Eglises d'Asie

La Ligue nationale pour la démocratie, le parti d’Aung San Suu Kyi, sort favori des élections législatives

Publié le 10/11/2020




Les deuxièmes élections générales libres depuis 2011, année de la dissolution de la junte birmane, ont eu lieu ce dimanche 8 novembre. Si la popularité de la conseillère d’État Aung San Suu Kyi assure avec certitude la victoire à son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), à l’heure du bilan, le pays reste en proie aux conflits ethniques. Par ailleurs, les militaires conservent une emprise importante sur sa politique, et deux confinements ont lourdement affecté les plus démunis. Dans ces conditions, l’enthousiasme que les Birmans vouent à celle qu’ils nomment La Dame pourrait perdre de son unanimité.

Le 8 novembre 2020, des électeurs birmans patientent devant un bureau de vote à Mandalay.

Près de 38 millions de citoyens birmans se sont rendus dans les bureaux de vote ce dimanche 8 novembre, à l’occasion des deuxièmes élections générales libres du pays. De nombreux partisans du parti au pouvoir, la Ligne nationale pour la démocratie (NLD), ont déjà célébré la victoire de la NLD, même si les résultats définitifs ne sont pas encore connus. Par ailleurs, en parallèle des élections, s’est également préparé l’incarcération d’Ashin Wirathu, le tristement célèbre moine bouddhiste nationaliste responsable de flambées de haines contre les Rohingyas. Après avoir incité ses fidèles à la persécution de la minorité musulmane, il avait été rejeté par la sangha (le clergé bouddhiste), et un mandat d’arrêt émis contre lui le 29 mai 2019. Tout en annonçant se rendre à la justice, Wirathu a tenté d’intervenir dans les élections, en accusant le parti dirigeant, la NLD d’Aung San Suu Kyi, de l’avoir « poussé dans cette situation », et en appelant à voter contre cette ligue « maléfique » et pour le parti nationaliste, l’USDP. Les nationalistes birmans voient l’armée comme l’institution gardienne de l’identité nationale bouddhiste et reprochent aux Occidentaux leur ingérence sur la répression des Rohingyas. Près de 90 partis politiques se sont présentés aux élections législatives nationales, afin de tenter de décrocher l’un des 1 171 sièges au sein des chambres basses et hautes du Parlement national et au sein des assemblées régionales et locales.

Certaines minorités exclues

Malgré la grande popularité d’Aung San Suu Kyi dans le pays, des critiques internationales et locales se sont élevées, notamment de la part de l’ONG Human Rights Watch et des dirigeants du Parti National Arakan, concernant les conditions électorales dans certaines circonscriptions, où l’on observe un fort soutien aux partis ethniques demandant plus d’autonomie locale. Dans ces régions exposées aux conflits internes, près d’1,5 million d’habitants sont exclus des élections, dont 1.1 million de Rohingyas qui n’ont pas accès à la citoyenneté et donc au droit de vote. Un homme Rohingya, réfugié au Bangladesh et interrogé par Reuters déplore le fait de « ne pas pouvoir voter ». « C’est comme si nous étions morts et sans importance », souligne-t-il. Le Parti National Arakan, en particulier, sera affecté par ces circonstances. D’après les chiffres de la commission électorale elle-même, près de 72.5 % des électeurs de l’État Rakhine n’ont pas pu se présenter. Cette situation risque d’entacher la crédibilité du processus de paix auprès des populations locales.

Cette deuxième élection générale depuis la fin de la dictature militaire devrait permettre de réélire Aung San Su Kyi, qui demeure extrêmement populaire malgré les critiques qui lui sont adressées à l’international. Khin Zaw Win, directeur de l’institut Tampadipa à Rangoon, déplore pourtant que depuis 2015, « le pluralisme, la liberté d’expression, l’égalité ethnique et la paix ont reculé d’un pas ». « L’excuse affirmant que le progrès démocratique est retenu par la présence des militaires en politique ne tient pas au-delà d’un certain point. La responsabilité principale repose sur la NLD et Aung San Suu Kyi », assure-t-il. Le gouvernement issu de ces élections, qu’il soit composé uniquement de la NLD ou que celle-ci soit contrainte à la coalition, devra en tout cas composer avec les intérêts de l’armée. Constitutionnellement, cette dernière détient le contrôle d’un quart des sièges des assemblées législatives et conserve jalousement son autonomie, représentée officieusement par le second parti du pays, l’USDP. Il est ainsi difficile de discerner les responsabilités respectives des militaires et du gouvernement civil dans la détérioration que dénonce Khin Zaw Win.

Crise économique et insécurité alimentaire

Tandis qu’une grande partie de la population s’est déplacée vers les bureaux de vote, de nombreux Birmans sont menacés par la précarité. Le 2 octobre dernier, les responsables du clergé catholique local se sont réunis sous la direction du cardinal Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun et président de la Conférence épiscopale birmane, pour faire le point sur les moyens de soutenir une population menacée par l’insécurité alimentaire. Dans un pays où 83 % des emplois sont estimés informels, le confinement et les mesures de restriction sur les déplacements mettent la population sous pression, alors que la situation sociale était déjà fragile avant la pandémie. Les paroisses sont mobilisées depuis mars sous la direction d’un Comité catholique national de coordination contre le Covid-19. D’après la Banque mondiale, si l’on a observé un rebond de l’économie locale entre mai et août dernier, la situation est alors encore fragile, avec près de 50 % des foyers exposés à l’insécurité alimentaire. On observe aussi des retours au travail infantile, qui pourraient faire reculer durablement le niveau éducatif. Ce sont autant de problèmes qui, non résolus, risquent d’accentuer les inégalités économiques dans le pays.

 

(EDA / Jacques Carrot)


CRÉDITS

Ucanews