Eglises d'Asie

Le cinéma hongkongais, autrefois reconnu, victime d’une nouvelle loi répressive sur la censure

Publié le 25/09/2021




Le cinéma hongkongais, autrefois mondialement reconnu, parfois surnommé le « Hollywood de l’extrême orient », possède sa propre « Avenue des Stars » sur le front de mer, au bord de la baie de Hong-Kong. Pourtant, une nouvelle loi sur la censure menace l’industrie cinématographique locale en décidant des films qui violent ou non la loi sur la sécurité nationale à Hong-Kong, alors que les autorités chinoises continuent de poursuivre et censurer toute voix dissidente, y compris dans la sphère culturelle.

Une statue de bronze symbolisant le cinéma hongkongais, sur l’Avenue des Stars de Hong-Kong (sur le front de mer entre Victoria Harbour et Tsim Sha Tsui).

Autrefois mondialement renommé, le cinéma hongkongais était déjà en difficulté avant les récentes mesures répressives mises en œuvre par la Chine à Hong-Kong, alors que les autorités chinoises continuent de poursuivre et censurer toute voix dissidente, y compris dans la sphère culturelle. La réalisatrice Mok Kwan-ling s’est sentie abattue en ouvrant un email du comité en charge de la censure. Mis en place en juin dernier, ce dernier contrôle tous les films et annonce ceux qui sont interdits car jugés contraires à la loi sur la sécurité nationale à Hong-Kong. Mok Kwan-ling est parmi les premiers de l’industrie cinématographique locale à avoir été victimes de ces mesures. Durant des mois, elle préparait le lancement d’un court-métrage de 27 minutes, inspiré de nombreux jeunes couples rencontrés durant les manifestations prodémocratie massives il y a deux ans. Le film raconte l’histoire d’une jeune femme rencontrant les parents de son petit ami, arrêté pour avoir participé au mouvement et soutenu par son père.

Le titre du film, Zap Uk, (littéralement « Nettoyer la maison ») évoque la façon dont les proches de personnes arrêtées se débarrassent de tout objet compromettant. Mais Mok explique que le comité de censure n’était pas satisfait et lui avait demandé 14 coupes. Parmi les changements, ils lui demandaient de retirer une phrase dite par le père désignant son fils comme un soignant volontaire qui « n’était là que pour sauver des gens ». Elle devait également changer le nom du film et signaler des contenus offensants. « Je pensais que l’histoire était plutôt équilibrée et présentait des échos des deux parties », regrette Mok. « Il semble que finalement, il n’y ait qu’un seul côté qui soit autorisé et qui puisse être entendu. » Elle explique que les coupures auraient privé son film de son essence, d’où sa décision de repousser sa sortie pour l’instant. « Mon film est le premier à être victime de cela, mais ce ne sera pas le dernier », signale-t-elle.

Fin de l’âge d’or du cinéma cantonais

Dans les années 1980 et 1990, Hong-Kong était connu comme le « Hollywood de l’extrême orient », avec des stars mondialement reconnues comme Chow Yun-fat (Anna et le Roi, Tigre et Dragon) et des réalisateurs comme Wong Kar-wai. L’âge d’or du cinéma cantonais a été éclipsé depuis longtemps par l’essor des films sud-coréens et chinois. Pourtant, la ville avait maintenu un cinéma indépendant soutenu par des lois sur la liberté d’expression autorisant les réalisateurs à aborder des sujets qui auraient été impossibles à traiter en Chine continentale. Mais ce temps-là est fini, alors que la Chine accélère sa refonte de Hong-Kong à sa propre image après les manifestations pro-démocratie d’il y a deux ans – et les films hongkongais ne sont qu’une des dernières cibles d’une longue liste dressée par les autorités. En plus des nouvelles mesures répressives, une nouvelle loi est prévue afin de renforcer la censure des films hongkongais ainsi que les sanctions en cas d’entorse.

« Je devrai me contenter de le présenter en dehors de Hong-Kong »

Kiwi Chow est l’un des cinq réalisateurs ayant contribué aux courts-métrages Sap Nin (Dix ans). Le film, sorti en 2015, présente un Hong-Kong dystopique en 2025, où habitants et militants sont soumis à de sévères lois répressives. En plus d’être visionnaire, le film a été un succès commercial et a même remporté le prix du meilleur film lors de la cérémonie annuelle des Hong-Kong Film Awards. Mais une telle production ne pourrait probablement pas voir le jour aujourd’hui. « Ils essaient de réprimer même notre mémoire et notre imagination », dénonce Chow, dont le dernier projet est Révolution de Notre Temps, un documentaire de deux heures et demie sur les manifestations de 2019. Les organisateurs l’ont discrètement ajouté lors du festival de Cannes cet été – seulement après la présentation des films de Chine continentale. Mais Chow a déjà renoncé à l’idée de le diffuser à Hong-Kong.

« Si c’est dangereux et risqué pour les réalisateurs d’aborder les questions sociales, alors je devrai me contenter de le présenter en dehors de Hong-Kong. » Les craintes des foudres de Pékin entraînent l’autocensure depuis longtemps à Hong-Kong, mais désormais, ceux qui osent élever la voix sont même blacklistés à Hong-Kong. Ainsi, une chanteuse locale prodémocratie, Denise Ho, a dû renoncer à un concert ce mois-ci parce que la salle qui devait accueillir l’événement a annulé au dernier moment, en évoquant des raisons « sécuritaires ». Mais selon Kiwi Cho, la censure est une preuve de faiblesse et ne parviendra pas à étouffer complètement le désir des Hong-kongais d’affirmer leur vision pour la ville de Hong-Kong. « Plus on censure au nom de la sécurité nationale, moins l’État sera sûr », estime-t-il.

(Avec Ucanews)