l’université Jahangirnagar de Dacca, signale que « les prix ont augmenté depuis déjà un certain temps, et ils continueront d’augmenter ». « Les habitants du Bangladesh sont incapables de s’en sortir face à cette crise », estime-t-il.

« Il faut maintenir les prix des biens essentiels sous contrôle »

De son côté, un prêtre âgé bangladais, secrétaire d’une commission diocésaine locale pour la justice et la paix, souligne que la majorité des pauvres sont exposés à la famine, et il regrette le manque de vision du gouvernement face à la crise. « Les autorités se sont lancées dans de grands projets les uns après les autres, grâce à des emprunts à l’étranger, sans s’inquiéter de la situation sur le terrain. Il n’y a plus d’autre alternative, aujourd’hui, que de maintenir les prix des biens essentiels sous contrôle », commente le prêtre, qui souhaite rester anonyme.

Contrairement aux critiques alertant sur la gravité de la situation économique, le gouvernement semble nier la situation en assurant que le pays est dans une meilleure position que beaucoup d’autres dans la région. A. K. Abdul Momen, ministre des Affaires étrangères du Bangladesh, a ainsi déclaré que les habitants « vivent au paradis » comparé à d’autres pays en cette période de récession mondiale. Le Bangladesh ne connaîtra pas le même sort que le Sri Lanka, a-t-il assuré.

Selon lui, le pays a suffisamment de réserves de change en dollars et pourra maintenir une certaine austérité tout en prévoyant de futures crises. Les commentaires du ministre ont été vivement critiqués sur les réseaux sociaux, beaucoup d’internautes estimant que ses propos sont « insensibles » et méprisant le sort de la population. Par la suite, Abdul Momen est revenu sur ses propos en expliquant qu’il ne fallait pas prendre le mot « paradis » au sens littéral. Il a ajouté que le sens de sa déclaration avait été « déformé », alors qu’il voulait dire que le Bangladesh était dans une bien meilleure situation que d’autres pays.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Stephan Uttom / Ucanews