Eglises d'Asie

La population bangladaise confrontée à la pire inflation depuis 11 ans

Publié le 18/05/2023




En janvier dernier, la population bangladaise a été confrontée à la pire inflation subie par le pays en 11 ans, selon l’Association des consommateurs du Bangladesh (CAB), qui a analysé les prix de plus de 200 produits alimentaires et non alimentaires. De plus, selon le professeur Mustafizur Rahman, membre du think-tank indépendant CPD (Center for Policy Dialogue), ces chiffres restent en dessous de la réalité. « L’inflation réelle ressentie par les plus pauvres est bien plus élevée que ce qui est décrit », affirme-t-il.

Une distribution de couvertures dans le nord du Bangladesh par la Caritas de Dinajpur, durant l’hiver 2023.

Cette année, plusieurs centaines de chrétiens bangladais de l’ethnie Santal ont fêté Pâques malgré la canicule et les coupures de courant, dans la région de Bagdafarm, dans le nord du pays. La communauté, majoritairement agricole, a perdu près de 30 % de ses récoltes de riz à cause de l’inflation, qui rend l’irrigation plus coûteuse et inabordable. La situation économique du pays d’Asie du Sud est attribuée aux conséquences de la pandémie et de la guerre en Ukraine. « Les pauvres traversent une période terrible et ils ont besoin d’aide d’urgence », signale Philemon Baske, un leader Santal dans le district de Gaibandha, qui couvre la région de Bagdafarm.

Selon la banque centrale bangladaise, la Bangladesh Bank, l’inflation a augmenté de 50 % en mars dernier par rapport à l’an dernier à la même période. En mars, l’inflation était de 9,33 % selon la banque centrale. Prosenjit Kora, âgé de 16 ans et membre de la communauté Kora (un petit groupe ethnique minoritaire basé dans deux villages du district de Dinajpur, dans le nord du pays), reste silencieux quand on lui demande ce qu’il a mangé à midi. Il finit par dire qu’il a pris du riz soufflé avec du curry d’aubergine. « Nous n’avions pas de riz ordinaire à manger, et le riz soufflé peut remplir l’estomac même en petite quantité », explique-t-il.

Le prix moyen du riz a augmenté de 25 % en deux ans

Selon des études, le prix moyen du riz a augmenté de 25 % au cours des deux dernières années ; cette année, il est devenu encore plus cher alors que les coûts de production ont augmenté d’environ 20 %. Les revenus les plus faibles, qui représentent environ un cinquième de la population, en subissent particulièrement les conséquences, aussi bien dans les régions urbaines que rurales.

Le think-tank indépendant CPD (Center for Policy Dialogue) a signalé en octobre 2022 que le coût moyen alimentaire d’une famille de quatre personnes à Dacca a augmenté de presque 22 % par rapport aux prix alimentaires de janvier 2019. C’est pourquoi la situation de 28 familles Kora à Dinajpur a empiré, beaucoup d’entre elles devant sauter les repas plus fréquemment et faire travailler les enfants pour soutenir leur famille. « J’ai arrêté d’aller à l’école il y a deux ans », confie Prosenjit, qui travaille dans les rizières et qui parcourt parfois jusqu’à 10 km à pied pour trouver du travail.

Les groupes ethniques Koras et Oraons sont parmi les plus démunis au Bangladesh. Les Koras étaient déjà en difficulté avant la pandémie, bien que leur situation ait rarement fait l’objet d’études économiques. Le reste de la population ne s’en sort pas beaucoup mieux, selon des études officielles et indépendantes. Le groupe SANEM (South Asian Network on Economic Modeling) a ainsi indiqué en mars dernier que 37 % des Bangladais les plus pauvres sont parfois forcés de sauter un repas, et que 90 % d’entre eux ont supprimé les protéines de leur alimentation. L’étude de SANEM constate également qu’ils ont dû réduire les dépenses éducatives et médicales, entre autres, face à l’inflation.

« L’inflation réelle ressentie est bien plus élevée »

En janvier, la population bangladaise a été confrontée à la pire inflation subie par le pays en 11 ans, selon l’Association des consommateurs du Bangladesh (CAB), qui a analysé les prix de plus de 200 produits alimentaires et non alimentaires. L’organisation a également signalé des hausses fréquentes des prix énergétiques, jusqu’à 50 %, ce qui a entraîné une hausse jusqu’à 20 % des prix alimentaires et non alimentaires à Dacca au cours du second semestre 2022.

Le professeur Mustafizur Rahman, membre du think-tank CPD, estime toutefois que ces chiffres sont en dessous de la réalité. « L’inflation réelle ressentie par les pauvres est bien plus élevée que ce qui est décrit », affirme-t-il. Selon lui, beaucoup de familles défavorisées ont perdu partiellement voire totalement leurs revenus après l’arrivée de la pandémie au Bangladesh en mars 2020, deux ans avant la guerre en Ukraine qui a également affecté les prix énergétiques et alimentaires. « Les gens ordinaires ignorent à quel point les communautés marginalisées ont été touchées par ces événements », ajoute-t-il.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Caritas Dinajpur / Ucanews