Eglises d'Asie

Le gouvernement bangladais sous pression pour le retour de plusieurs milliers de travailleurs migrants

Publié le 09/04/2020




Alors que plusieurs pays font pression sur le gouvernement bangladais pour autoriser le retour de plusieurs milliers de migrants bangladais travaillant à l’étranger et actuellement en situation d’illégalité, le pays s’inquiète d’une exposition aggravée à la pandémie. L’Arabie Saoudite, le Sultanat d’Oman, le Bahreïn, le Koweït et les Maldives ont demandé au Bangladesh de rapatrier immédiatement plusieurs dizaines de milliers de travailleurs migrants bangladais, selon un rapport des autorités bangladaises, donné lors d’une conférence de presse organisée à Dacca le 5 avril.

Des travailleurs migrants bangladais arrivent à l’aéroport international de Dacca en 2018. Le pays est sous pression pour le retour forcé de plusieurs milliers d’entre eux.

Ce dimanche 5 avril, le gouvernement bangladais a donné une conférence de presse à Dacca, afin d’évoquer le retour possible de plusieurs milliers de travailleurs migrants illégaux, sous la pression de l’Arabie Saoudite, du Sultanat d’Oman, du Bahreïn, du Koweït et des Maldives. La conférence a eu lieu après une réunion entre le ministre des Affaires étrangères, A. K. Abul Momen, le ministre de l’Intérieur Asaduzzaman Khan, et le ministre du travail à l’étranger et de l’expatriation, Imran Ahmed. Selon Abul Momen, le gouvernement envisage le retour des migrants après vérification de leur identité, alors que les négociations avec les cinq pays concernés se poursuivent pour résoudre la situation. Le ministre des Affaires étrangères bangladais a ajouté que les migrants seront mis en quarantaine dès leur retour pour empêcher toute transmission possible du Covid-19 dans le pays. Sur 1,5 million de travailleurs bangladais en Arabie Saoudite, près de la moitié serait actuellement illégaux après expiration de leur permis de travail. On compte également près de 60 000 travailleurs dans le même cas aux Maldives, 20 000 au Koweït, 51 000 au Bahreïn. Sur environ 180 000 travailleurs bangladais dans le Sultanat d’Oman, près de 40 % d’entre eux seraient également concernés, selon une publication du journal New Age datée du 7 avril, et se basant sur les chiffres officiels du bureau de la Première ministre Sheikh Hasina.

Mise en quarantaine, réhabilitation et réintégration

« Notre pays souffre déjà de la pandémie du coronavirus et de ses conséquences économiques, et si tant de travailleurs sont forcés de revenir, cela risque de rendre la situation encore plus compliquée. Le gouvernement doit rester prudent et résoudre ce problème en poursuivant les négociations diplomatiques », estime le père Liton H. Gomes, secrétaire de la commission Justice et Paix de la conférence épiscopale bangladaise. Le prêtre ajoute que « ce sont des gens qui travaillent dur pour gagner leur vie, et qui contribuent aussi bien au développement de leur pays d’origine que de leurs pays d’accueil ». « Nous devons convaincre ces pays de cette réalité. S’ils sont forcés de revenir, le gouvernement doit assurer leur réhabilitation », souligne le père Gomes. Dans ces circonstances, il est très risqué de faire revenir des travailleurs migrants, affirme Al-Amin Nayan, du bureau des migrations de BRAC, une ONG bangladaise. « En raison du coronavirus, l’économie mondiale est aujourd’hui sévèrement atteinte, et les pays qui appellent le Bangladesh à faire revenir ces travailleurs le sont aussi. Il n’est pas sûr que le Bangladesh soit capable de les soutenir s’ils sont forcés de revenir. » Le gouvernement doit continuer de négocier avec ces pays, pour les convaincre qu’il est trop risqué et difficile de les faire revenir, estime-t-il. Mais s’il échoue, les migrants doivent pouvoir être accompagnés par l’État dès leur retour, souligne-t-il.

« Ils doivent être mis en quarantaine, puis accompagnés dans leur processus de réhabilitation et de réintégration, avec le soutien de l’État. Il doit y avoir une aide pour les travailleurs qui ont perdu leur travail, parce que leurs revenus sont une contribution vitale à notre économie », ajoute Al-Amin Nayan. Sur plus de 160 millions d’habitants, près d’un quart de la population bangladaise vit sous le niveau de pauvreté, selon la Banque mondiale. Plusieurs millions de Bangladais démunis, illettrés et peu qualifiés sont partis à l’étranger pour échapper à la pauvreté et au chômage. Ainsi, selon les chiffres officiels du gouvernement bangladais, on compte entre 8 et 10 millions de Bangladais travaillant à l’étranger, aussi bien illégalement qu’en possession d’un permis de travail, dont une majorité au Moyen Orient. Beaucoup envoient de l’argent dans leur pays d’origine, pour environ 15 milliards de dollars par an au total, ce qui constitue un soutien vital pou l’économie du pays.

(Avec Ucanews, Dacca)


CRÉDITS

Stephan Uttom / Ucanews