Eglises d'Asie

Lahore : des manifestants chrétiens demandent une réforme électorale au Pakistan

Publié le 18/01/2022




Le 14 janvier, près de 300 chrétiens de Lahore ont manifesté devant l’Assemblée du Pendjab afin de demander le vote direct de leurs représentants au sein du parlement. Ils ont également appelé à réserver des circonscriptions aux minorités. D’autres représentants des minorités, dont Peter Jacobs, directeur du Centre pour la justice sociale, dirigé par l’Église catholique locale, soutiennent le système électoral actuel. Aujourd’hui, les minorités comptent 3,63 millions d’électeurs, soit 3,5 % des 118 millions d’électeurs inscrits sur les listes pakistanaises.

Le 14 janvier, lors d’une manifestation organisée devant l’Assemblée du Pendjab, à Lahore.

Les chrétiens pakistanais, à l’approche des élections de 2023, demandent le vote direct ainsi que des circonscriptions électorales réservées aux minorités religieuses, afin d’améliorer la présence politique des chrétiens et des hindous dans le pays majoritairement musulman. Le 14 janvier, près de 300 chrétiens ont participé à une manifestation devant l’Assemblée du Pendjab à Lahore, afin de demander des réformes du système électoral actuel, qui permet aux parlementaires élus de sélectionner des représentants des minorités religieuses. « Nous rejetons le système de sélection actuel », ont clamé les manifestants.

Le système actuel permet aux chrétiens et aux hindous d’élire des représentants locaux. Mais parmi ces représentants, les partis politiques islamiques sélectionnent des parlementaires issus des minorités selon la proportion de sièges remportés lors des élections, et les partis qui obtiennent moins de 5 % des sièges n’ont pas ce droit. « Ce système est une forme de génocide politique des minorités. Notre communauté a été condamnée à une vie d’esclavage », déplore Samson Salamat, président du parti Rwadari Tehreek, qui a organisé la manifestation.

Selon lui, le système électoral actuel néglige les chrétiens sur le plan politique et social. Il estime que les représentants chrétiens choisis par les principaux partis politiques musulmans sont incapables de défendre et protéger les intérêts de la communauté. « Des chrétiens sont tués à cause de fausses accusations de blasphème, mais nos soi-disant représentants pensent que nous sommes au paradis. Ils deviennent naïfs quand il s’agit de souligner nos souffrances comme les conversions forcées », affirme-t-il. « Par ailleurs, des publicités du gouvernement continuent de réserver des emplois de balayeurs aux chrétiens. Malgré plusieurs mandats, les législateurs chrétiens ne sont pas parvenus à changer ces problèmes, ni à soutenir nos jeunes sur le plan sociétal et politique. »

Dix sièges alloués aux minorités au sein du parlement

Les manifestants ont notamment demandé des circonscriptions électorales réservées aux chrétiens et aux hindous dans les zones où ils sont majoritaires, en n’autorisant que des candidats issus de ces minorités religieuses pour ces sièges. « Cela permettrait aux minorités religieuses d’élire leurs propres représentants, plutôt que de laisser les partis dominants choisir nos représentants », soutient Samson Salamat. Ils ont également demandé d’augmenter le nombre de sièges réservés aux minorités de 10 à 14, au sein de l’assemblée nationale pakistanaise de 342 sièges. Le parlement actuel ne compte que quatre chrétiens et six hindous.

En 1985, quand dix sièges ont été alloués aux minorités religieuses, le parlement national ne comptait que 210 sièges, ce qui veut dire que les minorités religieuses bénéficiaient de près de 5 % de l’ensemble des sièges. La situation démographique du Pakistan a changé au cours des quatre dernières décennies, et en 2008, le parlement est passé à 342 sièges. Afin de maintenir une proportion de 5 %, il faudrait donc même réserver au moins 17 sièges aux minorités pakistanaises, mais le nombre de sièges réservés n’a pas été modifié.

3,5 % d’électeurs issus des minorités

Aujourd’hui, les minorités comptent 3,63 millions d’électeurs dans le pays, soit 3,5 % environ sur 118 millions d’électeurs inscrits sur les listes électorales pakistanaises. Les représentants des minorités comme Samson Salamat concluent donc que pour respecter ce pourcentage, il faudrait réserver 12 sièges, soit 3,5 % des sièges élus au parlement. De son côté, Peter Jacobs, directeur du Centre pour la justice sociale de Lahore, dirigé par l’Église catholique locale, soutient le système actuel. « La question principale est de lutter contre la ségrégation et la discrimination au nom de la religion », confie-t-il.

Il estime que plusieurs personnalités politiques chrétiennes reconnues dans le pays ont été élues sous le système actuel, dont Shahbaz Bhatti, catholique et ministre fédéral pour les minorités. Il ajoute que si les sièges réservés sont augmentés selon les résultats du recensement national, les hindous devraient alors obtenir davantage de sièges puisqu’ils forment la minorité la plus nombreuse aujourd’hui. Mais une telle augmentation pourrait être mal accueillie par les chrétiens, estime-t-il. « La représentation sur la base de la religion est une erreur », poursuit-il.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Kamran Chaudhry / Ucanews