Eglises d'Asie

Le festival de Kachchathivu, un lieu d’unité pour les pêcheurs indiens et sri-lankais

Publié le 22/03/2019




Les 15 et 16 mars, plus de 6 500 Sri-Lankais et 2 100 Indiens ont participé au festival annuel du sanctuaire Saint-Antoine de Padoue de l’île de Kachchathivu, dans le détroit de Palk. La petite île, autrefois utilisée par les pêcheurs indiens pour sécher leurs filets, est située sur la frontière maritime entre l’Inde et le Sri Lanka. Pour les pêcheurs des deux pays et pour les communautés cingalaises et tamoules, c’est une occasion rare de se retrouver et de prier ensemble, malgré les tensions qui persistent depuis la guerre civile qui a pris fin en 2009. L’île de Kachchathivu a été cédée par l’Inde au Sri Lanka en 1974 lors d’un accord maritime.

Plus de 6 500 Sri-Lankais et 2 100 Indiens se sont rassemblés pour célébrer la fête de saint Antoine de Padoue, les 15 et 16 mars sur l’île de Kachchathivu, alors que beaucoup de Sri-Lankais profitent de l’occasion pour prier pour la réconciliation nationale du Sri Lanka. Cette île sri-lankaise inhabitée accueille chaque année ce pèlerinage, qui donne aux Tamouls et aux Cingalais une rare occasion de se mélanger après des années de guerre civile. L’événement rassemble également les communautés de pêcheurs des deux pays. Cela leur permet de resserrer des liens qui avaient été presque anéantis en 2017 après la mort d’un pêcheur indien, tué par la Marine sri-lankaise. Cette année-là, beaucoup de pêcheurs indiens avaient boycotté la fête de Kachchathivu. « Ces tensions ont entraîné de graves problèmes pour les deux gouvernements et pour leurs forces maritimes », confie Joseph Manuel, un catholique tamoul sri-lankais qui participe à la fête depuis des années. Il explique que les pêcheurs indiens utilisent davantage de techniques de pêche modernes près de la frontière entre les deux pays, où les pêcheurs sri-lankais se plaignent de leur retard qui les place dans une situation injuste. Officiellement, selon l’accord sur les frontières maritimes de 1976, les indiens ne peuvent pas pêcher dans les eaux territoriales sri-lankaises. Pourtant, les experts affirment que cela n’empêche pas un grand nombre d’entre eux d’exploiter les eaux sri-lankaises. Face à cette situation, la Marine sri-lankaise est chargée d’organiser et de superviser le festival annuel de l’île Kachchathivu, que l’Inde a cédée au Sri Lanka en 1974 lors d’un accord maritime.

« C’est notre seule opportunité de prier ensemble »

La Marine fournit les repas, l’accès à l’eau potable et les installations sanitaires nécessaires à l’organisation du festival. Les organisateurs installent également des pontons temporaires pour les bateaux, et des équipes médicales sont déployées. Pour Mary Nileeshia, qui enseigne dans une école du dimanche de Negombo, le festival annuel de Kachchathivu est une expérience magique qui rassemble des gens qui, quelques années plus tôt, étaient dans les camps opposés d’une guerre civile. « C’est notre seule opportunité de prier avec des personnes d’un autre pays, et avec des groupes d’autres origines ethniques de notre pays », explique-t-elle. « Cette année, nous avons prié pour la réconciliation nationale. » Le Sri-Lanka souffre encore de la guerre civile de 26 ans qui a pris fin il y a dix ans, quand les militaires ont réprimé la dernière résistance des Tigres tamouls, un mouvement de guérilla qui se battait pour l’indépendance. Avant le déclenchement du conflit en 1983, les pêcheurs et les femmes des deux pays avaient l’habitude de se rencontrer régulièrement, mais durant la guerre, ils n’ont pas pu visiter l’île et le sanctuaire. « Des pèlerins indiens viennent ici pour la fête de saint Antoine depuis que le sanctuaire a été fondé en 1905. Ils viennent à la messe et dorment à la belle étoile », confie Mary Nileeshia. Une bouddhiste du sud du Sri Lanka, qui est venue avec quelques amis. « La Marine s’occupe de tout. Ils prennent en charge la sécurité et tout ce dont nous avons besoin », ajoute-t-elle.

La Marine sri-lankaise a également investi 10 millions de roupies en 2016 afin de commencer la construction d’une deuxième église catholique sur cette petite île du détroit de Palk, qui était utilisée autrefois par les pêcheurs indiens pour sécher leurs filets. Le sanctuaire est dédié à saint Antoine de Padoue, que les pêcheurs catholiques considèrent comme un protecteur. La Marine sri-lankaise accorde une exemption de visa aux visiteurs indiens pour un séjour de 24 heures sur l’île. Il leur faut environ deux heures pour rejoindre l’île, dans le diocèse de Jaffna, depuis Rameswaram, une ville de l’île de Pamban, dans le sud-est de l’État indien du Tamil Nadu. Cette année, la messe était célébrée par le père Joseph Lurduraj, un prêtre indien, par Mgr Justin Gnanapragasam, évêque de Jaffna, et par plusieurs autres prêtres. Joseph Manuel décrit le sanctuaire Saint-Antoine comme un lieu unique, parce qu’il se trouve sur une frontière maritime entre le Sri Lanka et l’Inde. « Les pèlerins indiens sont assez courageux pour entreprendre la traversée jusqu’à Rameswaram, qui n’est pas sans risques », ajoute Joseph. « Et pourtant, ils viennent parce qu’ils ont une grande dévotion pour saint Antoine, tout comme nous. »

(Avec Ucanews, Colombo)


CRÉDITS

Ucanews