Eglises d'Asie – Bangladesh
Le rôle essentiel des catéchistes bangladais dans l’archidiocèse de Chittagong
Publié le 01/07/2023
Ananda Tripura, un catéchiste bangladais, doit souvent voyager à pied sur des routes en mauvais état, et par bateau pour franchir des fleuves, pour apporter une aide spirituelle et pastorale aux familles indigènes vivant dans les villages reculés du district de Bandarban, dans le sud-est du Bangladesh. « Chaque fois que je pars de chez moi pour une semaine, la première chose à laquelle je pense, c’est si ma famille aura suffisamment à manger et si elle sera en sécurité durant mon absence », confie Ananda, âgé de 53 ans et père de six enfants.
Catholique et membre de l’ethnie Tripura, il travaille comme catéchiste depuis plus de trois décennies, dans la paroisse du Roi de la Paix de Thanchi, à Bandarban, qui dépend de l’archidiocèse de Chittagong. Il fait partie des quelque 300 catéchistes qui soutiennent le travail pastoral des prêtres des huit diocèses bangladais, malgré leurs propres difficultés personnelles liées à la pauvreté et à des revenus limités.
Pour Ananda, la tâche est particulièrement délicate dans cette région montagneuse qui manque de routes et de transports adaptés. « Les souffrances causées par les longues marches sont inimaginables. Durant ces moments, je pense à la souffrance de Jésus sur la Croix », explique-t-il. Il visite deux ou trois villages par voyage, au moins deux fois par mois, afin de venir en aide aux communautés catholiques locales qui sont trop éloignées pour pouvoir participer aux messes dominicales et aux fêtes religieuses. Il lui faut souvent toute une journée pour se rendre d’un village à l’autre.
24 000 catholiques indigènes pour 243 villages
Ananda Tripura a débuté comme enseignant dans une école catholique, avant de participer à l’animation des temps de prière puis de commencer son ministère comme catéchiste en 1991. Au début, il gagnait 700 takas par mois (environ 5,94 euros). Il touche aujourd’hui près de 8 000 takas (67 euros). Un salaire insuffisant alors qu’il estime ses dépenses mensuelles autour de 20 000 takas (170 euros), ce qui le force à faire du travail supplémentaire.
« Quand j’ai le temps, je travaille comme ouvrier dans les champs. Quand mes enfants sont à la maison pour les vacances, ils m’aident aussi », ajoute-t-il, en précisant que cinq de ses enfants sont dans des internats et qu’un d’entre eux étudie dans un séminaire diocésain. « Au moins, je suis heureux de répandre la Parole de Dieu et qu’un de mes fils ait choisi le même chemin », se réjouit-il.
Bandarban fait partie de la région des Chittagong Hill Tracts (CHT), divisée entre les trois districts de Khagrachari, Rangamati et Bandarban. Il s’agit d’une région montagneuse couverte par des forêts et bordant les frontières indiennes et birmanes. La majorité des catholiques de Chittagong, environ 24 000 sur un total de 33 800, appartiennent à des groupes indigènes et vivent dans 243 villages situés dans les trois districts des CHT, selon les chiffres de l’archidiocèse. Les catholiques montagnards sont répartis dans sept paroisses où sont assignés une douzaine de prêtres. Les catéchistes jouent un rôle vital pour atteindre les fidèles sur des zones très étendues. Les sept paroisses comptent un total de 30 catéchistes.
« Pour les prêtres, c’est impossible de visiter tant de villages »
Les chrétiens bangladais représentent moins de 0,5 % de la population du pays, sur plus de 165 millions d’habitants majoritairement musulmans, selon le recensement national de 2022. On compte près de 600 000 chrétiens à l’échelle nationale. Dans les CHT, la seule région montagneuse du pays, plus d’une douzaine de groupes ethniques majoritairement bouddhistes sont également installés depuis plusieurs siècles. Les missionnaires chrétiens ont évangélisé les populations indigènes locales il y a plus d’un siècle, alors que le Bangladesh faisait encore partie de l’Inde. Aujourd’hui, plusieurs tribus comme les Tripuras, les Marmas et les Bawms, sont majoritairement chrétiennes.
Manik Wilver D’Costa, coordinateur pastoral de l’archidiocèse de Chittagong, assure que l’Église reconnaît l’immense service rendu par les catéchistes et les difficultés qu’ils rencontrent. « Pour les 12 prêtres, c’est impossible de visiter tant de villages. Il y en a quelques-uns qui sont tellement éloignés que les prêtres peuvent à peine s’y rendre ne serait-ce qu’une fois par an. Les catéchistes et les animateurs sont chargés d’y apporter le message du Christ. » Il reconnaît que le salaire des catéchistes est faible par rapport à la valeur de leur travail. Mais il ajoute que l’Église est incapable de les payer davantage faute de moyens.
L’archidiocèse organise régulièrement des programmes de formation pour les catéchistes afin de les encourager à poursuivre leur mission. Malgré un travail difficile et un salaire faible, des catholiques de la région continuent de vouloir devenir catéchistes. Ainsi, Gorden Tripura, âgé de 27 ans, est devenu catéchiste cette année et touche un salaire de 5 500 takas (46,64 euros). « On a besoin d’argent pour survivre, mais je pense que nous avons aussi besoin du spirituel. Je suis en paix quand je prêche la Parole de Dieu », assure Gorden, père d’un enfant de six ans. De son côté, Ananda Tripura explique qu’il ne craint pas les dangers et qu’il est prêt à se sacrifier si nécessaire. « Jésus lui-même a donné sa vie pour nous. Si je prends sa vie en exemple, la peine, la souffrance et le manque d’argent ne sont rien pour moi. »
(Avec Ucanews)
CRÉDITS
Chittagong Archdiocese / Ucanews