Eglises d'Asie

Le parti du Nouvel Avenir dissous par la justice, 16 mois après sa création par Thanathorn Juangroongruangkit

Publié le 25/02/2020




La Cour constitutionnelle thaïlandaise a voté la dissolution du parti du Nouvel Avenir, créé il y a 16 mois par Thanathorn Juangroongruangkit, 41 ans, milliardaire et homme d’affaires de Bangkok. La justice a également interdit à Thanathorn et seize dirigeants du parti de toute action politique durant 10 ans. Le parti est accusé de financement illégal par son fondateur concernant un prêt de 191 millions de bahts (5,57 millions d’euros), versé durant la campagne 2019. Lors des élections nationales de mars dernier, le Nouvel Avenir avait créé la surprise avec plus de 6 millions de voix, dont celles de nombreux jeunes thaïlandais. Thanathorn et ses partisans ont déclaré leur détermination à poursuivre leur mouvement en dehors du Parlement.

Thanathorn Juangroongruangkit, Party Leader, Future Forward Party, Thailand capture during the session: A New Political Generation at the World Economic Forum on ASEAN 2018 in Ha Noi, Viet Nam, September 12, 2018.
Copyright by World Economic Forum / Hoang Nguyen

Les dirigeants du nouveau parti d’opposition du Nouvel Avenir, qui était arrivé en troisième position aux dernières élections nationales, se sont engagés à poursuivre leur action en faveur d’un changement politique en Thaïlande, malgré la décision de la justice nationale de dissoudre leur parti et de leur interdire toute action politique durant dix ans. Le 21 février, la Cour constitutionnelle thaïlandaise a condamné un prêt de 191 millions de bahts (5,57 millions d’euros), versé au Future Forward Party par son fondateur, le jeune milliardaire Thanathorn Juangroongruangkit, comme illégal. La Cour a décidé de dissoudre le parti et d’interdire seize de ses dirigeants de toute action politique durant dix ans. De nombreux gouvernements étrangers, dont les États-Unis et des membres de l’Union européenne, ont fait part de leur inquiétude face à cette décision. Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme dont Amnesty International ont dénoncé les motifs politiques derrière cette décision, en appelant le gouvernement à annuler la dissolution du parti. De son côté, Thanathorn Juangroongruangkit a souligné, lors d’une conférence de presse, que la dissolution de son parti ne signifie pas la fin de son courant politique. « L’aventure est loin d’être terminée », a déclaré le jeune homme d’affaires de 41 ans. « Notre but est de planter notre drapeau sur cette terre. La seule solution restante pour notre pays est d’amender la Constitution », a-t-il poursuivi en évoquant la dernière Constitution, rédigée par la junte militaire après son coup d’État de 2014, et considérée par les juristes indépendants comme antidémocratique.

Le gouvernement actuel, dirigé par l’ancien général Prayut Chan-o-cha et soutenu par la junte, est resté au pouvoir après les élections parlementaires de l’année dernière. Après avoir dirigé le pays en dictateur durant cinq ans, le général Prayut a conservé le pouvoir grâce à une coalition politique formée de divers partis conservateurs. Selon les observateurs, les dernières élections, qui se sont déroulées selon les propres règles de l’armée, étaient injustes et ne reflètaient pas le sentiment réel de la majorité des électeurs. Malgré le coup subi par le parti du Nouvel Avenir, son dirigeant affirme que lui-même et ses collaborateurs sont déterminés à poursuivre leur mouvement en dehors du Parlement. Leur but, ajoute-t-il, est de parvenir à des réformes démocratiques radicales, dans un pays où les forces conservatrices pro-armée et pro-monarchie dominent depuis longtemps la politique nationale, souvent grâce à des coups d’État. « C’est le moment de tenir bon », a déclaré Thanathorn face à des partisans du parti dissous. « N’abandonnez pas, ne perdez pas votre détermination. Ne cessez pas de rêver. Le Parti du Nouvel Avenir n’est pas seulement un parti politique, mais c’est une aventure, un peuple et une force. » Le nouveau parti avait été créé en 2018 par Thanathorn et d’autres jeunes thaïlandais. Lors des élections de mars 2019, il avait créé la surprise en s’attirant les voix de beaucoup de Thaïlandais et en rassemblant près de six millions d’électeurs.

Accusations de sédition et de financement illégal

Le nouveau parti progressiste, qui voulait réduire l’influence excessive de l’armée dans la politique thaïlandaise, était particulièrement populaire auprès des jeunes. Ce week-end, plusieurs centaines de jeunes et d’étudiants se sont rassemblés devant la prestigieuse université Thammasat de Bangkok, afin de soutenir le parti dissous, en lançant des appels comme « Vive la démocratie » et d’autres slogans similaires. « C’est ça, la Thaïlande. Il n’y a pas de justice dans ce pays », dénonce une jeune diplômée. « Les militaires et les élites veulent nous empêcher d’avoir un véritable avenir », affirme un autre manifestant d’une vingtaine d’années qui étudie les sciences politiques. « Ils veulent s’assurer que quoi qu’ils fassent, nous restions tranquilles et à notre place. » En plus de la dissolution de son parti, les ennuis judiciaires de Thanathorn Juangroongruangkit sont loin d’être terminés. Le chef de parti charismatique et ses partisans doivent encore faire face à une trentaine d’autres affaires juridiques les impliquant, dont une accusation de sédition pour avoir participé à des manifestations non autorisées. Certaines de ces accusations pourraient les conduire jusqu’en prison.

La semaine dernière, certains alliés politiques du gouvernement ont appelé à lancer une enquête sur la mère âgée du jeune fondateur, à propos d’un terrain qu’elle possède en province. Ils affirment que le terrain privé pourrait empiéter sur un terrain public. Selon les activistes, ce genre d’accusation montre la façon dont Thanathorn et les autres membres de l’opposition sont visés et traités, en subissant un véritable harcèlement judiciaire. Après la dissolution du parti du Nouvel Avenir, la fille de Thanathorn, âgée de neuf ans, a écrit un message aux Nations Unies en demandant à l’organisation internationale d’élever la voix pour défendre le jeune fondateur. « Mon père n’a pas le droit humain d’être traité par la loi avec justice », a-t-elle écrit. « Le problème est que le gouvernement essaie de supprimer le parti politique de mon père. Et je pense que c’est injuste envers lui. S’il vous plaît, venez intervenir, parce qu’il a vraiment besoin d’aide aujourd’hui. » Les 65 parlementaires et membres du parti qui ne sont pas visés par la décision judiciaire doivent maintenant trouver un nouveau parti politique dans les soixante jours. Dix autres sièges détenus par le parti dissous doivent également être réattribués.

(Avec Ucanews et Asianews, Bangkok)

Crédit : World Economic Forum (CC BY-NC-SA 2.0)