Eglises d'Asie

L’Église pakistanaise réagit face à la crise politique et économique que traverse le pays

Publié le 12/04/2022




Le 9 avril, le Premier ministre Imran Khan a été renversé après moins de quatre ans de mandat. Quelques jours plus tôt, il avait tenté de dissoudre le Parlement suite à une motion de censure déposée par l’opposition, alors que sa coalition était affaiblie par un contexte économique difficile. De nombreux responsables chrétiens ont salué la décision de la Cour Suprême qui a jugé la tentative du Premier ministre comme « anticonstitutionnelle ». Arrivé au pouvoir en 2018, il avait suscité des espoirs en promettant de mettre fin à des décennies de corruption et de népotisme.

Le 9 avril, le Premier ministre pakistanais Imran Khan a été renversé par une motion de censure.

De nombreux responsables chrétiens et défenseurs des droits des minorités ont salué la décision de la Cour Suprême qui a, jeudi dernier, déclaré comme « anticonstitutionnelle » une tentative de dissolution de l’Assemblée nationale par le Premier ministre Imran Khan. Suite à cette décision, ce samedi 9 avril, 174 députés ont voté une motion de censure à l’encontre d’Imran Khan, qui est ainsi renversé après moins de quatre ans de mandat. Le Premier ministre avait tenté de dissoudre le Parlement afin de s’opposer à la motion de censure. Il avait également dénoncé un « complet étranger ».

L’arrivée d’Imran Khan au pouvoir en 2018 avait suscité des espoirs, après avoir promis de mettre fin à des décennies de corruption et de népotisme, mais il s’est efforcé de convaincre ses partisans face à une inflation croissante, une roupie affaiblie et une dette dévastatrice. Le Pakistan a été secoué constamment par des crises politiques depuis son indépendance il y a 75 ans, et aucun Premier ministre n’a jamais accompli de mandat complet.

« Nous invitons tous les acteurs politiques à renouveler leurs engagements »

« Le verdict de la Cour a restauré notre foi en l’État de droit et en notre capacité à élire les bons représentants. Les trois dernières années ont été le pire régime que nous avons connu en termes de développement humain, de droit des minorités et de croissance économique », a réagi Kashif Aslam, responsable de projet au sein de la Commission nationale Justice et Paix de la Conférence épiscopale pakistanaise. « Le Premier ministre a essayé de nous faire retourner à l’âge de pierre avec sa politique religieuse. Son orgueil est coupable face à la crise politique et constitutionnelle que nous vivons. »

« Je suis heureux que la Constitution ait été respectée. C’est une victoire de la démocratie au Pakistan », a également souligné Cecil Chaudhry, un responsable de l’organisation Christian Solidarity Worldwide pour l’Asie du Sud. De son côté, la Commission des droits de l’homme du Pakistan s’est réjouie de la décision de la Cour Suprême. « C’était primordial que la Cour ne fasse aucun compromis concernant la Constitution. Cette décision aura des effets durables pour la stabilité démocratique », a déclaré la Commission.

« De même, nous invitons tous les acteurs politiques, en particulier au sein du gouvernement fédéral, à renouveler leurs engagements vis-à-vis des valeurs démocratiques et à défendre les besoins et les droits des citoyens ordinaires avant tout. » « Malheureusement, les tribunaux n’ont pas toujours été transparents au cours de notre histoire troublée. Mais le verdict récent de la Cour suprême a permis d’assurer son autorité », a aussi souligné le père Nasir William, directeur de la Commission pour les communications sociales du diocèse d’Islamabad-Rawalpindi.

« Si la situation politique n’est pas stabilisée, la relance économique sera impossible »

Cependant, Saleem Rajput, président de la Pakistan Christian Association, estime que la crise politique actuelle ne doit pas dominer toute la vie politique et le travail du gouvernement, bloquant tout le reste et aggravant une situation chaotique. « Si la situation politique n’est pas stabilisée, l’économie et la société en pâtiront gravement et la relance sera impossible », a-t-il prévenu. « Récemment, l’économie du pays a été durement affectée et la dette a augmenté. Si les dirigeants ne cessent pas de s’humilier les uns les autres, le pays en subira les conséquences », a-t-il poursuivi.

« La décision de la Cour Suprême fera jurisprudence afin de réaffirmer la primauté de la Constitution et la stabilité de la démocratie au Pakistan », a commenté le père Khalid Rashid, de la Commission nationale Justice et Paix, tout en invitant les forces pro-démocratie à la mesure en laissant agir le Parlement. Le prêtre voudrait également voir la Cour Suprême se préoccuper de la situation actuelle des minorités. « Nous demandons des réformes électorales avant les prochaines élections, pour que les chrétiens puissent voter des représentants, qui puissent mieux faire face aux problèmes des minorités. »

Pour Naveed Walter, président de l’organisation HRFP (Human Rights Focus Pakistan), l’utilisation de la religion et de slogans anti-américains par Imran Khan n’est pas nouvelle, mais il estime que cela a toujours été un danger pour la stabilité du pays. Selon Naveed, Imran Khan se contredit lui-même quand il s’engage à réserver des sièges aux femmes et aux minorités, tout en accusant sans fondement des élus d’avoir accepté de l’argent de l’opposition pour voter en faveur de la motion de censure. « La pratique des valeurs démocratiques, plutôt que l’utilisation de la religion en politique, est plus favorable aux minorités pakistanaises », souligne-t-il.

(Avec Ucanews et Asianews)