Eglises d'Asie – Bangladesh
Le confinement perturbe l’éducation bangladaise dans les régions rurales, faute d’accès aux cours en ligne
Publié le 13/05/2020
Samuel Hasdak, un catholique de l’ethnie Santhal, âgé de 15 ans et élève de seconde, est plein d’angoisse et d’inquiétude quant à ses perspectives d’éducation et d’études. Ce lycéen de la région de Ghoraghat, dans le district de Dinajpur, au nord du Bangladesh, est scolarisé au lycée catholique Jean-Marie Vianney. Depuis le 17 mars, quand le gouvernement a décidé la fermeture de tous les établissements scolaires, il n’a pas pu se rendre en cours. Dans une nouvelle annonce, les autorités ont déclaré que si la situation ne s’améliore pas, les écoles bangladaises pourraient rester fermées jusqu’en septembre. « Après les écoles, les internats ont eux aussi été fermés, donc je suis rentré chez moi. J’ai essayé d’étudier par moi-même, mais ce n’est pas évident », explique Samuel. Il a certes appris, grâce à un enseignant, que le gouvernement avait lancé des cours en ligne ; mais il ne peut les suivre, sa famille ne possédant ni télévision, ni smartphone, ni accès à Internet. « Je pourrais garder le niveau si je pouvais suivre les cours en ligne, mais ce n’est pas possible. Dieu seul sait ce qui va nous arriver si cela continue comme ça. » Sumon Roy, un hindou de 14 ans, en 3e au lycée Lalon, dans le district de Kushtia, tente lui aussi de rattraper le temps perdu durant le confinement. Comme Samuel, il est resté chez lui depuis le 17 mars, et sa famille ne possède pas non plus d’accès à Internet ou de télévision. Tous les jours, il fait plus d’1 km à pied pour pouvoir suivre les cours en ligne. « Mais je ne peux pas suivre tous les cours, et j’en ai déjà manqué près de la moitié. J’ai obtenu de très bons résultats l’an dernier, mais je ne suis pas sûr de pouvoir faire aussi bien cette année », regrette-t-il. Comme Samuel et Sumon, plusieurs dizaines de milliers d’élèves des régions rurales et reculées du pays sont fortement affectés dans leurs études par la situation actuelle. Le gouvernement a organisé des cours qui sont diffusés à la télévision du matin au soir sur Parliament TV, tandis que de nombreux établissements publics donnent des cours en ligne. Mais les familles démunies des régions rurales ne peuvent en profiter, faute de moyens.
Difficultés d’accès aux cours en ligne
Le frère Ranjan Purification, de la congrégation de la Sainte-Croix, directeur du lycée Sainte-Marie d’Alikadam, dans le district montagneux et forestier de Bandanban, est également angoissé à propos de ses 364 élèves. « Il n’y a pas d’électricité dans la plupart des maisons des collines, donc ils ne peuvent accéder ni aux cours en ligne, ni aux programmes éducatifs télévisés. J’ai conseillé à nos enseignants de suivre les cours et de prendre des notes pour soutenir les élèves. Faute d’ordinateurs ou de smartphones, ils le font au campus du lycée. » Les élèves de son établissement qui sont censés passer les examens de fin d’année, quant à eux, sont particulièrement inquiets, confie le religieux. « Ils auront peu de temps pour se préparer, et si le gouvernement décide d’alléger le programme, ce sera au détriment des élèves. Nous avons décidé qu’à la réouverture des écoles, les cours auront lieu tous les jours de la semaine pour rattraper le temps perdu », ajoute-t-il. De son côté, Soma Rani Barua, membre du ministère de l’Éducation, basée à Bandardan, reconnaît les difficultés d’accès aux cours en ligne et télévisés. « Les cours sont utiles, mais ils ne sont pas accessibles pour tous, et les étudiants ne peuvent pas poser de questions en cas d’incompréhension. Nous avons demandé aux enseignants de télécharger les cours et de les utiliser quand ils le peuvent », explique-t-elle. Il a également été demandé aux établissements scolaires d’éviter d’organiser des examens dès la réouverture des écoles, pour permettre aux élèves de se préparer suffisamment. La situation est encore pire pour certains établissements. Le lycée catholique Saint François Xavier, dans le district de Pabna, a décidé de rattraper tous les cours manqués l’année prochaine, et de diminuer de moitié le salaire des enseignants pour le reste de l’année. « Nous avons pris cette décision après une rencontre entre les enseignants et la commission scolaire. Les enseignants expliquent qu’ils ne pourront pas rattraper le temps perdu si les cours ne reprennent qu’en septembre », a confié un responsable.
« Nous restons en lien »
Selon le ministère de l’Éducation, le Bangladesh compte près de 10,75 millions d’élèves en primaire et au collège, et 10,5 millions de lycéens. La majorité d’entre eux habitent dans les régions rurales, qui représentent près de 80 % du pays, majoritairement musulman et agricole. Un quart des élèves viennent de milieux particulièrement démunis. Le gouvernement a pu enregistrer 200 cours destinés aux lycéens, et 100 cours pour les élèves du primaire et du collège, grâce à l’investissement d’enseignants de Dacca, et le programme doit être étendu, explique Probir Kumar Bhattacharya, directeur général du ministère pour l’enseignement secondaire et supérieur. « Nous savons qu’environ 15 % des élèves ne peuvent suivre les cours, et nous réfléchissons aux moyens de les aider », explique-t-il. De leur côté, les établissements scolaires catholiques suivent les instructions du gouvernement, qui appelle les enseignants à rester en lien avec les élèves durant le confinement, assure Jyoti F. Gomes, secrétaire de l’enseignement catholique national (Bangladesh education board). « Tous les établissements scolaires sont fermés, mais nous restons en lien avec les enseignants ; et ceux qui le peuvent ont commencé des cours en ligne pour les élèves. Comme beaucoup d’élèves n’ont pas accès aux cours en ligne ou télévisés, les enseignants les encouragent à suivre les cours avec d’autres élèves qui y ont accès », ajoute-t-il. Il estime également que le gouvernement peut décider de rouvrir les écoles dans les zones peu exposées au virus, avec des mesures sanitaires strictes. « Ce sera une année difficile pour l’éducation, et cela demandera beaucoup d’efforts, avec des cours supplémentaires organisés les week-ends et durant les vacances pour pouvoir rattraper les cours manqués », précise-t-il.
(Avec Ucanews, Dacca)
CRÉDITS
Stephan Uttom / Ucanews