Eglises d'Asie

Le cardinal Bo prend la parole contre le barrage de Myitsone

Publié le 31/01/2019




La visite, en décembre, d’un diplomate chinois dans l’État Kachin, dans le nord de la Birmanie, a suscité de nouvelles inquiétudes dans le pays à propos du barrage de Myitsone qui s’était arrêté en septembre 2011. Le projet de barrage sur le fleuve Irrawaddy, qui s’élève à 3,8 milliards de dollars, est parrainé par Pékin et devrait surtout profiter à la Chine. Dans un communiqué publié le 28 janvier, Mgr Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun, élève la voix contre le projet qu’il qualifie de « catastrophe environnementale », destructrice pour des millions de Birmans à travers le pays.

Le cardinal Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun, a appelé toutes les parties prenantes du projet de barrage de Myitsone, parrainé par la Chine, à s’arrêter afin d’éviter une « catastrophe environnementale » et une « condamnation à mort » pour la population birmane. « La triste perspective de la perte du travail de millions de paysans est un cauchemar qui risque de devenir une réalité, ainsi que la destruction des sites sacrés le long de la rivière, et la mort de la faune et de la flore dans la région », a-t-il déclaré dans un communiqué de presse publié le 28 janvier. Le cardinal Bo affirme que le projet de barrage, s’il aboutit, affectera durablement la paix dans le pays et la vie des Birmans. « Le barrage de Myitsone est une condamnation à mort pour les Birmans. Pour un avenir de paix, il doit être arrêté. Face à la triste perspective de perdre notre mère Irrawaddy à cause de la cupidité d’une superpuissance, chaque citoyen birman en appelle à toutes les personnes de bonne volonté de venir soutenir les pauvres de notre pays », a poursuivi l’archevêque de Rangoun. « Pour nous, l’Irrawaddy n’est pas juste une rivière ; ce n’est pas une chose qui peut être exploitée. C’est le patrimoine sacré de tout le peuple birman. L’histoire du fleuve est inséparable de l’histoire de la Birmanie. Comme un joyau pour notre pays, l’Irrawady traverse toute la Birmanie sur des milliers de kilomètres. C’est le témoin de nos peines, de nos joies et de notre histoire blessée. C’est notre espérance, notre destinée. »

« Sauvez l’Irrawaddy »

Le projet de barrage 3,8 milliards de dollars sur l’Irrawaddy, le fleuve principal du pays, est destiné à produire de l’électricité qui profiterait principalement à la Chine. Jusqu’en 2010, la construction du barrage a forcé plus de 3 000 personnes à être relogées dans des villages nouvellement construits. En septembre 2011, le gouvernement de l’époque, dirigé par le président Thein Sein, avait décidé d’arrêter la construction du barrage. Depuis, la Chine a demandé à de nombreuses reprises de relancer les travaux. Le cardinal Bo, 70 ans, confie : « Les grandes puissances veulent tout exploiter dans notre pays. Durant des décennies, elles ont abusé de leurs positions stratégiques pour menacer la Birmanie. Dans les États du nord du pays, ils ont mis nos filles et nos femmes en esclavage à travers la traite des personnes. » Le cardinal s’est adressé aux soutiens du barrage en affirmant qu’ils sont comparables et des fils et à des filles qui vendraient leurs parents pour de l’argent. « L’Histoire n’oubliera jamais ceux qui auront vendu notre mère Irrawaddy », a-t-il déclaré. Mgr Bo a demandé à tous les acteurs du projet de s’arrêter en appelant la population birmane à s’unir.

C’est la visite, en décembre, de l’ambassadeur chinois Hong Liang dans l’État Kachin, qui a suscité de nouvelles inquiétudes à propos du barrage. Le diplomate y a rencontré plusieurs partis politiques et organisations. Deux semaines après la rencontre, l’ambassadeur chinois à Rangoun a publié une déclaration affirmant que la communauté locale Kachin n’était pas contre le projet, mais que celui-ci était uniquement critiqué par quelques individus et organisations étrangères. Pourtant, trois partis politiques du Kachin ont nié les affirmations de l’ambassadeur. Un groupe de villageois déplacés se faisant appeler « Mungchying Rawt Jat » a publié un communiqué le 24 janvier, afin de demander au gouvernement de s’assurer que le projet de barrage de Myitsone serait définitivement suspendu et que les villageois affectés recevraient une compensation. Le 27 janvier, près de 200 personnes ont manifesté dans les rues de Rangoun en tenant des affiches portant des slogans contre le projet : « Sauvez l’Irrawaddy », « Protégez l’Irrawaddy » ou encore « Toute la nation s’oppose au barrage de Myitsone ».

(Avec Ucanews, Rangoun)


CRÉDITS

Cory Wright / Ucanews