Eglises d'Asie

La télévision catholique pakistanaise lance la nouvelle édition du concours « Rising Stars »

Publié le 02/08/2019




Depuis 2010, la chaîne pakistanaise Catholic TV produit chaque année un concours de chant adressé aux jeunes chrétiens pakistanais âgés de 15 à 20 ans, afin de soutenir les artistes locaux et défendre les talents des jeunes issus des minorités religieuses. Cette année, la nouvelle saison est lancée avec une centaine de participants, qui se sont présentés aux premières auditions du 22 juillet, organisées dans l’archidiocèse de Lahore. La chaîne est diffusée dans les diocèses de Lahore, Hyderabad et Faisalabad. Depuis plusieurs décennies, les artistes pakistanais sont confrontés aux défis de l’islamisation et des rivalités indo-pakistanaises.

Simren Perwaiz, une jeune catholique de 18 ans de l’archidiocèse de Lahore, fait partie des premières sélectionnées lors des auditions du 22 juillet.

Le 22 juillet, près d’une centaine de jeunes chrétiens de l’archidiocèse de Lahore ont passé une audition au studio d’enregistrement du centre catéchétique de Dar ul-Kalam (Maison de la Parole), afin de participer à un concours de chant organisé par la chaîne de télévision catholique pakistanaise, Catholic TV. Parmi les participants, Simren Perwaiz, une jeune catholique de 18 ans qui apprend la guitare et le chant dans un conservatoire local. « J’étais profondément déprimée après la mort de mon père l’an dernier, mais la musique m’a guérie », explique-t-elle. « Même ma petite sœur, qui est infirmière, met ses chansons sur Youtube. Ma mère, qui travaille pour l’Armée du Salut, nous encourage à explorer nos talents. » Simren Perwaiz, la première à avoir été sélectionnée lors des auditions du 22 juillet, va désormais participer aux phases éliminatoires qui dureront jusqu’à Noël avec une diffusion spéciale. Le premier prix comprend 50 000 roupies (725 dollars). Le concours, appelé Rising Stars, a été lancé en 2010, devenant le premier talent show pakistanais pour les jeunes chrétiens âgés de 15 à 20 ans. La saison 2019 est lancée ce mois-ci sur Catholic TV, une chaîne disponible dans trois diocèses du pays : Lahore, Hyderabad et Faisalabad. La chaîne compte près d’un demi-million de téléspectateurs rien que dans la capitale du Pendjab, Lahore. La chaîne catholique diffuse ses programmes en continu et sur tous les sujets : homélies du dimanche, catéchisme, rencontre avec des personnalités chrétiennes, orientation professionnelle, questionnaires bibliques… Les programmes de musique gospel font également partie des diffusions phare de la chaîne depuis son lancement. Les Églises catholique et protestante gèrent actuellement 18 chaînes dans le pays. Le père Morris Jalal, qui a fondé Catholic TV Pakistan en 2009, a rejoint le comité de juges du concours durant les dernières éditions. « La première saison a lancé un concours de chants chrétiens similaire à American Idol. D’autres chaînes chrétiennes ont imité le même format. Cela nous a permis de lancer une nouvelle plateforme pour mettre en avant les talents des jeunes appartenant aux minorités religieuses », confie le prêtre capucin de 62 ans.

Islamisation et concurrence indienne

Le père Jalal explique que la production du concours n’a pas été sans difficultés. « Assurer tous les préparatifs en coulisses, contacter les bonnes personnes et rassembler les jeunes, tout cela a retardé la saison 2019 », confie-t-il. « Les revenus générés sont un autre défi, parce qu’aucune des chaînes chrétiennes du pays ne peut diffuser de publicité en raison de leur nature non commerciale. La première étape a été de développer la chaîne elle-même, parce que nous dépendons des dons des Églises locales. » Une décennie de talibanisation et d’extrémisme a également affecté l’industrie musicale et cinématographique du pays. Ainsi, de nombreuses célébrités, y compris des chanteurs et des joueurs de cricket, se sont transformées en prêcheurs religieux. La campagne des Talibans contre la musique et la culture a été particulièrement sévère dans le nord-ouest du Pakistan et dans les régions indigènes, où les militants ont attaqué des magasins de musique et des cinémas, menacé des musiciens et brûlé des CD et des cassettes audio. Les concerts en public ont également diminué avec la détérioration de la situation politique du pays. L’ancien chef militaire Zia-ul-Haq a lancé un programme d’islamisation dans les années 1980, en interdisant la musique pop, la danse et les divertissements considérés comme obscènes, y compris à la télévision, à la radio et dans les journaux. La Commission nationale pour la Justice et la Paix (NCJP), une organisation catholique pakistanaise de défense des droits de l’homme, explique qu’un célèbre chanteur chrétien, Arthur Nayyar, a été cambriolé et attaqué en 2006 ; ses attaquants lui ont demandé de réciter le Salama-Tayyaba, la profession de foi islamique.

Les rivalités avec l’Inde ont également limité le potentiel des artistes pakistanais. La relation entre la majorité hindoue en Inde et la majorité musulmane au Pakistan est restée conflictuelle au cours des sept dernières décennies, depuis la séparation des deux pays en 1947, quand Mohammad Ali Jinnah a défendu la création d’un État séparé pour les musulmans de l’Inde britannique. Il y a seulement cinq mois, la société de production indienne T-Series a retiré tous les titres des artistes pakistanais de sa chaîne Youtube, après l’attentat suicide survenu le 14 février contre des troupes militaires indiennes dans le district de Pulwama, dans l’État de Jammu-et-Cachemire. De son côté, l’Église catholique au Pakistan continue de soutenir les artistes. Ainsi, de nombreux chœurs paroissiaux ont produit des groupes et des musiciens connus, et certains prêtres ont également dirigé des conservatoires dans des quartiers chrétiens. Le studio Wave (Workshop audio visual education), le seul studio de production catholique au Pakistan, produit encore trois albums par an. « Les chanteurs traditionnels sont particulièrement demandés pour l’album consacré au pèlerinage annuel au sanctuaire marial national du village de Mariamabad », confie Francis Xavier, community manager du studio. « Nous recrutons des paroliers, des compositeurs et des musiciens pour nos albums de Pâques et de Noël. Ainsi, non seulement nous encourageons les artistes, mais nous contribuons aussi à l’harmonie interreligieuse, parce que la plupart d’entre eux sont musulmans. » Le père Jalal prévoit aussi de former les gagnants des auditions de Rising Stars. « Nous avons engagé un professeur de musique renommé afin de les accompagner », explique-t-il. « La formation sera gratuite pour eux. Les titres des dix meilleurs seront diffusés dans un album qui sera lancé à Noël, afin de les faire connaître. Les derniers gagnants ont pu se lancer avec succès dans l’industrie musicale et cinématographique locale. »

(Avec Ucanews, Lahore)


CRÉDITS

Kamran Chaudhry / Ucanews