Eglises d'Asie

Le pape François attendu à Bangkok par la minorité catholique thaïlandaise

Publié le 20/11/2019




Le pape François est arrivé ce mercredi 20 novembre à Bangkok, en Thaïlande, où il rencontrera le roi, les catholiques du pays et les autorités du clergé bouddhiste pendant trois jours. Une visite perçue comme un encouragement pour la minorité chrétienne locale, dans un pays majoritairement bouddhiste où la communauté catholique ne représente que 0,5 % de la population, soit environ 400 000 personnes. C’est aussi toute l’Asie qui attend le pape à Bangkok alors que 19 conférences épiscopales asiatiques sont présentes.

Le père John Pattawee, un jeune prêtre thaï francophile

À une vingtaine de minutes du centre de Bangkok, dans le district de Sam Phran, l’église Saint-Pierre est reconnaissable à son architecture ; blanche et rouge, sa forme évoque une mitre, la coiffe des évêques. C’est ici que le pape François est attendu vendredi matin, pour rencontrer des familles catholiques, les évêques thaïlandais et les évêques de la FABC (Fédération des conférences épiscopales asiatiques) – soit 19 conférences épiscopales. Les catholiques ne représentent que 0,5 % de la population du pays, soit environ 400 000 personnes. La visite du souverain pontife est donc d’autant plus inattendue pour les paroissiens de Saint-Pierre : « Je ne pensais vraiment pas revoir un pape de mon vivant », s’enthousiasme Mae Jin, une paroissienne octogénaire. La dernière visite d’un pape en Thaïlande remonte à celle de saint Jean-Paul II en 1984. Si le pape s’attardera à Sam Phran, c’est surtout parce que le district est la capitale symbolique du clergé thaïlandais. À quelques pas de l’église Saint-Pierre, se trouve le mémorial de Nicholas Bunkerd Kitbamrung un bienheureux révéré comme un saint, la figure la plus connue du catholicisme local, mort de tuberculose en prison. Prêtre, il fut incarcéré par le gouvernement nationaliste en 1941. La Thaïlande n’a pas de saint catholique mais compte huit personnalités béatifiées par Jean-Paul II : les sept autres, dont trois adolescents, appelés « Martyrs de Songkhon », furent exécutés par la police pour les mêmes motifs en 1940. Au milieu du XXe siècle, dans le sillage des courants de décolonisation en Asie du Sud-Est, les catholiques furent perçus comme des espions au service des puissances étrangères. La formation d’un clergé local indépendant était la condition sine qua non pour la survie des communautés catholiques.

C’est à cet effet que fut fondé le grand séminaire Lux Mundi, tout près de l’église Saint-Pierre et du mémorial, qui forme les jeunes prêtres et dont sont issus de nombreux représentants de l’actuel clergé thaïlandais. Ce sont des adolescents venus des provinces du nord du pays, où ont lieu la quasi-totalité des nouvelles conversions. Beaucoup appartiennent à des minorités ethniques, aux cultures animistes, plus susceptibles de se tourner vers le christianisme que les bouddhistes. « J’habitais dans un village de montagne. L’école était trop loin à pied, alors je suis allé à l’école des pères », explique Pai, un jeune de la province de Mae Hong Song, frontalière avec la Birmanie. « Puis j’ai eu envie de me convertir. » En Thaïlande, les missionnaires catholiques se développent surtout grâce à des réseaux d’écoles, tandis que les protestants (désormais un peu plus nombreux que les catholiques) sont plus engagés dans le milieu de la santé.

Bangkok, centre important des Missions Etrangères

L’église Saint-Pierre de Sam Phran, à 20 mn du centre de Bangkok

Pour ces missionnaires, la venue du pape est un encouragement dans leur tâche difficile : les Thaïlandais, contrairement à leurs voisins vietnamiens ou philippins, ne se sont jamais convertis en masse, tant l’union nation-roi-bouddhisme est scellée. Pour les hommes et les femmes de terrain, d’autres facteurs culturels jouent : « Il y a trop de contraintes dans la religion catholique pour les Thaïs », estime le père John Pattawee, un jeune prêtre thaï francophile. « La messe chaque dimanche, les interdictions de ceci ou cela… Ce n’est pas très compatible avec la culture locale, très libre. » D’autres raisons historiques expliquent le manque de succès des missionnaires en Thaïlande, notamment l’attitude des rois thaïlandais qui, tout en accueillant les missionnaires, leur interdirent de prêcher en langue thaïe. Mais Bangkok, bien qu’enregistrant des taux de conversions très faibles, a depuis les origines servi de base de repli aux missionnaires de toute la zone, et notamment des missions troublées du Vietnam et de Chine. Aujourd’hui encore, le siège des Missions Étrangères de Paris à Bangkok est un lieu d’accueil où l’on peut croiser des prêtres en poste dans toute l’Asie du Sud-Est. Pour ces missionnaires et leurs communautés, la visite du pape en Thaïlande, malgré la petite taille de la communauté catholique, a donc une importance symbolique. « D’autant que le pape François est le premier pape Jésuite, un ordre qui a une histoire particulière avec l’évangélisation de l’Asie », renchérit le père Miguel, directeur spirituel au séminaire Lux Mundi.

En Thaïlande, la visite du pape Francois aura aussi des allures de réunion de famille : sa cousine germaine, sœur Ana Rosa Sivori, missionnaire dans la province d’Udon Thani depuis trente ans, occupera une place spéciale à ses côtés pendant son séjour. Le pape célébrera deux messes, l’une au stade National et l’autre à la cathédrale de l’Assomption, l’une des plus anciennes et prestigieuses de la capitale. Il rencontrera aussi le roi, le chef officiel de toutes les religions dans le royaume, et les autorités du Sangha, le clergé bouddhiste. Pour le cardinal thaïlandais François-Xavier Kriensak Kovitvanit, la Thaïlande a aussi été choisie pour son rôle de centre régional qui « va permettre à nos frères et sœurs des autres pays de l’Asean de venir nous rejoindre ».

(EDA / Carol Isoux)


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Carol Isoux