Eglises d'Asie – Bangladesh
Le gouvernement Bangladais autorise officiellement la scolarisation des enfants rohingyas réfugiés
Publié le 30/01/2020
Le gouvernement bangladais a décidé d’autoriser officiellement l’éducation des enfants rohingyas vivant dans les camps de réfugiés – une décision vivement saluée par les réfugiés, par les organisations caritatives et les militants pour la défense des droits de l’homme. « Nous ne voulons pas qu’il y ait une génération perdue pour les Rohingyas. Nous voulons qu’ils puissent avoir une éducation. Ils suivront le programme birman », a déclaré A. K. Abdul Momen, ministre des Affaires étrangères du Bangladesh, le 28 janvier. La décision a été annoncée lors d’une rencontre d’un groupe de travail nommé par l’État (NCTC, National children’s task force). Le gouvernement bangladais et l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance) se sont associés pour définir un programme et un projet pilote pour l’éducation de quelque 10 000 enfants, qui devraient être lancés bientôt. Les enfants concernés pourront recevoir une éducation jusqu’à l’âge de 14 ans, puis ils pourront bénéficier d’une formation et d’une orientation professionnelles. Cette initiative, qui indique un changement de cap pour la Ligue Awami au pouvoir et le gouvernement de la Première ministre Sheikh Hasina, devrait avoir un impact considérable sur les dizaines de milliers d’enfants rohingyas des camps du district de Cox’s Bazar, dans le sud-ouest du Bangladesh. Auparavant, les autorités avaient interdit toute éducation officielle pour les enfants vivant dans les camps, tout en excluant plusieurs dizaines d’enfants rohingyas inscrits dans des écoles locales. Près d’un million de musulmans rohingyas, dont près de 50 % d’enfants, vivent dans les camps de Cox’s Bazar, surpeuplés et insalubres. La plupart d’entre eux ont fui les violences et la répression militaire dans l’État d’Arakan (Rakhine), en Birmanie en 2016 et 2017. En l’absence de scolarisation formelle, de nombreux enfants ont reçu une éducation basique offerte par l’Unicef et d’autres organisations humanitaires dans des espaces adaptés, installés dans les camps. Beaucoup d’autres ont rejoint des écoles coraniques (madrasas) dirigées par des groupes islamiques, entraînant la crainte d’une radicalisation.
Éviter une génération perdue
Abdur Rahim, âgé de 50 ans, rohingya et père de quatre enfants, vit dans le camp de Kutupalong. Il se réjouit de la décision du gouvernement bangladais. « Nous sommes très heureux d’apprendre que le gouvernement a autorisé la scolarisation officielle de nos enfants. Nous l’avons demandé sans succès pendant longtemps, c’est pourquoi beaucoup n’ont pu recevoir une éducation que grâce à l’aide de centres dirigés par les ONG » explique Abdur Rahim, membre de l’ARSPH, une organisation de défense des droits des Rohingyas se déclarant représentative des personnes réfugiées au Bangladesh. Abdur Rahim, qui était lui-même enseignant au lycée dans sa ville de Buthidaung, dans l’État d’Arakan, a dû fuir la Birmanie fin août 2017 pour échapper aux violences militaires. Aujourd’hui, il est installé au camp de Kutupalong avec sa femme et ses quatre enfants (un fils et trois filles, âgés de 8 à 18 ans). Son fils avait achevé sa première année de lycée quand ils ont quitté la Birmanie. « J’espère que la nouvelle génération, nos fils et nos filles, pourront recevoir une bonne éducation pour un meilleur avenir. Nous sommes reconnaissants envers le Bangladesh et les groupes humanitaires, qui permettent d’éviter toute une génération perdue », ajoute-t-il. James Gomes, directeur régional de la Caritas de Chittagong, qui intervient dans les camps rohingyas de Cox’s Bazar, se réjouit également de la nouvelle. « C’est une grande décision. L’éducation des enfants rohingyas était un problème particulièrement urgent, et nous nous réjouissons que le gouvernement ait finalement pris une décision positive qui permettra de combler ce qui manquait », explique-t-il. Il ajoute que Caritas le demandait depuis plusieurs années. L’organisation catholique, comme l’Unicef et d’autres ONG, a créé des espaces dans les camps pour offrir une éducation basique aux enfants. « Nous croyons que sans éducation, les enfants rohingyas ne peuvent avoir un véritable avenir. C’est pourquoi nous avons demandé qu’ils puissent bénéficier d’une éducation officielle, et nous nous y sommes préparés. » Début février, Caritas lancera ainsi deux centres d’éducation officiels à Kutupalong, dans le camp 1E et le camp 3. « Nous sommes en train de nommer des enseignants pour les centres », précise James Gomes.
(Avec Ucanews, Dacca)
CRÉDITS
Stephan Uttom / Ucanews