Eglises d'Asie

Le gouvernement bangladais forme des tribunaux spéciaux contre la traite des personnes

Publié le 19/02/2020




Dimanche 16 février, le ministre bangladais de la Justice, Anisul Huq, a annoncé la mise en place de sept tribunaux spéciaux afin d’accélérer la lutte contre la traite des personnes au Bangladesh. Les tribunaux, qui devraient être ouverts dans sept villes du pays le mois prochain, devraient permettre d’examiner 4 700 affaires en cours. Selon les observateurs et organisations militantes, qui ont salué ces nouvelles mesures, le gouvernement réagit surtout aux critiques dans le pays et à l’étranger contre le trop faible nombre de condamnations, et face à la menace de sanctions américaines. De son côté, la Caritas bangladaise participe à de nombreux programmes de sensibilisation, de conseil et de soutien, notamment dans la région de Chittagong, dans le sud-est du pays.

Des pêcheurs rohingyas dans le district de Cox’s Bazar, en juin 2014.

Le gouvernement bangladais doit organiser des tribunaux spéciaux pour accélérer les procès des affaires de traite des personnes, alors que le pays est menacé de sanctions par les États-Unis, accusé de ne pas faire suffisamment contre le crime organisé. Le ministre de la Justice, Anisul Huq, a annoncé que sept tribunaux spéciaux vont être installés dans sept villes différentes le mois prochain. Le 16 février, le ministre a expliqué au quotidien bangladais The Daily Star que 4 700 cas de traite des personnes attendent encore d’être examinés par les tribunaux. Les observateurs et les militants contre la traite des personnes ont salué la décision du gouvernement, en notant toutefois que ces mesures sont surtout prises face aux nombreuses critiques dans le pays et à l’étranger à propos du faible taux de condamnation, et face à la menace des sanctions américaines. « Le Bangladesh a voté la loi 2012 sur la prévention et la répression de la traite des personnes, et le plan d’action national 2018-2022 pour accélérer le combat contre le fléau dans le pays, mais le bilan est nul. De plus, ces tribunaux spéciaux ne devraient pas seulement être installés dans sept villes, mais dans l’ensemble des 64 districts du pays », a déclaré Abu Morshed Chowdhury, président de l’ONG Cox’s Bazar Civil Society, un groupe de lutte contre la traite des personnes.

Selon la police bangladaise, on compte près de dix mille personnes, dont une majorité de femmes et d’enfants, qui en ont été victimes depuis 2013, dont environ 5 000 cas qui ont été portés devant la justice. Pourtant, seuls 30 d’entre eux ont abouti à une condamnation, et plusieurs cas ont été abandonnés par manque d’investigations policières et par manque de témoins, selon les organisations militantes. Dans le cadre du plan d’action national, le gouvernement a formé des comités spéciaux aux niveaux des districts et sous-districts, mais sans réelle efficacité selon les activistes. Abu Chowdhury évoque plusieurs questions techniques responsables derrière ces piètres résultats. « Les gens sont souvent désorientés face aux trafics et à la traite des personnes, et bien souvent, les victimes ne savent pas quoi faire pour engager des poursuites en justice. De plus, en l’absence de tribunaux spéciaux locaux et face à la longueur des procédures judiciaires, les victimes et les témoins ne sont pas toujours prêts à voyager sur de longues distances pour se rendre aux procès. Enfin, il n’y a pas non plus de système en place pour assurer la sécurité des victimes et des témoins, d’où le trop grand nombre d’affaires abandonnées », remarque-t-il, en ajoutant qu’il faut non seulement des tribunaux spéciaux, mais aussi une réelle préoccupation du gouvernement pour améliorer les choses.

Sensibilisation et accompagnement à Chittagong

Caritas Bangladesh a participé à de nombreux programmes dans tout le pays depuis les deux dernières décennies, aux côtés de Caritas Asie, explique James Gomes, directeur régional de Caritas Chittagong. « Un tribunal spécial serait bienvenu, mais cette mesure a déjà été reportée. Si elle avait été mise en place plus tôt, beaucoup de victimes auraient pu être entendues », assure-t-il. « Pourtant, des tribunaux spéciaux, des procès rapides et des condamnations exemplaires seraient des mesures fortes et permettraient d’améliorer les choses. » Il ajoute que dans les régions les plus confrontées au problème, Caritas a lancé des programmes de sensibilisation auprès de la population locale contre le crime organisé. « Par exemple, à Chittagong, nous avons un projet spécial dans les régions rurales et urbaines, afin de sensibiliser les gens. Il s’agit aussi de soutenir les victimes et leurs familles par des programmes de conseil et de soutien, alors que dans la plupart des cas, les victimes sont mises à l’écart par leur famille et par la société, et sont traumatisées par des pertes matérielles et par diverses formes d’abus. »

Le Bangladesh a été placé la catégorie « Tier 2 » par le rapport du Département d’État américain sur la traite des personnes (TIP) sur trois années consécutives, entre 2017 et 2019. Selon la loi américaine, le pays pourrait être rétrogradé dans la liste « Tier 3 ». Le rapport annuel TIP mesure les efforts nationaux contre la traite des personnes à travers le monde, dans le cadre de la loi américaine de 2000 sur la protection des victimes de la traite (TVPA). Les pays classés dans la catégorie « Tier 1 » respectent pleinement les normes minimales indiquées par la loi TVPA ; ceux qui sont placés en « Tier 2 » ne les respectent pas parfaitement malgré des efforts significatifs ; enfin, la catégorie « Tier 3 » concerne les pays qui ne les respectent pas et qui ne font pas de réels efforts. Les pays classés dans cette dernière catégorie s’exposent à des sanctions, dont diverses restrictions et limitations.

(Avec Ucanews, Dacca)


CRÉDITS

Rock Ronald Rozario