Eglises d'Asie – Birmanie
Le gouvernement birman procède à plusieurs arrestations de journalistes dans le cadre des conflits en Arakan
Publié le 09/04/2020

La liberté de la presse en Birmanie classée 138e sur 180 pays
Les organisations humanitaires dans le pays ont appelé les autorités à renoncer aux arrestations des journalistes, en dénonçant une grave atteinte à la liberté de la presse et à l’accès à l’information. « L’attaque des autorités birmanes contre la liberté de la presse, en arrêtant des journalistes qui ne font que leur travail, nuit à l’accès à l’information de toute la population », a déploré Linda Lakhdhir, conseillère juridique d’Human Rights Watch pour l’Asie, dans un communiqué publié le 2 avril. « Les lois contre le terrorisme ne devraient jamais être utilisées contre des journalistes », a-t-elle souligné. « Couvrir des conflits armés, ce n’est pas être terroriste, et menacer un journaliste de la perpétuité, ce n’est pas acceptable », dénonce Shawn Crispin, représentant de l’Asie du Sud-Est pour le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). « Dans ces temps troublés, nous croyons qu’il est très dangereux et irrationnel de détenir des journalistes et de bloquer l’accès aux médias, qui sont les yeux et les oreilles du peuple », a déclaré le Centre pour la liberté de la presse en Birmanie, basé à Rangoun. Le pays est classé au 138e rang sur 180 pays par Reporters sans frontières concernant la liberté de la presse.
Les conflits continuent malgré la pandémie
Tandis que les dirigeants du monde entier sont préoccupés par la lutte contre la pandémie du Covid-19, la Tatmadaw, nom officiel de l’armée birmane, continue les combats contre l’Armée d’Arakan, un groupe armé à majorité bouddhiste qui lutte pour une plus grande indépendance. Le groupe a été créé en 2009 et compterait plusieurs milliers de soldats. Le conflit en Arakan est l’un des derniers à avoir éclaté dans un pays toujours secoué par les conflits internes, alors que des groupes armés représentant les diverses minorités ethniques se battent pour les droits et leurs territoires depuis plusieurs décennies. Le 23 mars, le gouvernement a considéré officiellement l’Armée d’Arakan comme un groupe terroriste, en l’accusant de semer la terreur et de troubler l’ordre public en s’attaquant au gouvernement et à des cibles civiles. D’autres groupes armés comme l’Union nationale Karen et le Parti national progressiste Karenni ont appelé au cessez-le-feu en raison de la menace du Covid-19. La Tatmadaw, en revanche, aurait rejeté ces appels. L’Arakan est également le théâtre du conflit qui a fait fuir plus de 700 000 musulmans rohingyas de Birmanie en août 2017, suite à des attaques militaires. Khin Zaw Win, directeur du Tampadipa Capacity Institute, basé à Rangoun, estime de son côté que c’est le rôle d’un journaliste de récolter les avis de toutes les parties en restant impartial. « Le gouvernement et l’armée doivent se montrer magnanimes ; poursuivre des journalistes dans le cadre de la loi sur le terrorisme, ce n’est bon ni pour la réconciliation ni pour la paix en Birmanie », dénonce-t-il.
La plus longue coupure internet
Le gouvernement a également ordonné aux sociétés de communication de bloquer au moins 220 sites internet, affirmant qu’ils publient de fausses nouvelles et contribuent à l’instabilité du pays. Des sites d’information locaux couvrant les conflits ethniques, dont celui d’Arakan, font partie de la liste bloquée. Depuis juin 2019, les États voisins d’Arakan et de Chin subissent la plus longue coupure internet qu’a connu le pays, et sans doute l’une des plus longues coupures internet imposées par tout autre gouvernement à travers le monde. Pe Than, un membre de la Chambre basse au sein du Parlement, du Parti national d’Arakan, affirme que la poursuite des journalistes et le blocage des sites d’information risque d’apeurer les autres journalistes et d’entraver le journalisme indépendant dans le pays. « Ce n’est pas bon signe, alors que la Birmanie fait face à la pandémie du Covid-19 », regrette-t-il. Pe Than, lui-même de l’ethnie arakanaise, appelle à autoriser les journalistes à se rendre dans l’État d’Arakan pour qu’ils puissent couvrir les conflits et se rendre compte de la réalité sur le terrain. « En limitant la liberté de la presse et en poursuivant les journalistes, ils s’attaquent à la liberté d’expression. » Les conflits internes et les atteintes à la liberté de la presse surviennent alors que le pays est lui aussi exposé à la pandémie, qui a déjà contaminé plus d’1,4 million de personnes à travers le monde et entraîné plus de 82 000 décès. La Birmanie, au 5 avril, avait rapporté 22 cas d’infection dont un décès, et testé 1 246 personnes sur plus de 50 millions d’habitants.
(Avec Ucanews, Mandalay)
Crédit : Adam Jones (CC BY 2.0)
