Eglises d'Asie – Thaïlande
Le taux de fécondité thaïlandais, en forte baisse, annonce un « tsunami » démographique
Publié le 08/02/2022
Selon les nouveaux chiffres du Bureau national des statistiques, la forte baisse enregistrée du taux de fécondité thaïlandais représente une véritable bombe démographique à retardement. L’an dernier, le pays majoritairement bouddhiste, qui compte près de 69 millions d’habitants, a enregistré moins de 545 000 nouvelles naissances, un chiffre inférieur au nombre de décès, qui était de 563 650 pour la même année.
Par comparaison, jusque dans les années 1990, on comptait entre 900 000 et 1 million de naissances en Thaïlande, mais ces chiffres ont ensuite commencé à décliner. Aujourd’hui, le taux de fécondité est tombé à près d’1,2 enfant par femme, soit largement en dessous du seuil de renouvellement de 2,05, tandis que le plus fort taux enregistré dans le pays s’élève à 5,1 selon les experts.
Bien que le taux de fécondité du pays soit déjà en baisse depuis des années, les derniers chiffres indiquent que la Thaïlande, qui compte pourtant l’une des économies les plus solides de la région, rencontre déjà des pénuries régulières de main-d’œuvre et les répercussions sociales d’une société vieillissante. Selon les experts, la baisse du taux de fécondité viendrait principalement d’une certaine prospérité et d’une mobilité grandissante, qui ont amené de nombreuses femmes à poursuivre leur carrière et à retarder la maternité.
28 % de la population aura 60 ans et plus d’ici une décennie
Ainsi, beaucoup de femmes thaïlandaises préfèrent attendre d’atteindre la trentaine avant d’avoir des enfants, et même une majorité n’en ont qu’un ou deux. « J’aimerais beaucoup avoir des enfants, mais ce n’est pas facile quand vous devez travailler toute la journée au bureau et que vous avez très peu de temps pour faire quoi que ce soit d’autre », explique Suwisa Anurak, âgée de 36 ans et qui travaille à Bangkok comme cadre dans le secteur de la communication. « Je pense que beaucoup de femmes sont dans une situation similaire. Ma grande sœur a une fille de six ans, mais ma petite sœur, qui a 31 ans, n’a pas d’enfants non plus. »
D’ici une décennie, selon le Bureau des statistiques, 28 % de la population thaïlandaise aura 60 ans ou plus, et comme le taux de fécondité est déjà sous le seuil de renouvellement, la population du pays devrait continuer à diminuer selon des tendances similaires observées dans des pays développés comme le Japon ou l’Italie. Aujourd’hui déjà, près d’un tiers de la population thaïlandaise est considéré comme âgée, ce qui la classe officiellement comme une société vieillissante.
Seulement 544 570 naissances en 2021
« Nous appelons cette tendance un ‘tsunami’ démographique. C’est une vague puissante et qui aura des conséquences colossales », prévient Pramote Prasartkul, professeur en démographie au sein de l’Institut pour la recherche sociale et démographique de l’université Mahidol de Bangkok. « Plus d’un million de personnes nées en 1963 atteindront l’âge de la retraite d’ici l’an prochain », ajoute-t-il.
En 1963, alors que ces personnes venaient de naître, la population thaïlandaise était seulement de 30 millions d’habitants, soit moins de la moitié de ce qu’elle est aujourd’hui. Ironiquement, ce sont les programmes familiaux du gouvernement, durant cette période de forte fécondité, qui ont commencé à entraîner de moins en moins de naissance au fil des années. En 2020, le nombre de nouvelles naissances était déjà de moins de 600 000 pour la première fois, avant de chuter à près de 580 000 l’année suivante. L’an dernier, avec seulement 544 570 naissances, il s’agissait du chiffre le plus bas jamais enregistré dans le pays, probablement à cause de l’impact économique de la pandémie.
« Les écoles maternelles, les établissements scolaires et les universités seront affectés, et il y aura une pénurie de main-d’œuvre, en particulier dans les secteurs agricoles et industriels », signale le professeur Pramote. On compte déjà jusqu’à 5 millions de travailleurs migrants, principalement d’origine birmane, cambodgienne et laotienne, qui sont employés en Thaïlande pour combler ces manques. « Certains investissements dans des projets d’infrastructures publiques conçues pour accueillir un grand nombre de personnes deviendront obsolètes. Mais surtout, nous perdons des ressources humaines. »
(Avec Ucanews)