Eglises d'Asie – Bangladesh
La minorité chrétienne bangladaise intimidée par les extrémistes islamistes
Publié le 15/05/2019
En janvier dernier, un groupe d’hommes masqués a arrêté et battu quelques villageois catholiques qui retournaient chez eux après s’être rendus à la messe, à environ 80 kilomètres à l’ouest de Dacca. L’une des victimes a été hospitalisée. L’homme est resté traumatisé par l’attaque, à tel point que quand il est sorti de l’hôpital, il s’est réfugié pendant un mois dans un centre d’accueil géré par l’Église, près de chez lui à Uthali, dans le district de Manikganj. Le père Thomas Corraya, qui a signalé l’attaque aux autorités, explique que les autres villageois avaient trop peur pour oser revenir à l’église, jusqu’à ce que la police soit envoyée dans le quartier assurer des rondes. « La situation est plus calme maintenant, et on nous a assuré la protection de la police », poursuit le curé de la paroisse, dont dépendent près de 600 catholiques d’Uthali. Pourtant, le prêtre reconnaît qu’il est toujours terrifié quand il se rend dans les villages alentour pour célébrer la liturgie, ne sachant pas s’il reviendra entier ou s’il reviendra tout court.
Douze nouveaux convertis
Toutes les victimes de l’attaque de janvier s’étaient récemment converties de l’islam au catholicisme. Certains avaient déjà reçu des menaces de mort de musulmans de la région, après que la communauté catholique locale avait accueilli les douze nouveaux convertis en novembre. Le père Corraya explique qu’Uthali est une zone sensible depuis longtemps, bien avant l’attaque en question. « Notre Constitution garantit la liberté de religion, et tous les citoyens sont libres de choisir la religion de leur choix », poursuit-il. « Le problème, c’est que le Bangladesh est un pays majoritairement musulman et quand des musulmans se convertissent à d’autres religions, c’est considéré comme une offense par certains. » Mizanur Rahman, chef du commissariat de police de Shibaloy, qui couvre la région d’Uthali, confie que son enquête n’a pas conclu que l’attaque avait été motivée par la conversion récente des victimes. « Cela dit, nous sommes prêts à venir en aide à la communauté chrétienne dans la région. La police a été déployée afin de sécuriser la paroisse et les chrétiens seront protégés. » La conversion à d’autres religions est légale dans le pays, et ce n’est pas quelque chose de nouveau dans cette région du monde, confie le père Albert T. Rozario, conseiller juridique de l’archidiocèse de Dacca, qui couvre la paroisse d’Uthali. « Autrefois, tous les habitants de cette terre étaient hindous, puis ils ont choisi d’autres religions, dont l’islam, le christianisme et le bouddhisme », explique-t-il. « Les gens sont libres de choisir et pratiquer leur foi, mais tout doit être fait correctement, en évitant le prosélytisme. » Le prêtre ajoute que quelques personnes se convertissent chaque année au catholicisme et que leur nombre reste stable d’année en année. « Nous ne l’encourageons pas, à moins que les gens ne nous le demandent et que l’on suive les procédures habituelles. » Les chrétiens représentent moins d’1 % de la population sur 160 millions d’habitants, soit 600 000 personnes. Les catholiques étaient environ 350 000 en 2017.
50 victimes du terrorisme dans le pays depuis 2013
À Uthali, le nombre de fidèles a augmenté ces dernières décennies avec l’arrivée de migrants et de nouveaux convertis de l’islam ou de l’hindouisme. Depuis 2013, les extrémistes ayant prêté allégeance à des organisations terroristes comme Al-Quaeda ou l’État islamique ont tué près de 50 personnes dans diverses régions du Bangladesh. Ils ont également envoyé des menaces de morts aux évêques et aux prêtres catholiques, ainsi qu’à d’autres responsables chrétiens et aux travailleurs humanitaires agissant dans le pays. En 2015, l’Église locale a dû transférer le père Dominic Rozario d’Uthali à Dacca, après qu’il a été attaqué de nuit par des hommes masqués. Leurs motivations restent inconnues, mais ce serait probablement les activités missionnaires du prêtre dans la région qui seraient en cause. En novembre 2015, un prêtre italien a également été tué par balle dans le nord du pays, la troisième attaque contre des étrangers en un mois. « Les communautés minoritaires sont toujours menacées par le groupe dominant », estime le père Albert Rozario. « C’est quelque chose que nous devons supporter. Nous restons vigilants et nous recherchons la protection des autorités quand nous en avons besoin. »
(Avec Ucanews, Dacca)
CRÉDITS
Chandan Robert Rebeiro / Ucanews