Eglises d'Asie

L’Église du Pakistan demande l’adoption d’une loi contre les violences policières

Publié le 28/09/2022




Cet appel, lancé par des prêtres pakistanais, intervient après la mort récente de plusieurs chrétiens en garde à vue. Pour la Commission nationale pour la justice et la paix (NCJP) des évêques catholiques, « des réformes de la police sont nécessaires, afin d’atteindre des standards d’enquête modernes et scientifiques ».

Une vue de la prison de la prison centrale de Mianwali, dans la province du Pendjab.

Les dirigeants catholiques du Pakistan appellent à une réforme de la police et à l’adoption d’une loi visant à criminaliser la brutalité policière, en raison du nombre élevé de prévenus, notamment chrétiens, qui meurent en garde à vue.

L’appel à la réforme a été lancé après la mort du catholique Bashir Masih, 52 ans, en garde à vue le 17 septembre en fin de soirée, quelques heures après avoir été arrêté et accusé de vol.

Masih est le septième chrétien tué au cours d’un interrogatoire de la police depuis 2009, ont indiqué les dirigeants chrétiens, soulignant la nécessité de réformes. Pour Kashif Aslam, directeur adjoint de la Commission nationale pour la justice et la paix (NCJP) des évêques catholiques, « des réformes de la police sont nécessaires, afin d’atteindre des standards d’enquête modernes et scientifiques ». Afin de remplir cet objectif, « les forces de l’ordre doivent abandonner les méthodes inhumaines d’obtention d’aveux par la torture, les arrestations et détentions arbitraires ».

Selon les groupes de défense des droits humains, différentes méthodes de torture policière sont documentées au Pakistan, incluant des coups de matraque et de lanières de cuir, l’étirement et l’écrasement des jambes à l’aide de tiges métalliques, les violences sexuelles, la privation prolongée de sommeil et la torture psychologique, par exemple en forçant les détenus à regarder d’autres personnes se faire torturer.

Le 1er août, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la Loi relative à la prévention et à la répression de la torture et de la mort en détention, qui fait de la torture pratiquée par les forces de sécurité une infraction pénale, pour la première fois. Toutefois, cette loi est toujours en attente d’examen par la Commission permanente du Sénat. Plusieurs organisations ont appelé à accélérer le processus d’adoption de la loi.

La dernière victime de violences policières, Masih, père de cinq enfants, a été arrêté après avoir été accusé d’avoir volé un véhicule par son ancien patron, Imitiaz Cheema, propriétaire d’un four à briques, qui a porté plainte contre lui.

Masih, originaire du village de Zafarwali dans la province du Pendjab, travaillait comme chauffeur de rickshaw lorsqu’il a été arrêté. Son corps a été laissé à l’hôpital public du quartier de Sambrial, près du poste de police où il a été interrogé.

Selon les déclarations de Sarfraz Arshad, son neveu, « un membre du personnel de l’hôpital nous a indiqué que deux policiers et une personne en civil avaient laissé le corps à l’hôpital. Il saignait de l’arrière de la tête. Ses cuisses et ses jambes portaient des blessures. Ses poignets et ses épaules aussi ».

« Mon oncle a quitté Cheema il y a environ quatre ans », poursuit-il, « après avoir été accusé de faciliter l’amitié entre leur employée de maison et un artisan local. Bien que l’employée de maison, musulmane, ait nié les faits devant témoins, Cheema lui en a toujours voulu. »

Selon les groupes de défense des droits humains, les prévenus issus de groupes marginalisés restent particulièrement exposés à de tels abus.

Selon un rapport de la Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP), les minorités chrétiennes sont les premières victimes de violences et de tortures policières. Le document indique qu’au cours des 12 dernières années, entre 2010 et 2022, au moins 21 individus membres de minorités religieuses sont morts dans des postes de police et des prisons, dont 17 chrétiens. Parmi les autres, on compte trois hindous et un sikh. Trois chrétiens ont été tués au cours de l’année 2019, deux en 2017 et 2015. La quasi-totalité de ces morts ont eu lieu dans la province du Pendjab, où vivent la plupart des chrétiens du Pakistan.

En 2020, un total de 65 467 plaintes ont été enregistrés contre la police pour différents types d’abus. Sur ce chiffre, seuls 152 policiers ont reçu des sanctions pour des décès en détention, selon le rapport de l’HRCP.

Sunil Shehzad, un chauffeur de rickshaw catholique, faisait partie des 41 chrétiens arrêtés en 2015 pour le meurtre de deux musulmans soupçonnés à tort d’avoir commis des attentats dans une église dans la région de Youhanabad, dans la banlieue de Lahore. Il est encore hanté par le souvenir des tortures policières, au cours de ses cinq années de détention. « Ils voulaient que nous nous convertissions à l’islam ou que nous témoignions contre nos prêtres. Nous avons assisté, horrifiés, à la mort de deux d’entre nous, faute de traitement médical. Nous sommes devenus très soudés derrière les barreaux. »

Pour le père Khalid Rashid Asi, directeur du NCJP dans le diocèse de Faisalabad, « la police doit protéger et sauver des vies au lieu de torturer et de se faire justice elle-même. L’Église et la société civile sont en colère et fatiguées de la culture de l’impunité des ‘thana’ [postes de police]. Certains policiers travaillent comme hommes de main des politiciens et bénéficient de l’immunité de la loi. »

De nombreux musulmans ont également été victimes de la police au Pendjab, où les décès en garde à vue sont fréquents. « Les réformes doivent se concentrer sur la formation des jeunes policiers, les académies de police devraient assurer une éducation supérieure aux candidats », ajoute le père Asi.

« Les minorités religieuses sont battues comme des animaux, affirme-t-il. Les enquêtes judiciaires sur les décès en garde à vue n’aboutissent jamais. Après 75 ans d’indépendance, beaucoup de gens vivent encore dans la terreur. »

(Avec Ucanews)