Eglises d'Asie

La nouvelle épidémie dans le nord de la Chine souligne le déficit de confiance des citoyens vis-à-vis du régime

Publié le 28/11/2023




Un rapport récent sur une « augmentation des maladies respiratoires et des cas de pneumonie chez les enfants » a suscité un sentiment général d’incertitude et de confusion parmi le public chinois. Alors qu’« aucun agent pathogène nouveau ou inhabituel » n’a été détecté selon les autorités, des familles pourtant éloignées de l’épicentre ont décidé de retirer leurs enfants de l’école. Leur décision ne serait pas liée à une menace immédiate mais à une méfiance profondément enracinée envers les informations du gouvernement.

L’approche centralisée chinoise permet une action rapide et décisive mais suscite aussi des préoccupations à cause du manque de freins et contrepoids.

Récemment, la multiplication des cas de pneumonie parmi les enfants dans le nord de la Chine a mis en lumière le manque de confiance existant entre la population chinoise et le gouvernement. Le 13 novembre, une recrudescence des maladies respiratoires, affectant en particulier les enfants, a été signalée par la Commission nationale de la santé.

La publication de ce rapport a fait écho à la pandémie de Covid-19 et suscité des inquiétudes sur les réseaux sociaux, vis-à-vis de l’émergence éventuelle d’un « nouveau virus ». En réponse à ces craintes, l’OMS (Organisation mondiale de la santé), qui avait précédemment critiqué Pékin pour son manque de transparence durant la crise sanitaire, a demandé au gouvernement chinois davantage d’informations.

En effet, le communiqué initial décrivait seulement une « augmentation récente des maladies respiratoires et des cas de pneumonie chez les enfants ». Les autorités ont attribué cette recrudescence à la levée des restrictions sanitaires et à la propagation d’agents pathogènes connus (grippe, mycoplasma pneumoniae, VRS…), en assurant qu’aucun « agent pathogène nouveau ou inhabituel » n’avait été détecté.

Pour les experts chinois, cette situation est liée à un « déficit immunitaire ». Ce déficit serait dû à une diminution des anticorps contre les pathogènes respiratoires au sein de la population générale. Bien que l’épidémie ait été enregistrée principalement à Pékin, elle affecte aussi la province de Liaoning, dans le Nord-Est, et d’autres régions du pays.

Une méfiance profondément enracinée envers les informations du gouvernement

Le public chinois a-t-il été convaincu par ces explications ? Alors que le monde est confronté aux problèmes posés par la propagation des maladies infectieuses, il devient impératif d’examiner la façon dont les différents systèmes politiques répondent aux crises, en particulier en termes de transparence, de sensibilisation du public et de contrôle gouvernemental. Durant les premiers stades de cette récente épidémie de pneumonie, les informations fiables étaient rares, ce qui a causé une confusion générale au sein de la population.

Le manque de transparence dans le passé récent et le contrôle strict des flux d’information de la part du régime autoritaire ont contribué à l’incertitude qui demeure face à cette situation. Contrairement aux démocraties libérales, où une presse libre et indépendante joue souvent un rôle crucial pour la diffusion de l’information, l’approche de la Chine face à l’épidémie souligne les limites d’un environnement médiatique trop rigide et contrôlé.

Ce qui frappe profondément, c’est d’entendre des gens, même résidant loin de l’épicentre de l’épidémie récente de pneumonie, parler de leur choix de retirer leurs enfants de l’école. Pour des parents chinois, retirer leurs enfants de l’école sans une alerte officielle est très rare. Leur décision n’est pas liée à une menace immédiate mais à une méfiance profondément enracinée envers les informations du gouvernement. Ce sont des familles chinoises aisées, éduquées, qui expriment leur scepticisme non seulement avec des mots mais par des actions tangibles.

Il est intéressant de noter que ce sont les mêmes individus qui recherchent souvent des opportunités d’investissement à l’étranger. Face à l’incertitude concernant les règles et les droits limités en Chine, ces citoyens chinois hésitent à investir à l’intérieur du pays. Ce comportement contraste nettement avec ce qui peut être observé au Japon et dans d’autres démocraties libérales. Même si le scepticisme existe aussi parmi le public japonais, les réactions tendent à être plus mesurées.

Le régime chinois exerce un contrôle strict sur les processus décisionnels

Dans les démocraties libérales, il existe un espace pour les informations critiques, ce qui favorise un équilibre entre la confiance vis-à-vis des autorités et le développement de la pensée critique. Ceci manque particulièrement en Chine, où il devient nécessaire de se tourner vers des médias basés à l’étranger afin d’accéder à des perspectives critiques ou à des opinions alternatives.

Cette forte disparité entre les systèmes politiques se révèle peut-être encore davantage dans des situations comme l’interdiction récente de la Chine sur les importations de produits de la mer japonais. Cette interdiction a été prise en réaction au déversement en mer des eaux usées de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima. Mais en visitant les quartiers populaires d’Osaka ou de Tokyo, on peut voir les restaurants remplis de touristes chinois se délectant de sushis – malgré les mises en garde de leur gouvernement.

Ce scénario illustre bien une différence significative dans la façon dont les citoyens des régimes autoritaires et ceux des démocraties libérales réagissent à l’information, et la façon dont ils font des choix selon leurs niveaux de confiance et leur accès à des perspectives critiques. Dans un régime autoritaire comme la Chine, on sait que le gouvernement exerce un contrôle strict sur les processus décisionnels.

Bien qu’on entende souvent, en particulier de la part des Chinois, que cette approche centralisée permet une action rapide et décisive, elle suscite aussi des préoccupations à cause du manque de freins et contrepoids. Dans les démocraties libérales, les prises de décision sont souvent plus décentralisées et impliquent de multiples intervenants et experts ainsi que la participation du public. Cela entraîne en effet un temps de réponse plus lent, mais cela assure aussi davantage d’autocritique et de transparence dans les processus décisionnels, ce qui favorise en fin de compte la confiance du public.

(Avec Ucanews / Cristian Martini Grimaldi)

Cristian Martini Grimaldi, un journaliste basé à Tokyo, écrit sur le Japon, la Corée et d’autres pays asiatiques. Il a travaillé pour L’Osservatore Romano, le quotidien du Vatican, durant plus d’une décennie.