Eglises d'Asie

Les bouddhistes tibétains face aux ambitions chinoises

Publié le 14/11/2018




Après avoir réprimé les religions durant soixante ans, la politique de Pékin cherche à utiliser le bouddhisme tibétain pour servir sa politique étrangère, notamment dans le cadre des Nouvelles routes de la soie (Belt and road initiative), qui comprennent des investissements et le développement d’infrastructures dans des pays européens, asiatiques et africains. Le Parti communiste chinois a déjà appliqué sa politique sur les Affaires religieuses, en cherchant à pousser les bouddhistes tibétains à s’adapter à une société socialiste.

Au cœur de la guerre commerciale sino-américaine, le Parti communiste chinois continue de soutenir les « Nouvelles routes de la soie » (Belt and road initiative – BRI) face aux ambitions américaines, mais aussi européennes. Afin de mieux parvenir à ses fins, le gouvernement chinois demande aux bouddhistes tibétains de contribuer aux « Nouvelles routes de la soie », qui comprennent des investissements et le développement d’infrastructures dans des pays européens, asiatiques et africains. Selon le site internet du Département du front uni du Comité central du Parti communiste chinois (UFWD), un colloque a eu lieu à Qinghai le 16 octobre sur le sujet, organisé par l’Institut supérieur du bouddhisme tibétain (High-level Tibetan Buddhism College of China) et par les Universités bouddhistes tibétaines (Tibetan Buddhism Colleges) du Tibet, du Sichuan, du Yunnan, du Gansu et du Qinghai. Les autorités chinoises ont participé activement à l’événement, dont Renquing Anjie, vice-président de l’Association bouddhiste de Chine et doyen de l’université bouddhiste tibétaine du Quinghai. Quelques participants au colloque ont demandé que le bouddhisme tibétain s’engage en faveur du développement des Nouvelles routes de la soie, pour le parti et pour le pays.

Le Parti communiste chinois a déjà appliqué sa politique visant à presser les bouddhistes tibétains à « s’adapter à uns société socialiste » et à travailler à « une nouvelle interprétation de la doctrine ». Cependant, la répression des religions par le Parti a terni la réputation de Pékin dans le monde entier. Aujourd’hui, le gouvernement appelle les religions à servir ses ambitions, alors que les projets de Nouvelles routes de la soie font souvent face à l’opposition. Cependant, comment Pékin peut-il réprimer le bouddhisme tibétain d’un côté, tout en lui demandant de contribuer à ses projets ? On peut en conclure que le Parti communiste chinois est dans l’impasse et qu’il est prêt à tout pour défendre ses intérêts. Il est très simple, pour le Parti, de réprimer et de contrôler le bouddhisme tibétain au Tibet, mais il lui est moins évident de l’utiliser pour ses projets à l’étranger. Tout d’abord, la répression du bouddhisme tibétain par le Parti, durant près de soixante ans, est évidente pour tout le monde. Deuxièmement, durant ces décennies, les Tibétains exilés ont véhiculé le bouddhisme tibétain à travers le monde, où il a pris racine.

De plus, quand on mentionne le bouddhisme tibétain à l’étranger, les gens pensent davantage au Tibet qu’à la Chine. Et ceci malgré les efforts du gouvernement chinois, qui ajoute toujours le mot « Chine » chaque fois que l’on mentionne le bouddhisme tibétain et le Tibet – et qu’il utilise tout le pouvoir de l’État pour travailler à la sinisation des religions. Enfin, la figure emblématique du bouddhisme tibétain dans le monde reste le Dalaï-Lama, dont l’exil continue de provoquer la colère du parti. Il faut aussi ajouter que le Parti communiste ne fait pas confiance aux bouddhistes tibétains. Pourtant, le bouddhisme tibétain fait partie de la civilisation tibétaine, et non de la civilisation chinoise.

(Avec Ucanews)

Par Sang Jieja, écrivain et chroniqueur tibétain.


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