Eglises d'Asie

Le tourisme thaïlandais étouffe après plus de trois mois de crise sanitaire et économique

Publié le 03/07/2020




Après trois mois de fermeture des frontières internationales du pays au tourisme de masse, le secteur du tourisme subit la crise sanitaire mondiale de plein fouet. Alors que la Thaïlande accueille habituellement près de 3 millions de touristes étrangers par mois en moyenne, seuls quelque 50 000 étrangers devraient pouvoir entrer dans le pays en juillet, sous certaines conditions. La Thaïlande n’a enregistré, au 1er juillet, que 3 169 cas confirmés dont 58 décès, et aucune infection n’a été enregistrée depuis plus d’un mois. Pourtant, cette réussite s’est faite au détriment de la vitalité du tourisme et du secteur tertiaire, qui contribuent fortement à l’économie thaïlandaise. « Pour l’instant, nous faisons ce que nous pouvons pour tenir bon », confie Amina, une vendeuse du centre commercial MBK, à Bangkok.

Des stands de souvenirs au centre commercial MBK, toujours fermés en l’absence de clients et de touristes étrangers.

Avant la crise sanitaire, en janvier dernier, une boutique de vêtements de sport de l’énorme centre commercial MBK, à Bangkok, pouvait produire un chiffre d’affaires quotidien d’environ 30 000 bahts (857 euros) en moyenne. Les mauvais jours, le chiffre d’affaires pouvait tourner autour de 20 000 bahts (571 euros). Mais ces jours-ci, on n’y trouve pratiquement plus de clients, et les ventes ont chuté à environ mille bahts par jour (28,6 euros), voire moins. « L’autre jour, nous n’avons eu absolument aucun client. Nous n’avons rien vendu du tout », déplore Amina, une Thaïlandaise musulmane, manager de la boutique. « C’est comme ça depuis que nous avons rouvert, début mai. » La boutique emploie quatre personnes, mais à moins que les ventes ne recommencent à grimper, ils risquent de devoir licencier, voir mettre la clé sous la porte. Et les ventes ont peu de chance d’augmenter rapidement, alors que cette boutique de vêtements compte principalement sur les touristes étrangers, particulièrement venant d’Inde, du Moyen Orient et d’Europe.

Les frontières thaïlandaises étant fermées aux touristes étrangers depuis mars dans le cadre des mesures sanitaires, l’activité touristique du pays subit la crise de plein fouet. Mais en plus des centres touristiques, de nombreux petits commerces sont également touchés. De plus, à travers les huit niveaux et parmi les quelque 2 500 magasins du centre MBK, on compte beaucoup de boutiques de vêtements et de vente de souvenirs consacrées particulièrement aux touristes. Ainsi, plus d’une boutique a déjà dû fermer définitivement. Le 30 juin après-midi, les propriétaires de beaucoup de petites boutiques étaient en train de nettoyer et déménager pour de bon, incapables de payer leur loyer plus longtemps, faute de clients. Même les boutiques encore ouvertes sont fragilisées. « Les ventes sont vraiment mauvaises », confirme une femme birmane, originaire de la région de Mandalay, qui travaille sur un stand au 5e étage du centre MBK, et qui vend des sculptures en bois et autres souvenirs. « Je reste assise ici toute la journée en attendant les clients, mais personne ne vient en général. »

Seulement 50 000 voyageurs autorisés en juillet

La Thaïlande a été citée parmi les meilleures gestions de la pandémie, alors qu’au 1er juillet, le pays n’a enregistré que 3 169 cas confirmés dont 58 décès. De plus, aucune infection n’a été enregistrée depuis plus d’un mois. Pourtant, cette réussite s’est faite au détriment de la vitalité du tourisme et du secteur tertiaire, qui contribuent fortement à l’économie thaïlandaise. Plusieurs millions de Thaïlandais et de migrants étrangers ont perdu leur travail depuis plusieurs mois, et de nombreux commerces ont fermé, parfois pour de bon. Les restrictions sur les voyages internationaux, en vigueur depuis le 3 avril, ont été encore une fois prolongées, cette fois-ci jusqu’au 31 juillet, bien qu’environ 50 000 étrangers devraient pouvoir entrer dans le pays en juillet, sous certaines conditions. Mais cela semble dérisoire comparé aux plus de 3 millions d’étrangers qui entraient habituellement dans le pays tous les mois, avant la crise sanitaire. Les frontières sont restées fermées pendant trois mois, et tant qu’elles restent fermées au tourisme de masse, la situation ne fera qu’empirer pour des millions de Thaïlandais dépendant du secteur.

Selon une nouvelle enquête menée par la société YouGov, basée au Royaume Uni, plus de trois répondants sur cinq, soit 63 %, espèrent la réouverture prochaine des frontières du pays aux voyageurs internationaux. Ce n’est pas une surprise, alors que les nombreux sites touristiques à travers le pays sont désertés depuis plusieurs mois, que nombre d’hôtels, bars et restaurants sont fermés, et que les petits commerces ont été forcés d’hiberner jusqu’à nouvel ordre. « La nuit, Bangkok est plus déserte que jamais », regrette un Thaïlandais qui vit près d’un centre de loisirs et de tourisme, cité par l’agence de presse Xinhua. « Je n’arrive pas à croire que c’est le centre touristique où j’ai toujours vécu. C’est presque devenu une ville fantôme. » De leur côté, les villes touristiques du bord de mer comme Pattaya, sur la côte est, ou comme l’île de Phuket dans le sud, ont été frappées encore plus durement que Bangkok. Il faudra sans doute de nombreuses années avant que la situation puisse se rétablir et retrouver son niveau d’avant la pandémie.

L’absence continue de consommateurs étrangers affecte particulièrement les habitants dépendant du tourisme, et qui peuvent difficilement supporter la situation plus longtemps sans salaire régulier, y compris les petits propriétaires et salariés les moins bien payés. Selon une enquête récente, auprès de 1 400 employés et 400 employeurs thaïlandais, un quart des répondants ont avoué avoir déjà perdu leur travail ou être en congés impayés depuis des mois. Près de la moitié de ceux qui ont pu garder leur emploi ont subi une baisse de salaire, sans heures supplémentaires rémunérées et sans bonus. « Les employés les plus affectés sont ceux qui touchent un salaire mensuel de moins de 16 000 bahts [457 euros] », confie Pornladda Dathratwibul, directeur national de la société de recrutement JobsDB. De son côté Amina, du centre MBK, s’inquiète à l’idée de se retrouver sans travail un jour ou l’autre. « Pour l’instant, nous faisons ce que nous pouvons pour tenir bon. Mais j’ignore combien de temps cela va pouvoir durer. »

(Avec Ucanews, Bangkok)


CRÉDITS

Ucanews