Eglises d'Asie

Le rapatriement des Rohingyas reporté à l’année prochaine

Publié le 20/11/2018




Le 15 novembre, les autorités bangladaises ont reporté le rapatriement de 150 Rohingyas, dont 30 familles, suite à leur refus de retourner en Birmanie. Ceux-ci craignent pour leur sécurité et refusent de rentrer tant que leurs demandes n’ont pas été respectées par les autorités birmanes. Ils demandent la citoyenneté, la liberté de mouvement et que leurs biens et leurs terres leur soient rendus ; ils veulent également pouvoir retourner dans leurs villages. Le rapatriement d’un total de 2 260 réfugiés était prévu dans deux semaines. Pour Mohammad Kalam, commissaire bangladais pour le secours et le rapatriement des réfugiés, rien ne sera décidé tant que la période électorale bangladaise est toujours en cours.

Les autorités bangladaises ont reporté un plan national de rapatriement de plusieurs milliers de réfugiés musulmans Rohingyas vers la Birmanie à l’année prochaine après l’échec de la dernière tentative face à l’opposition des Rohingyas craignant pour leur sécurité, ainsi que celle des ONG et de la communauté internationale. Le Bangladesh, pays hôte de plus d’un million de Rohingyas qui ont fui les persécutions dans l’État birman de Rakhine, poursuivra les opérations de rapatriement après ses élections nationales prévues le 30 décembre. « Nous avons essayé d’envoyer un premier groupe de Rohingyas, mais aucun des 150 réfugiés sur la liste ne voulait partir. Le plan est repoussé pour le moment, avec la promesse que le retour serait volontaire et non forcé », a confié le commissaire bangladais pour le secours et le rapatriement des réfugiés, Mohammad Abul Kalam. Ce dernier ajoute que le plan de rapatriement a des enjeux « politiques et diplomatiques », et qu’il repose donc sur les décisions des plus hautes sphères de l’État pour pouvoir avancer. « Ici, nous sommes dans une période électorale, donc nous n’attendons aucune décision importante tant que les élections sont en cours », précise-t-il, ajoutant que la Birmanie doit répondre aux exigences principales des Rohingyas concernant leur citoyenneté et leur sécurité. « Nous pensons que tous les Rohingyas ne veulent retourner chez eux qu’une fois que leurs demandes principales ont été respectées. Nous devons en parler lors de la prochaine rencontre du groupe de travail commun », soutient-il.

Le 15 novembre, le Bangladesh a dû annuler un plan de transfert de 150 Rohingyas de 30 familles depuis leurs camps de Cox’s Bazar jusqu’à deux camps de transit situés à la frontière, suite aux protestations du groupe. Le rapatriement d’un total de 2 260 réfugiés vérifiés par la Birmanie était prévu dans deux semaines, selon l’accord bilatéral signé en janvier entre les deux pays. Les réfugiés Rohingyas ont souligné qu’ils ne voulaient pas revenir si leurs demandes n’étaient pas respectées. « Nous avons demandé que nos terres et nos biens nous soient retournés, et que nous puissions retourner dans nos villages, et non dans des camps. Nous voulons aussi une garantie écrite assurant notre sécurité, notre liberté de mouvement et nos droits fondamentaux, dont notre citoyenneté en Birmanie », explique Hosein Johur, 35 ans, père de quatre enfants, au camp de Balukhali. Il confirme que les Rohingyas refusent de repartir s’ils risquent d’être persécutés et forcés de fuir à nouveau. « Nous avons suffisamment souffert et nous avons tout perdu. Nous voulons que cette fois-ci, la communauté internationale, y compris les Nations unies, intervienne avec force pour que nos épreuves prennent fin », déclare Hosein Johur, ancien résident de Maungdaw, à Rakhine, qui a fui au Bangladesh en octobre 2017.

« Les réfugiés n’ont pas confiance »

Abu Morshed Chowdhury, une militante pour les droits de l’homme à Cox’s Bazar, soutient que le rapatriement doit être reporté par souci de stabilité. « En 1992, il y a eu un afflux de plus de 200 000 Rohingyas suite à des violences dans l’État de Rakhine. Puis, la plupart d’entre eux sont repartis et cela a pris plus de deux ans. Et cela a été fait sans intervenant extérieur ni supervision internationale, et beaucoup d’entre eux ont été expulsés à nouveau. Cela ne doit pas se produire à nouveau », prévient-il. Pour lui, les demandes des Rohingyas sont logiques et les Nations unies ont un rôle important à jouer pour s’assurer que la Birmanie garantisse un retour favorable aux réfugiés. Hla Tun Kyaw, de l’ethnie Rakhine et membre du parti anti-Rohingya Arakan National Party, ne pensent pas que les Rohingyas reviendront tant que leurs demandes ne sont pas satisfaites. Il pense que le groupe accusé d’être responsable d’un soulèvement insurgé, l’Armée du salut des Rohingyas de l’Arakan (Arsa), et ceux qui comptent se rendre dans des pays tiers, ne reviendront pas en Birmanie. « La Birmanie subira plus de pressions de la part de la communauté internationale alors que les groupes de pression et les ONG continueront de poursuivre leur objectif d’obtenir la citoyenneté pour les Rohingyas », ajoute-t-il. Un Rohingya résident à Maungdaw, dans le nord de Rakhine, estime que les réfugiés ne reviendront pas début 2019 puisque la Birmanie n’a pas encore répondu à leurs demandes. « Les réfugiés Rohingyas craignent d’être enfermés dans des camps durant des années comme ceux du centre de Rakhine », ajoute-t-il. Pour lui, la Birmanie doit garantir la liberté de mouvement, sans discriminations, aux Rohingyas qui se trouvent toujours dans l’État de Rakhine et pour les personnes déplacées « internes » enfermées dans des camps depuis 2012. « Les réfugiés ne font pas confiance au gouvernement birman, et c’est la principale barrière au rapatriement », ajoute-t-il.

(Avec Ucanews, Dakha et Mandalay)


CRÉDITS

Stephan Uttom / Ucanews